Élections en Suède et en Italie : l’extrême droite en force en Europe

Henri Vernet | 12 septembre 2022

Alors que le parti anti-immigration est sorti vainqueur des élections législatives en Suède ce dimanche, le même succès est prédit par les sondages aux nationalistes italiens pour le scrutin du 25 septembre.

Patrie phare de la social-démocratie, la Suède va peut-être basculer à l’extrême droite. À la stupeur quasi-générale, le mal nommé parti des Démocrates de Suède (SD) sort en effet véritable vainqueur des élections législatives du dimanche 11 septembre. Avec un score provisoire de 20,7 %, ce mouvement d’extrême droite, naguère paria de la scène politique, s’impose en pivot d’un bloc de droite (SD, modérés, chrétiens-démocrates et libéraux) prêt à gouverner pour la première fois avec lui.

La droite pourrait ravir le pouvoir à la gauche (sociaux-démocrates, Parti de gauche, Verts et parti du centre), aux commandes depuis huit ans. Pourrait, car à l’issue d’une soirée électorale à rebondissements, les scores étaient si serrés (175 à 176 sièges pour la droite, 173 à 174 pour la gauche) que les résultats définitifs ne devraient être rendus officiels que mercredi 14 septembre, une fois comptés notamment les bulletins de l’étranger.

Le nationaliste Jimmie Akesson

Comment expliquer cette nouvelle percée du SD ? Lui qui ne pesait que 1,4 % des voix il y a vingt ans est entré pour la première fois à la chambre en 2010 et n’a cessé de grignoter des points depuis. L’effet dédiabolisation a joué. Depuis qu’il a repris les rênes de ce mouvement naguère peuplé de néonazis adeptes de la violence, son leader Jimmie Akesson, 43 ans, cultivant l’allure d’éternel étudiant avec ses vestes ornées d’une pochette, ses lunettes et sa barbe bien taillée, a évacué ce qui fâche. Il a troqué l’emblème gothique du parti de la torche qui brûle contre une anémone aux couleurs de la Suède.

« Surtout, ce parti qu’on pourrait qualifier de nationaliste ne veut plus la sortie de l’Union européenne », souligne Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique et spécialiste des mouvements populistes. Ces « Démocrates » restent néanmoins d’extrême droite. « Le SD est un parti anti-immigration et hostile au multiculturalisme, précise le politologue. Il y a un lien indubitable entre sa progression électorale et le rejet croissant d’une immigration perçue comme une menace, dans une société linguistiquement et culturellement très homogène jusqu’à maintenant. »

Lors de la crise des réfugiés de 2015, la Suède en avait accueilli 300 000 sur son territoire, un record surtout pour un pays de 10,3 millions d’habitants. « Mais leur accueil se heurte à de grandes difficultés sur le marché du travail, l’immigration pose la question de la soutenabilité de l’État providence », appuie Reynié, rappelant que, selon l’OCDE, la Suède « compte proportionnellement quatre fois plus d’immigrés que la moyenne des pays occidentaux ».

Giorgia Meloni favorite

La campagne s’est beaucoup jouée sur ces thèmes (outre l’inflation des prix de l’énergie), sur fond de règlements de comptes meurtriers dans les banlieues, d’émeutes urbaines et de criminalité en hausse. « Les gouvernants suédois sont très coupables de ne pas avoir admis la réalité de ce problème », juge l’expert.

Si la tendance de ce dimanche est confirmée, c’est le leader de droite modérée Ulf Kristersson qui deviendrait Premier ministre à la place de la sortante social-démocrate Magdalena Andersson. Mais un poids trop fort du SD pourrait entraîner des tensions avec les libéraux, fragilisant la coalition gouvernementale, alors que la Suède prendra la présidence semestrielle de l’Union européenne au 1er janvier.

Une Europe décidément colorée à la droite extrême, puisqu’un succès des nationalistes paraît aussi probable aux élections législatives du 25 septembre en Italie. Le parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, héritier du MSI néofasciste d’après-guerre, fait la course en tête dans les sondages. Si le bloc de droite constitué avec la Ligue de Matteo Salvini et le petit parti Forza Italia de l’inusable Berlusconi l’emporte, Giorgia Meloni, lancée elle aussi dans une opération dédiabolisation, succéderait au « techno » Mario Draghi.

Là encore, le thème de l’immigration pèse. « Oui, l’Europe est menacée par la droitisation de l’opinion, conséquence du refus des États membres comme de l’UE de prendre en considération cette préoccupation, tranche Dominique Reynié. Une obstination devenue irresponsable… »

Retrouver l’article sur leparisien.fr

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.