Présidentielle : LR cherche toujours son espace. « Pour eux, la partie est difficile à jouer mais... »

Florence Chédotal | 29 novembre 2021

Ce n’était pas gagné il y a encore quelques mois. Mais si LR parvient bien à se doter d’une incarnation unique le 4 décembre, le parti cherche encore son espace politique propre... en se droitisant.

Comment survivre entre Macron qui tire à lui toute la couverture libérale progressiste et l’extrême droite qui a doublé sa tête ? Comment se singulariser ? Les Républicains ont tout d’abord choisi de ne pas s’éparpiller et de se trouver un champion le 4 décembre prochain (au deuxième tour, le premier se tenant les 1 et 2 décembre) avec un vote des adhérents, passés de moins de 80.000 en septembre dernier à près de 149.000. On peut donc noter un petit effet Congrès sur les adhésions – ce qui a redonné l’espoir d’une dynamique aux Républicains – même si on est très très loin des 4,3 millions de votants au premier tour de la primaire de la droite et du centre de 2016.

« Ils doivent parler aux 150.000 adhérents »

Au fil des joutes télévisuelles sans éclaboussures qui se suivent et se ressemblent (dernier débat ce mardi sur France 2/France Inter), les candidats à la primaire interne semblent se déporter de plus en plus à droite. Le brusque départ de Renaud Muselier, président de PACA, n’arrange rien dans le procès en radicalisation du parti.

« Ils doivent parler aux 150.000 adhérents », explique Dominique Reynié, directeur général de Fondapol et professeur à Sciences Po, qui décrit une droite « sous la pression de Marine Le Pen depuis longtemps, avant même de parler de la percée d’Éric Zemmour. Ce qui est nouveau dans cette affaire, c’est le macronisme qui a réduit l’espace de la droite. Par certains côtés, Emmanuel Macron est aussi un Président de droite. On ne peut pas dire que sa politique économique et sociale se distingue de ce qu’aurait fait la droite si elle avait gouverné.

« La droite de gouvernement, les LR, n’ont plus d’espace. S’ils parlent économie, ils vont dire ce que dit Macron, rejoint en plus par Darmanin, Le Maire, Castex… La droite est au pouvoir. La seule solution pour eux est d’investir un discours sur le régalien et de profiter du désordre dans lequel nous nous trouvons. » – Dominique Reynié, directeur général de la Fondapol et professeur à Sciences Po.

Thème d’ailleurs qu’ils ont un peu découvert en marchant. On imagine plus difficilement dans l’opinion Marine Le Pen en garante du régalien. Quant à Éric Zemmour, c’est davantage pour l’instant une droite d’opinion. Il exerce une fonction tribunitienne. Lui aussi illustre la droitisation du débat national ».

Quels sont les signes de droitisation de la société ?

Mais quels indicateurs nous permettent d’objectiver cette droitisation de l’opinion ? Fondapol ausculte depuis 2019 l’autopositionnement sur une échelle gauche-droite. « Aujourd’hui, on mesure la droite à 37 % avec une progression constante. Sans compter les 18 % qui se situent au centre, plutôt centre-droit ». Deuxième indicateur : les thèmes de préoccupation.

En haut du tableau, l’« insécurité », l’« immigration », l’« Islam » passent devant les « inégalités » ou encore le « chômage ». Fondapol mesure aussi la « disponibilité électorale », laquelle donne 56 % de Français prêts pour un vote de droite. En dernier argument, Dominique Reynié met en avant les « facteurs de droitisation à l’œuvre qui sont de longue durée ». Tels que le « vieillissement démographique, l’aversion au risque…».

« J’insiste là-dessus, il n’y aurait pas de droitisation s’il n’y avait pas un effondrement de la gauche qui est passée de 50 % au premier tour de l’élection présidentielle en 1974, 81, 88 à 28/30 % aujourd’hui dans les intentions de vote, au maximum quand on fait le total. La gauche n’a pas su, pas voulu surtout, traiter de sujets auxquels sont particulièrement sensibles les classes populaires et moyennes, notamment l’insécurité, l’immigration, les conflits interculturels… ». Ce n’est pas faute, pourtant, qu’une forte demande de protection sociale existe.

« D’autant que si on regarde les catégories sociales, cette droitisation est encore plus forte parmi les ouvriers et les employés (avec 60/65 %) contre 56 % en moyenne sur l’ensemble des électeurs. S’ils sont sensibles à la question du pouvoir d’achat, ils attendent aussi des réponses en termes d’immigration et de sécurité ». – Dominique Reynié.

« La partie est difficile à jouer »

Dans ce tableau, LR a-t-il encore une chance ? Dominique Reynié liste les « conditions » : « Choisir un candidat qui a un peu plus les faveurs de l’opinion et que ce choix ne provoque pas de divisions ou l’hostilité des autres ». Après, il faudra regarder comment « l’agenda évolue entre la situation sanitaire, la question de l’inflation, la crise aux Antilles ou encore en Nouvelle-Calédonie…»

« Normalement, la partie est difficile à jouer pour LR, mais une série de thématiques comme celles-ci peut amener les Français à évoluer et à faire ce qu’ils adorent faire en général, c’est-à-dire destituer le sortant. Mais aujourd’hui l’avantage est très nettement à Emmanuel Macron ». – Dominique Reynié.

Avertissement, tout de même : « Il doit être capable d’éviter le sentiment d’un continuum et proposer un discours aux Français qui apparaisse comme le début d’un nouveau cycle ».

Lire l’article sur lamontagne.fr.

Dominique Reynié (dir.), 2022, le risque populiste en France (vague 5), (Fondation pour l’innovation politique, octobre 2021).

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