Quand la droite et la gauche s’inquiètent d’une possible victoire de Marine Le Pen en 2027
Alexandre Sulzer, Pierre Maurer | 11 septembre 2022
La perspective que le second quinquennat Macron accouche d’une élection de la cheffe de file du RN interroge de nombreux ténors de l’opposition.
De la fébrilité dans l’air. Si Emmanuel Macron s’inquiète de voir Marine Le Pen lui succéder à l’Élysée, cette angoisse est largement partagée dans les couloirs par l’opposition. À droite, accusée parfois d’entretenir une posture critique factice vis-à-vis de l’exécutif, on justifie souvent le besoin d’exister par le danger RN. « Si vous laissez demain l’espace sans alternance, vous finirez tôt ou tard par avoir Marine Le Pen », grimace un général LR. Une préoccupation qui existait déjà lors du premier quinquennat mais qui a été renforcée par le résultat des dernières législatives. Il n’a échappé à personne que dans certains territoires traditionnellement de droite, le RN a raflé largement la mise, comme dans le Var, les Alpes-Maritimes ou la Haute-Marne, où se situe Colombey-les-deux-Églises.
« Le succès du RN lors des élections législatives ouvre la possibilité d’une institutionnalisation du parti de Marine Le Pen », souligne le politologue Dominique Reynié dans une étude récente de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol). Laquelle souligne que les électeurs de droite se reconnaissent désormais davantage dans les idées du RN (61 %) que dans celles de LR (52 %). « Je serais dingue de vous dire qu’il n’y a pas de risque RN en 2027. Soit je réussis, soit c’est Mélenchon-Le Pen au second tour », souffle en petit comité Laurent Wauquiez.
À gauche, on reproche à Macron de tout faire pour « banaliser » le RN à l’Assemblée
« 2027, c’est pour elle. La droite, c’est fini. Ils sont bouffés », tranche carrément un ami de Xavier Bertand qui échafaude des coups de billard à plusieurs bandes : « On est parti pour 2027 sur un tremblement de terre. Il n’y a qu’une solution pour éviter l’extrême droite : une dissolution dans deux ans, Marine Le Pen qui prend Matignon et qui perd derrière à la présidentielle. » « Le sérieux implique la nuance. Mais l’efficacité implique l’outrance. C’est notre honneur mais c’est une forme de fragilité », reconnaît un autre haut dirigeant de LR. En interne, certains craignent qu’une victoire d’Éric Ciotti à la présidence de LR soit la première étape d’une absorption. « Le risque, c’est de devenir un supplétif du RN dans une Nupes de droite. On a peur de devenir l’Olivier Faure du RN », alerte le conseiller d’un concurrent.
Même état d’esprit à gauche où l’on reproche à Emmanuel Macron de tout faire pour « banaliser » le RN à l’Assemblée. « Yaël Braun-Pivet n’était pas obligée de nommer des RN vice-présidents quand même ! Il veulent tellement affaiblir la Nupes qu’ils sont prêts à toutes les compromissions. En 2027, le second tour ce sera RN contre Nupes mais ils nous auront tellement diabolisés que Le Pen passera… » lâche un député écologiste.
« Je me bats pour que dans cinq ans, il y ait des jours heureux. Et ce sera ça ou ce sera des jours sombres et noirs, ou des jours heureux et dignes », répond le communiste Fabien Roussel quand on lui demande si le second quinquennat d’Emmanuel Macron prépare l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen. « Si la gauche ne se reconstruit pas sur une base sérieuse, si la droite ne se rétablit pas et si on a encore une nouvelle fois le choix en 2027 entre l’extrême-droite et le courant macroniste pour la troisième fois, les gens se diront : bon bah va pour Le Pen », abonde un poids lourd socialiste, opposé à la Nupes. « Marine Le Pen dit Essayez-nous, vous ne nous avez jamais essayés. Mais si, on les a essayés : en 1940 ! On ne joue pas avec ça. Après, on n’aura que nos yeux pour pleurer », conclut un ténor de droite.
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Dominique Reynié (dir.), Mutations politiques et majorité de gouvernement dans une France à droite, Fondation pour l’innovation politique, septembre 2022.
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