« Un quinquennat ne dure jamais cinq ans »

Maxime Sbaihi | 22 mars 2021

« Le gouvernement se prépare aussi au premier tour de la présidentielle, par l’abandon définitif des réformes »

Treize mois. C’est le laps de temps qui nous sépare du premier tour de la présidentielle 2022. Treize mois mais la campagne frémit déjà. Préparations et ambitions s’aiguisent pour convoiter un poste qui « ressemble à un monarque élu » selon l’aveu de François Hollande. Il suffit de voir comment Marine Le Pen s’emploie déjà à polir les angles de son programme économique, comment les traditionnels appels à l’union commencent à s’élever à gauche, avant que les ego ne s’en mêlent, et comment les aspirants de droite scrutent les élections régionales comme des primaires.

Le gouvernement s’y prépare aussi, par l’abandon définitif des réformes. Malgré le forcing de François Bayrou, la réforme institutionnelle se meurt. Les présidents du groupe de la majorité ont annoncé la semaine dernière que « les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien cette réforme ». Adieu la proportionnelle. La réforme des retraites se défile, elle aussi. Richard Ferrand a carrément prévenu en décembre qu’elle fera « une excellente première réforme de deuxième quinquennat ». Les déficits et l’iniquité du système attendront. La réforme de la dépendance s’apprête à passer à la trappe, perpétuant ainsi son statut de patate chaude que se refilent tous les gouvernements depuis 2008. Fermons les yeux sur le coût du vieillissement inédit de notre population.

Quand la présidentielle pointe son nez, les réformes s’enrayent. C’est une règle inhérente à la politique française que seul François Hollande avait osé défier dans un tardif, et rare, moment de bravoure avec la loi El Khomri à l’été 2016. La réforme à venir de l’assurance-chômage et le vote prochain de révision de lois de bioéthique sont deux exceptions qui confirment la règle. Pour ce qui est de la modification de la Constitutionsur le climat, censée être adoptée par référendum, on peine à voir son issue, sans parler de son utilité. Quant aux grandiloquents discours sur la décentralisation, ils sont en passe d’accoucher d’une souris prénommée loi 4D. Enfin, la grande réforme de l’Etat a disparu avant même d’avoir émergé alors que la crise sanitaire a pourtant démontré sa criante nécessité.

Temps électoral. Nous arrivons déjà sur la fin de queue d’une comète prometteuse qui avait initialement brillé par ses réformes de l’apprentissage et du marché du travail avant d’être refroidie par les Gilets jaunes, puis la Covid et qui est désormais rattrapée par le temps électoral. L’élan réformateur macroniste n’aura finalement duré que deux petites années, trop court pour la « révolution » promise. C’est le troisième quinquennat de suite confronté à une crise majeure : financière pour Sarkozy, terroriste pour Hollande, sanitaire pour Macron. Des empêchements en forme d’excuses, plus ou moins légitimes, pour repousser les réformes promises. Autant d’occasions ratées pour accompagner les mutations accélérées du monde plutôt que de les subir par procrastination.

Entre imprévus, élections et réticences, la fenêtre des réformes semble se réduire alors que leur liste s’allonge au fil des rapports qui s’empilent. « La France a assez réfléchi au quoi, elle doit passer désormais au comment », expliquent Erwan Le Noan et Mathieu Montjotin. La méthode doit être autant travaillée que le contenu. Les prétendants pour 2022 sont prévenus : pour réformer, un quinquennat ne dure jamais cinq ans.

 

Lisez l’article sur lopinion.fr.

Erwan Le Noan et Matthieu Montjotin, Gouverner pour réformer, éléments de méthode (Fondation pour l’innovation politique, mai 2016).

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