Une rupture dans la progression irrésistible du FN

Dominique Reynié |

Interview de Dominique Reynié parue dans  Le Parisien, le 23 mars 2015, suite au le 1er tour des élections départementales du 22 mars.

Le Parisien : Comment expliquer une participation plus forte que prévu ?

Dominique Reynié : N’exagérons rien, elle n’est que de 50% environ. On savait qu’elle se mesurerait très mal en raison des complexités de cette élection, reportée, inédite dans ses modalités. Au regard des premiers résultats, ce taux traduit une mobilisation, d’opposition, avec le bon score de l’alliance UMP-UDIMoDem, et de protestation, en faveur du FN.

Le Parisien : L’UMP et Nicolas Sarkozy sont-ils les grands vainqueurs ?

Dominique Reynié : Oui pour Nicolas Sarkozy, patron de l’UMP. Le grand vainqueur, c’est aussi la construction de l’ensemble UMP-UDI-Modem ; c’est enfin une stratégie, celle de la droite et du centre unis qui rejettent explicitement les alliances locales et nationales avec le FN. Cet ensemble vient de se montrer capable de battre la gauche et le FN.

Le Parisien : Est-ce une défaite du PS?

Dominique Reynié : Ce n’est peut-être pas encore une déroute, mais c’est un très net recul. Il est dû à une division de la gauche, qui est la conséquence d’une absence de doctrine unificatrice. Après le recul dans les municipales c’est une pièce supplémentaire qui s’effondre dans l’appareillage territorial du PS. Pour la première fois dans l’histoire de la gauche depuis 1945, on assiste à un effondrement du PS non compensé par une progression de la gauche de la gauche.

Le Parisien : Que penser du score du FN ?

Dominique Reynié : Difficile de nier que son score est élevé et que son ancrage est beaucoup plus fort qu’en 2011. Cependant, il n’est pas devenu le premier parti de France, contrairement à ce que laissaient penser les sondages et ce qu’affirmait Marine Le Pen pendant la campagne. On assiste aujourd’hui à une rupture dans le récit parfait que semblait écrire la présidente du FN, celui d’une progression irrésistible et d’une marche triomphale vers le pouvoir. Ce récit est aujourd’hui interrompu.

Le Parisien : À quoi est dû ce relatif échec ?

Dominique Reynié : Les électeurs s’interrogent de plus en plus sur l’utilité d’un vote en faveur du FN dont les arguments répétés à satiété depuis 2012 commencent à subir une certaine usure. Cette élection illustre l’impasse stratégique dans laquelle se trouve le FN. J’ajoute le début d’un « effet Syriza », qui administre la preuve que les partis populistes de droite comme de gauche se brisent sur la réalité des choses. Leurs postures belliqueuses vis-à-vis de l’Union européenne disparaissent lorsqu’ils arrivent au pouvoir.

Le Parisien : Est-ce que l’appropriation par le PS et l’UMP d’un thème cher au FN comme la laïcité ne lui a pas porté préjudice ?

Dominique Reynié : Certainement. Mais autant les électeurs de l’UMP et du centre s’y retrouvent, autant l’unité sur ce thème défendu notamment par Manuel Valls est plus compliquée à réaliser à gauche.

Le Parisien : Cette élection dessine-t-elle la présidentielle de 2017 ?

Dominique Reynié : Bien sûr. Nombre de face-à-face UMP-FN dans les départements sont autant de « 21 avril » qui augurent du second tour de la présidentielle de 2017 et d’un face-à-face entre un candidat UMP-centre et un candidat FN.

 

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