FOG – Immigration : mais à quoi joue Macron ?

Franz-Olivier Giesbert | 03 mars 2023

ÉDITO. Sur l’immigration et l’intégration, le président joue à nouveau le pas de deux du « en même temps ». Ce qui garantit un nouvel immobilisme…

Ministre de Macron est un métier pénible. Depuis des mois, Darmanin travaille avec Dussopt sur une grande loi, une de plus, censée « contrôler l’immigration » et « améliorer l’intégration ». Et voilà que, avant la discussion du texte au Parlement, est nommé par le gouvernement à la tête de la section la plus importante du Conseil d’État, temple de la bien-pensance, un immigrationniste à tous crins, Thierry Tuot.

Un coup à droite, un coup à gauche : après ça, essayez de vous y retrouver. C’est un trait de caractère vieux comme le monde, qui consiste, comme on disait au temps jadis, à changer de poil, jouer les deux ou branler au manche. Celui qui en est affligé se prend pour le vent. Il n’est que la girouette. Si Macron cherche à complaire à la fois à LR et à LFI, voilà encore un grand sujet de société que le pouvoir ne traitera pas.

Où va Macron ?Il y va, primesautier, entre deux accolades, sans savoir où le mènent ses pas, souvent de côté. C’est toute la différence avec Joe Biden. Il est de bon ton de se gausser de l’âge du président américain, dont la motricité devient au demeurant de plus en plus problématique. Il est très vieux pour ce poste, oui, mais il a une ligne, lui, sur la plupart des sujets, et il s’y tient. Il fait l’Histoire. Pas de la com – il n’est pas en état.

L’âge n’est pas un naufrage, au moins quand, comme Biden, on a une direction et que l’on n’en change pas, contrairement à Macron, au gré des humeurs, des sondages. Les convictions maintiennent ou rajeunissent, ce sont le nihilisme, le narcissisme et la procrastination qui fatiguent. Si le président américain paraît toujours, à 80 ans, le maître des horloges à plus d’un an de la fin de son mandat, son homologue français paraît, lui, lessivé à 45 ans. Et il a encore quatre ans à tirer !

Le voici seul parmi ses décombres et pourtant il ne semble pas disposé à se remettre en question alors que tout est à reconstruire. Il ne faut nous en prendre qu’à nous-mêmes, direz-vous. Eh bien, non. Quand on le soutient au second tour de la présidentielle ou sur la réforme des retraites, c’est parce qu’on n’a pas le choix, avec le secret espoir qu’un nouveau Macron nous fera un jour oublier les précédents. Las ! il n’en prend pas le chemin. Il faut toujours qu’il enfume, embrouille, c’est une manie. Comme le confirme ce dernier pas de deux avec le Conseil d’État, organisme qui s’est arrogé la politique de l’immigration, avec le succès que l’on sait.

Le peuple souverain peut aller se rhabiller : le Conseil d’État a, dans les années 1970, perpétré un putsch silencieux. Contrairement à une légende tenace, c’est lui – et non pas Giscard, ni Barre, ni Chirac, les gouvernants de l’époque – qui a ouvert les vannes de l’immigration avec ce fameux regroupement familial à la française. Profitant de la faiblesse politique du pouvoir, il a pris le dossier de l’immigration en main et ne l’a plus jamais lâché depuis. Nommé le 22 février, Thierry Tuot, le nouveau et puissant président de la section de l’Intérieur du Conseil d’État, est l’incarnation de quatre décennies de dérives, de délires et de laisser-aller.

Il faut être très obtus pour nier les bienfaits de l’immigration. Elle n’a que des avantages, à condition, bien sûr, d’être contrôlée, ce qui n’est plus le cas, et, à défaut d’assimiler, ex-spécialité française, d’intégrer les nouveaux venus : nous en sommes, hélas, très loin. Sous la présidence de Hollande, un rapport avait été demandé à Thierry Tuot en 2013. Il provoqua un malaise et fut, Dieu merci, aussitôt enterré. Verbeux mais talentueux, le texte se place toujours du point de vue des immigrés, pas de celui de l’État ni de la République, et ne semble pas savoir que notre pays, s’il leur a donné quelques devoirs, leur a quand même consenti une foultitude de droits. La France est toujours coupable, que voulez-vous.

Le laxisme n’intègre pas. Si notre politique d’intégration ne marche pas, c’est parce qu’elle est l’une des moins contraignantes du Vieux Continent, comme le montre avec éclat une étude de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol). Ajoutez à cela les facilités pour la naturalisation et l’accès aux soins ou encore une baisse sidérante du pourcentage des expulsions ordonnées par la justice, tombé à 8 %. La thrombose guette. À Macron de l’empêcher.

Allez, courage ! En lisant la merveille de livre de Blanche de Richemont qui porte ce titre (1), le président pourrait trouver le ressort qui visiblement lui manque pour régler le problème. Comme elle l’a écrit dans sa cabane en bois d’une vallée forestière du Morvan : « Allez, courage ! C’est l’appel du cœur qui nous lève du lit dans les aubes gelées d’hiver. C’est notre âme qui nous redresse quand on perd le souffle. » On peut toujours rêver.

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