Présidentielle et législatives de 2022: la radiographie détaillée d'un vote clivé

Bruno Cautrès, Gilles Ivaldi, Jérôme Jaffré, Pascal Perrineau | 22 novembre 2022

GRAND DÉCRYPTAGE- Rédigé par 24 politologues, Le Vote clivé, édité par le Cevipof, le Cecop et la Fondapol, montre que globalisation économique et multiculturalisme sociétal ont imposé un nouveau clivage entre «société ouverte» et «recentrage national».

Les élections présidentielle et législatives qui se sont tenues en avril et juin derniers sont à la fois étonnantes et paradoxales. Étonnantes, car un président sortant a été pour la première fois sous la Ve République réélu confortablement hors situation de cohabitation. Là où Giscard avait échoué en 1981, Sarkozy en 2012 et Hollande en 2017, qui n’avait même pas pu se représenter, Emmanuel Macron a été réélu avec plus de 58 % des suffrages exprimés.

Jamais, également, et cela depuis que les élections législatives existent, l’abstention n’avait atteint de tels niveaux vertigineux : 52,5 % des inscrits. Jamais les candidats de la protestation n’avaient rassemblé une majorité des électeurs au premier tour de la présidentielle : c’est fait en 2022 avec plus de 56 % des exprimés et un effondrement jamais connu des représentants des grands partis de gouvernement (PS et LR). Jamais le vote lepéniste n’avait atteint de tels sommets : presque 42 % au second tour de la présidentielle. Jamais, enfin, des législatives tenues quelques semaines après la présidentielle n’avaient envoyé un message politique aussi dissonant par rapport à celui de l’élection majeure : la présidentielle.

Les électeurs, de plus en plus volatils

Paradoxalement, toutes ces surprises ont été enregistrées alors que la campagne n’a que peu intéressé les Français et qu’elle a été bousculée par la guerre en Ukraine et ses effets économiques et sociaux immédiats. Les Français ont profité de cette étrange séquence électorale pour déplacer profondément les lignes du paysage politique. Ce dernier n’est que le reflet de profonds clivages culturels et sociaux qui traversent nos sociétés. Le grand politologue norvégien Stein Rokkan considérait, dans les années 1960, que la politique exprimait de grands clivages issus des révolutions nationale et industrielle des siècles passés. La première des deux révolutions avait nourri l’opposition entre l’Église et l’État et le clivage entre le centre et la périphérie. La seconde avait engendré l’affrontement entre la bourgeoisie et le prolétariat ainsi que l’antagonisme entre l’urbain et le rural. Ces quatre clivages avaient accouché de huit familles politiques, qui ont, pendant plus d’un siècle, façonné le paysage des démocraties en Europe : partis religieux et partis laïques, partis centralistes et partis régionalistes, partis bourgeois et partis ouvriers, partis urbains et partis agrariens.

Aujourd’hui, ce vieux paysage familier se brouille, des partis émergent et d’autres semblent tomber dans de véritables failles. Les électeurs, de plus en plus volatils, se tournent vers de nouvelles forces qui tentent d’exprimer sur la scène politique de nouveaux clivages liés à la révolution postmatérialiste et à celle de la globalisation qui sont en train, depuis des décennies, de refaçonner nos sociétés. La première a imposé, depuis une cinquantaine d’années, de nouveaux enjeux plus qualitatifs dans le débat politique : rapports hommes-femmes, liens entre les générations, écologie, sexualité, éthique… La seconde a introduit les questions de la globalisation économique, politique et sociétale au cœur de l’agenda politique : qui sont les perdants et les gagnants de la globalisation économique ? Quels sont les bienfaits et les défauts de la gouvernance supranationale (Europe, G20, FMI, OMC…) ? Quels sont les vertus et les inconvénients des sociétés multiculturelles ?

L’électrochoc de 2017

C’est ainsi qu’une fois de plus, en 2022, après l’électrochoc de 2017, le macronisme « et de gauche et de droite » s’est confronté au lepénisme « ni de droite ni de gauche » pour marquer les limites du biséculaire clivage gauche-droite à rendre compte des clivages de la société d’aujourd’hui et enraciner le clivage entre « société ouverte » et « société du recentrage national ». Ainsi, le vote clivé oppose, en 2022, avec une particulière virulence, deux France et deux peuples qui parfois ont de plus en plus de mal à se parler et à se reconnaître.

Vote Macron : du changement promis à la stabilité assurée

Par Jérôme Jaffré, directeur du Centre d’études et de connaissances sur l’opinion publique (Cecop), chercheur associé au Cevipof

Entre les votes Macron du premier tour de 2017 et ceux de 2022, les changements sont considérables et conduisent à distinguer trois périodes. À la présidentielle de 2017, il représente le vote d’une France dynamique, aisée, cultivée, habitant souvent dans les grandes villes et laissant à François Fillon le soutien de la France riche et âgée. Dès les législatives de 2017, après l’entrée d’Édouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin au gouvernement, la France aisée, rassurée sur la ligne politique du quinquennat qui s’engage, rejoint en large partie le vote En marche.

La troisième étape, celle de 2022, accentue ce trait parmi les revenus les plus élevés et révèle un changement profond de la structure d’âge avec un fort recul dans les jeunes générations et une envolée parmi les personnes âgées. C’est désormais la France modérée et âgée qui constitue le fer de lance du macronisme électoral. Parmi les revenus les plus élevés, le soutien passe de 34 % à la présidentielle de 2017 à 40 % aux législatives de cette année-là, puis à 48 % à la présidentielle de 2022.

Le changement majeur, celui qui porte atteinte à la nature même du macronisme, est le déplacement de la structure d’âge. Alors qu’en 2017 le vote en sa faveur était distribué de façon assez égale sur ce critère, il n’en est plus de même en 2022. Pire, le vote Macron, qui progresse globalement de 4 points, en perd 5 parmi les 18-34 ans. Parmi les étudiants et lycéens, le recul atteint 9 points, de 28 % à 19 %.

La jeunesse vote contre le pouvoir en place alors que le but du macronisme était (est ?) de redynamiser le pays et de l’adapter aux défis de notre époque. À l’inverse, la progression est fulgurante parmi les plus de 65 ans avec un gain de 12 points et un score très supérieur à la moyenne d’ensemble. En 2022, le vote Macron est devenu une assurance de stabilité et non plus une promesse de changement.

On le voit également en considérant les résultats dans les villes de plus de 20.000 habitants. En 2017, les meilleures performances se situaient le plus souvent en Île-de-France et dans des villes aux classes moyennes supérieures mais pas bourgeoises. Venaient en tête du vote Macron des villes comme Vincennes, Gif-sur-Yvette ou Issy-les-Moulineaux. Tout autre est le palmarès du premier tour de 2022, où les villes les plus bourgeoises occupent les premières places. Neuilly-sur-Seine se place ainsi en tête, avec 49 % pour Emmanuel Macron, puis Boulogne-Billancourt ou encore Saint-Cloud et peu après Saint-Germain-en-Laye et Rueil-Malmaison.

La situation de Paris, dont la sociologie politique des arrondissements est si parlante, illustre bien cette mutation. En cinq ans, d’un premier tour de présidentielle à l’autre, le vote Macron recule fortement dans les 20e, 19e et 18e arrondissements, devenus ceux des classes moyennes diplômées à revenus intermédiaires qui basculent dans le vote Mélenchon.

En revanche, le score du président s’envole dans les arrondissements les plus bourgeois : + 20,1 points dans le 16e, + 16,9 dans le 7e, + 15,1 dans le 8e. En 2017, les meilleurs arrondissements macronistes étaient ceux du centre de la capitale (les 2e, 3e, 4e et 9e). En 2022 se placent en tête le 7e, le 6e, le 16e et le 8e.

Le 7e arrondissement, référence ancrée dans l’histoire de la droite nationale, n’occupait en 2017 que la 17e place dans le classement des 20 arrondissements. Le voici en première position. On mesure ici le chemin parcouru. Le macronisme électoral a réussi la fusion de la droite et du centre, ce que son versant parlementaire a échoué à prolonger, faute sans doute d’un accord politique suivant immédiatement la présidentielle.

La longue normalisation du lepénisme

Par Gilles Ivaldi, chargé de recherche CNRS au Cevipof

La séquence électorale de 2022 marque une nouvelle étape essentielle dans le long processus de normalisation d’un parti qui demeure encore en tension, entre radicalité protestataire et recherche de crédibilité.

À cette occasion, le vote Le Pen a incarné la protestation sociale. Le repositionnement du RN à la gauche économique depuis 2012 a permis à Marine Le Pen de s’imposer comme la candidate du pouvoir d’achat, notamment dans la France rurale et chez les actifs – en particulier les plus jeunes.

La candidate du RN s’est fait le porte-voix des inquiétudes sociales et culturelles, au sein des catégories populaires où elle a encore renforcé son implantation – pas moins de 40 % des voix chez les ouvriers –, et dans des classes moyennes inquiètes de leur déclassement.

Avec 41,5 % des suffrages et près de 13,3 millions de voix, le second tour de la présidentielle a illustré la persistance de la dimension tribunitienne du vote Le Pen. Deux fronts concurrents s’y sont entrechoqués – l’un anti-Le Pen, l’autre anti-Macron. Dans chacun des deux camps, près de 6 électeurs sur 10 disent avoir voté pour éviter l’élection de l’autre candidat.

Les législatives de 2022 ont parallèlement témoigné de la normalisation croissante du parti de Marine Le Pen. En dépit d’une campagne à bas bruit, la formation lepéniste y a réalisé une performance historique avec pas moins de 89 députés.

En quinze ans, le FN/RN a été en mesure d’asseoir sa présence au premier tour, passant de 4,3 % à 18,7 % des suffrages exprimés ; surtout, le parti a enregistré des gains d’entre-deux-tours croissants sur la période, de 8 points en moyenne en 2012 contre 17,8 en 2017 et 20,4 lors des dernières législatives.

On mesure ici l’institutionnalisation croissante d’un parti présent à tous les échelons du pouvoir. En 2022, le RN a pu mobiliser un pool d’élus locaux bien implantés, nouveaux « notables » de l’extrême droite dans les territoires.

Les seconds tours législatifs ont confirmé par ailleurs la fragilisation du front républicain, tant chez des responsables politiques, pour le moins ambigus dans leurs consignes de vote, que chez des électeurs lassés d’ériger une digue contre l’extrême droite, et qui, pour la moitié d’entre eux, se sont réfugiés dans l’abstention.

Plusieurs obstacles se dressent encore sur la route du RN vers le pouvoir.

Malgré les efforts de sa chef de file, la « dédiabolisation » du RN demeure inachevée. Une majorité de Françaises et de Français (60 %) continue de voir dans le RN un « parti nationaliste et raciste ». Son déficit de crédibilité présidentielle a pesé en 2022. Emmanuel Macron a pu renvoyer la candidate RN à ses liens avec la Russie ou ses objectifs cachés de remise en cause de l’Union européenne.

En termes stratégiques, le parti de Marine Le Pen devra résoudre deux équations.

Le credo eurosceptique et l’économie « sociale-populiste » de Marine Le Pen empêchent, pour l’heure, le RN d’exploiter pleinement l’espace laissé vacant à droite par LR. Marine Le Pen peine toujours à convaincre les seniors, les catégories supérieures et les milieux entrepreneuriaux.

Plus fondamentalement, le RN va devoir mettre en musique cette « opposition ferme et constructive » qu’il entend incarner, au risque de perdre de sa radicalité et de son attrait dans l’électorat populaire qui constitue encore, on l’a souligné, l’essentiel de ses forces électorales.

La Nupes : simple coalition ou reconfiguration de la gauche ?

Par Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof et enseignant à Sciences Po

Où va la Nupes ? Pour le comprendre, il faut éviter deux écueils. Le premier serait de n’y voir qu’une coalition électorale improvisée, principalement motivée par la volonté de La France insoumise de pousser son avantage sur les autres forces de gauche. Cela conduirait à sous-estimer les raisons stratégiques et les raisons de fond qui ont conduit les autres forces de gauche à accepter les termes de l’accord proposé par LFI. Le second écueil serait d’oublier les raisons très pragmatiques et électorales qui ont poussé à la création de la coalition et à l’acceptation de ses termes par les partenaires, notamment les socialistes terrassés par le score de leur candidate à la présidentielle. Cela conduirait à surestimer la capacité d’un accord électoral à faire taire les différences de fond.

C’est entre ces deux écueils qu’il faut se faufiler. Revenons au point de départ, la triple confirmation donnée par la présidentielle : confirmation de la domination de Jean-Luc Mélenchon sur les autres candidats de gauche, même avec la concurrence d’un candidat communiste ; confirmation et amplification spectaculaire de l’échec socialiste ; confirmation de la difficile incarnation écologiste dans la présidentielle. Si ces trois éléments n’avaient pas été réunis, la Nupes n’aurait pas vu le jour. Si des explications conjoncturelles peuvent être données à cette triple confirmation (par exemple, les dynamiques du « vote utile » en faveur de Jean-Luc Mélenchon), elles n’auraient pas pesé autant sans des éléments beaucoup plus fondamentaux : la gauche divisée et non réconciliée sur le bilan des années Hollande, les nouvelles questions politiques et sociales du monde de l’après-Covid, l’urgence climatique, le regard porté sur le bilan d’Emmanuel Macron en matière de justice sociale, les transformations générationnelles de la société française. Les résultats de la présidentielle ont en fait catalysé des éléments plus structurels, d’autant que les élections locales de 2020 et 2021 avaient montré qu’unie dans différentes configurations la gauche pouvait résister, voire gagner du terrain.

La marque de fabrique de la Nupes, c’est donc une forme de dualité : coalition fondée sur une conjoncture exceptionnelle et des tendances de plus long terme, accord électoral mais aussi accord programmatique (trop rapidement ficelé ?), passerelle entre forces de gauche qui convergent sur certains constats mais divergent sur des sujets essentiels (économie, Europe, international), objet politique neuf mais qui rappelle des problématiques fort anciennes d’union de la gauche.

Quelle appréciation porter sur les débuts de cette coalition ? Les débuts électoraux ont semblé bien positifs avec les résultats des législatives, même si Jean-Luc Mélenchon ne fut pas « élu premier ministre »… mais qu’en est-il des débuts politiques et parlementaires ? Sur le premier plan, la candidature unique dans les circonscriptions est un vrai marqueur qui fait date : une nouvelle génération d’élus de la Nupes (souvent assez jeunes) sait qu’elle ne doit son élection à l’Assemblée nationale qu’à la candidature unique, et cela crée quelque chose. Sur le second plan, la Nupes ne pourra convaincre qu’elle voit plus loin que son objectif électoral que si son offre programmatique se visibilise bien davantage dans un répertoire de mots-clés et d’idées identifiables « made in Nupes » par les électeurs.

Enfin, le réglage du curseur entre opposition systématique et opposition constructive, qui fait déjà l’objet de débats internes à la Nupes, devra faire l’objet de beaucoup de soin si la coalition entend consolider son image de relève politique de gouvernement et non de simple « front anti-Macron ».

Une droite dans l’étau Macron-Le Pen

Par Pascal Perrineau, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris, ancien directeur du Cevipof

2017 avait signé le déclin et la marginalisation du courant socialiste, 2022 marque sans conteste celui du courant de la droite classique. Faute d’avoir pris la mesure exacte de la double concurrence politique (droite radicalisée, macronisme droitisé) à laquelle, depuis cinq années, elle était soumise, la droite classique a été dépouillée et s’est presque évanouie dans un espace qui n’avait jamais été aussi réduit sous la Ve République (4,8 % des suffrages exprimés). Les héritiers du gaullisme se sont retrouvés en compagnie de la faible cohorte écologiste fidèle à Yannick Jadot (4,6 %) et de la modeste nostalgie ruraliste rassemblée derrière Jean Lassalle (3,1 %) !

En dépit d’un programme relativement large et complet, Valérie Pécresse a cherché à se positionner beaucoup sur les thématiques d’une droite dure. L’effet Ciotti des primaires organisées en décembre 2021 a pu impressionner la candidate et l’empêcher de trouver son style puisqu’elle tentait de porter un discours et une attitude qui ne lui convenaient pas et ne correspondaient pas à son ADN politique. N’y a-t-il pas eu une erreur de stratégie dans la campagne d’une candidate qui, en décembre 2021, juste après la primaire fermée de LR, était créditée de 17 % à 18 % d’intentions de vote ?

L’étonnant mouvement d’attrition de son électorat potentiel est éclairé par les électeurs qui ont déclaré, dans les enquêtes post-électorales que nous avons menées, avoir été tentés par un choix en faveur de Valérie Pécresse sans pour autant passer à l’acte de vote le 10 avril lors du premier tour de la présidentielle.

Sur 100 électeurs potentiellement pécressistes, mais qui ne sont pas passés à l’acte de soutien électoral, 41 % ont voté en fait pour Emmanuel Macron, 26 % pour Marine Le Pen, 10 % pour Jean-Luc Mélenchon et 9 % pour Éric Zemmour. La concurrence électorale qui a peu à peu entamé le capital électoral de la candidate de LR est venue beaucoup plus d’un Emmanuel Macron droitisé, de l’espace central qu’il représente (et parfois même de la gauche mélenchoniste), que de la droite extrême. La campagne de Valérie Pécresse n’a pas vraiment pris en compte cette concurrence de l’espace central et du centre droit et a privilégié des thèmes qui semblaient parler davantage à la concurrence venant de la droite extrême.

Ce tropisme de campagne a ainsi libéré un nombre important de soutiens qui l’ont quittée pour rejoindre un Emmanuel Macron droitisé dans son image et dans ses thématiques. Quand on observe, enfin, comment les pécressistes potentiels qui l’ont quittée se positionnent sur l’axe gauche-droite, on constate que leur centre de gravité est beaucoup plus dans la droite modérée et au centre que dans la droite extrême : 45 % se positionnent à droite, 17 % au centre, 15 % refusent le clivage gauche-droite, 9 % choisissent la gauche, 7 % revendiquent le macronien « et de gauche et de droite » et 7 % seulement optent pour une position « très à droite ». La dérive « droitière » de la candidate LR lui a coûté cher.

On a bien l’impression que les électeurs de centre droit ont préféré l’original Macron à la copie, et d’ailleurs Valérie Pécresse s’est plainte à plusieurs reprises de la « copie Macron »… Quant aux électeurs tentés par la droite dure, ils ont préféré l’original Zemmour à la copie.

Si 13 % de l’électorat Macron a songé à un moment à voter pour Valérie Pécresse, ils sont 11 % chez les électeurs de Zemmour.

 

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