L'épargne longue, un levier pour sortir de la trappe à sous-productivité

Robin Rivaton | 22 avril 2013

Tribune de Robin Rivaton, auteur pour la Fondation de plusieurs notes dont Relancer notre industrie par les robots : enjeux et stratégies et Le Kapital. Pour rebâtir l’industrie (co-écrit avec Christian Saint-Etienne), paru dans Le Monde, le 25 avril.

Alors que les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre ont remis leur rapport sur l’épargne longue au ministre de l’économie Pierre Moscovici, celui-ci témoigne d’un manque d’ambition face aux besoins de mobilisation de l’épargne longue en France.

L’enjeu est de taille. Le financement de l’économie est un ingrédient essentiel du cocktail de compétitivité nationale. Si les entreprises peuvent se financer à des taux bas, la rémunération des créanciers et des actionnaires ne constitue pas un facteur limitant de la volonté d’investissement.

Ceci est d’autant plus vrai en France où les marges des entreprises notamment industrielles ont fondu ces dernières années, de 34% en 2000 à 22% en 2012, réduisant les possibilités d’autofinancement, celui-ci étant passé de 82% à 64% sur la même période.

Actuellement, le flux d’épargne annuelle des Français est d’environ 80 milliards par an dont seulement une fraction, 20 milliards, est à destination du financement des entreprises nationales.

Or il s’agit pour la moitié de cette somme de grandes entreprises qui n’ont aucun mal à recourir aux marchés financiers et aux investisseurs internationaux.

ENTRAVES À L’INTERVENTION DES BANQUES

Ainsi, à l’heure où les réglementations prudentielles, qu’elles soient internationale comme Bâle III, européenne comme Solvabilité II ou même nationale avec la récente loi sur la séparation des activités bancaires constituent autant d’entraves à l’intervention des banques et assureurs dans le financement de l’économie, la réforme de l’épargne longue appelée de tous se devait d’être ambitieuse.

Force est de constater qu’elle ne le sera pas. Karine Berger, lors des Etats généraux de l’épargne il y a deux mois, avait déjà nuancé le besoin d’une révolution.

Au final la mesure la plus audacieuse du rapport consiste, pour les contrats avec des encours supérieurs à 500.000 euros, de limiter l’obtention d’une fiscalité avantageuse après 8 ans de détention aux contrats Euro-Croissance et aux contrats en unités de compte.

L’idée serait de favoriser la prise de risque et de rediriger 100 milliards d’euros d’épargne en direction du financement des entreprises d’ici 2017. Mais il est très incertain que cette incitation soit suffisante pour aller contre l’aversion au risque des épargnants car ce type de contrat a déjà existé, échouant du fait de leur complexité et n’attirant au final que peu d’investisseurs particuliers.

Du point de vue de l’assureur, il est en outre très difficile de concilier les flux de l’assurance-vie et l’horizon d’investissement dans des entreprises non cotées.

MULTIPLES ATTAQUES

Aussi ce changement sera bien incapable de créer un environnement fiscal et juridique attractif au financement des fonctions productives du pays.

La réforme ne suffira même pas à compenser les multiples attaques portées ces derniers mois contre les produits de financement des entreprises:

– Remontée des plafonds du livret A et livret de développement durable qui a créé un appel d’air défavorable aux contrats d’assurance-vie, amenant des ressources excédentaires sur le fonds de centralisation de la Caisse des Dépôts et des Consignation qui n’a d’autre choix que de les placer dans la dette de l’Etat français;

– Transformation du Livret de développement durable (LDD) en Livret d’épargne Industrie qui devait contribuer à hauteur de 10 milliards d’euros au financement de la future Banque publique d’investissement (BPI) qui n’a toujours pas eu lieu, plus de 3 mois après son annonce ;

– Multiplication des entraves fiscales et juridiques votées à l’encontre des investisseurs français qui ont conduit à une baisse d’un tiers des volumes d’investissement dans les start-ups sur le quatrième trimestre 2012 et au fait que 80% des sociétés d’investissement françaises disposent désormais de moins de 30% des fonds qu’elles gèrent pour investir dans de nouvelles entreprises ;

– Dégradation de l’image de la France auprès des investisseurs internationaux qui obère le volume d’Investissements directs étrangers.

Il ne reste qu’une seule solution pour sortir l’économie française de la « trappe à sous-productivité » dans laquelle elle va se retrouver coincée, un choc d’investissement massif financé par l’épargne nationale que nous appelons de nos vœux dans notre ouvrage Le Kapital, coécrit avec Christian Saint-Etienne.

Pour y parvenir les chantiers à lancer sont majeurs et doivent embrasser l’ensemble des placements financiers, simplifier la fiscalité des plus-values, abaisser le forfait social, constituer des « fondations de patrimoine », lancer un PEA-PME, créer des filières courtes de financement…

 

Lisez l’article sur lemonde.fr.

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.