Dans une toute récente enquête de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) intitulée 2022, le risque populiste en France, consacrée au vote protestataire et réalisée avec l’institut de sondages OpinionWay, un chiffre attire l’attention : 55 %. C’est le pourcentage de personnes interrogées qui pourraient voter, au premier tour de la prochaine élection présidentielle, pour un ou une candidat(e) qui ne viendrait pas d’un parti politique. Une candidature « hors-système » surgissant au dernier moment, la journaliste Laetitia Krupa y croit et y consacre un livre, « La tentation du clown » (Ed Buchet-Chastel, 282 p, 21,90 €).
Présidentielle 2022 : Bigard, Hanouna, Zemmour... « La tentation du clown » ou l’hypothèse d’un candidat « hors-système »
Henri Vernet | 09 juin 2021
Et si un « clown » se présentait à la prochaine présidentielle ? En cette époque de « dégagisme », un livre de la journaliste Laetitia Krupa explore cette piste.
En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky, un ancien acteur de série comique, ne s’était-il pas présenté trois mois à peine avant le scrutin ? La fiction a vraiment précédé la réalité, puisque le jeune quadragénaire, totalement novice en politique, incarnait dans cette émission télévisée satirique… un prof de maths accédant à l’improviste à la magistrature suprême ukrainienne.
« Un faiseur de rois pour le second tour »
Quarante ans après la candidature de Coluche, la France, Laetitia Krupa en est convaincue, « connaîtra aussi son Zelensky, son Donald Trump ou son Beppe Grillo, l’humoriste créateur du mouvement populiste 5 étoiles en Italie ». Ainsi a-t-elle « testé », parmi ceux qu’elle désigne comme des clowns blancs, pas forcément rigolos, mais volontiers bonimenteurs, moralisateurs, « vengeurs » incarnant la voix des « sans-voix », plusieurs personnalités « présidentiables ».
La liste ne surprend guère, on les voit – ou voyait – tous les jours ou presque sur les plateaux des chaînes d’info. De l’animateur Cyril Hanouna au chanteur Francis Lalanne, du Pr Didier Raoult au philosophe Michel Onfray, de la Gilet jaune Jacline Mouraud à Jean-Marie Bigard, sans oublier le général de Villiers, loin d’avoir dit son dernier mot, les prétendants au rôle ne manquent pas. Soit qu’ils en promeuvent eux-mêmes l’idée, à l’image d’Eric Zemmour, soit que la rumeur souffle leur nom, comme celui d’Élise Lucet par exemple.
Les intéressés pourraient convaincre des élus susceptibles de leur apporter les 500 signatures indispensables pour concourir à l’Elysée. « Pourquoi les maires échapperaient-ils à la tentation dégagiste de l’époque ? J’en ai rencontré plusieurs prêts à parrainer un candidat hors-système plutôt qu’une Marine Le Pen qui se heurterait toujours, selon eux, au plafond de verre ». De fait, à l’heure où 70 % des électeurs considèrent, selon l’étude de la Fondation pour l’innovation politique, que les responsables politiques « parlent de sujets qui ne les concernent pas », des candidatures venues d’ailleurs pourraient apparaître tout aussi légitimes.
En 1981, le camp Mitterrand avait d’abord joué de l’aventure Coluche, la jugeant utile pour ringardiser la droite, avant de s’inquiéter d’un phénomène sondagier qui risquait de faire de l’ombre au candidat socialiste. L’amuseur au cœur à gauche s’était donc retiré.
L’autrice relève, intriguée, que cette rumeur de candidat hors-système est régulièrement brandie par des conseillers de l’Elysée, à leur tour relayés par les médias. À quelles fins ? « Quand Emmanuel Macron appelle au téléphone Zemmour ou Bigard, rend visite à Raoult à Marseille, il les place à son niveau et siphonne leur popularité, spécule Laetitia Krupa. En même temps, il les fait rentrer dans le système, il affadit le clown et se pose lui-même comme celui qui peut faire bouger les choses, sans pour autant risquer de plonger le pays dans le chaos ».
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Dominique Reynié (dir.), 2022, le risque populiste en France (Fondation pour l’innovation politique, juin 2021).
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