«La LFisation de la gauche est plus accomplie que la RNisation de la droite», analyse Dominique Reynié

Dominique Reynié, Florence Chédotal | 11 septembre 2022

Que pèse encore cette famille politique qui a porté si longtemps la Ve République ? Avec l’entrée en lice du sénateur Bruno Retailleau face au député Eric Ciotti pour la présidence de LR, la droite renoue avec la bataille des chefs, tandis que certains sautent directement à la case 2027, comme Laurent Wauquiez. Le destin de la droite est-il de se radicaliser, comme celui de la gauche ?

Est-il encore permis de faire la guerre sur un champ de ruines ? Officiellement, tous les protagonistes en question souhaitent le plus grand bien au vieux parti Les Républicains, qui peine à se relever de ses claques successives. Tout paraissait d’ailleurs presque réglé jusqu’à l’arrivée du sénateur vendéen Bruno Retailleau, candidat à la présidence LR.

« Terminer dans une cabine téléphonique »

Le député Éric Ciotti et le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez échangeaient des mots doux et prenaient de la hauteur, en manches retroussées, sur le mont Mézenc… À croire qu’un pacte secret relie ces deux-là. À l’un l’Élysée, à l’autre le parti. Bruno Retailleau est venu bousculer le scénario tout tracé que le secrétaire général du parti Aurélien Pradié ne semblait pas pouvoir dévier. Bien sûr, il ne déclare la guerre à personne.

Bien sûr, même si ça ne sonne pas très neuf, l’homme du bocage vendéen, moins clivant que le sudiste Ciotti, se veut le « candidat du rassemblement » pour reconstruire une droite « courageuse » mais « pas rétrécie », sous peine de « terminer dans une cabine téléphonique ». Ou que certains aillent se jeter dans les bras d’Édouard Philippe, pour ne citer que lui…

Dans une France électorale que l’on prétend largement acquise à la droite, la bataille pour sa survie d’un parti comme LR pourrait surprendre. « On estime le poids électoral des droites à près de 58 % en 2022. C’est la moyenne aux élections depuis 1965, exception faite de 1981 », chiffre Dominique Reynié, directeur général de la Fondapol, qui vient de publier une enquête autour des « mutations politiques et majorité de gouvernement dans un France à droite ».
Mais un mouvement s’accentue en son sein.

Au détriment d’« une droite de type orléaniste, libérale, modérée, européenne comme le macronisme, composé à 63 % en 2022 d’électeurs de droite ».
Est-ce le même mouvement que l’on trouve à gauche ? « C’est pareil », répond le politologue, mais « en moins abouti. La LFisation de la gauche est plus accomplie que la RNisation de la droite ». Et LR se situe là, au milieu. En étau entre la majorité et le RN. Dominique Reynié ne dirait pas que la situation est inextricable mais « compliquée ». « Chacun des deux blocs est constitué en partie d’électeurs issus de la ligne LR. Le score de Valérie Pécresse en 2022 s’explique par cette double fuite, principalement vers Macron, un peu vers Zemmour et le RN ».

Produire un discours de synthèse

Restent deux options pour le parti LR :  « faire un choix d’alliance car il n’a pas la capacité, seul, d’initier une coalition dont il aurait la maîtrise, soit avec le macronisme, soit avec le RN post-Le Pen ». Ou alors « produire un discours de synthèse qui pourrait notamment répondre à la demande d’ordre d’une partie de l’électorat ». Et compter sur le fait que le RN n’est toujours pas jugé crédible sur les questions économiques et européennes par les sympathisants d’une droite républicaine.

Crise existentielle

Encore faut-il trouver une incarnation, rue de Vaugirard. Les ambitieux ne manquent pas : le maire de Cannes David Lisnard et son micro-parti « Nouvelle Énergie », Xavier Bertrand et sa formation « Nous France »…

Le Congrès LR (du 3 au 11 décembre prochains), où sera élu le nouveau président, règlera-t-il le problème de leadership et la crise existentielle du parti ? Rien de moins sûr. « Il faudrait que l’un des candidats sorte avec un résultat écrasant », commente Dominique Reynié. Mission première : ne pas couler le navire d’ici 2027.

 

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