Zemmour, toujours pas candidat, déjà « chamboule-tout » de la campagne présidentielle

Dominique Reynié, L'Union | 07 octobre 2021

Éric Zemmour, qui tutoie le second tour dans les sondages, sème la confusion et devient le « chamboule-tout » de la campagne présidentielle.

Autocollant « Zemmour président » collé au revers du veston, les partisans du polémiste, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles mais n’a pas encore dit ses intentions, ont entonné avec lui une Marseillaise lundi soir, après un débat avec le philosophe de gauche Michel Onfray.

Devant 3 700 personnes, les deux hommes n’avaient pas beaucoup de désaccords. Ils ont dénoncé de concert la « décomposition de la civilisation judéo-chrétienne » et le « climat de guerre civile », jusqu’à s’interroger sur le besoin ou non « d’armer » les Français.

« Une autre facon d’être anti-système »

Ce débat « est symptomatique d’un espace confusionniste, qui sert la dynamique d’extrême-droitisation » du champ politique, affirme l’universitaire Philippe Corcuff. « Le fait que des fractions de la gauche ont mis le doigt sur le terrain identitaire contribue à brouiller les cartes et affaiblit le clivage gauche-droite, favorisant ce type de processus », explique-t il. « Veut-on vraiment se battre pour conserver la France ? C’est ça l’enjeu. La droite et la gauche, c’est un peu petit à côté de ça », dit M. Zemmour. Pour Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique, « aller par-delà la gauche et la droite, c’est surtout une autre facon d’être anti-système ». Le polémiste profite en outre, selon lui, d’une « dépréciation de toute l’offre politique », elle-même « sans clarté ».

Éric Zemmour « joue également sur le fait que la droite n’a jamais résolu une contradiction » en son sein, entre son aile centriste incarnée par Xavier Bertrand et celle des plus « durs » comme Éric Ciotti, que M. Zemmour « est en train de fédérer », relate le politologue Jean-Yves Camus.

Le polémiste se présente comme le « porte-parole » des « classes populaires et de la bourgeoisie patriote ». Il séduit en l’occurrence un tiers des électeurs de François Fillon et un tiers de ceux de Marine Le Pen en 2017.

« C’est un candidat chamboule-tout » qui « espère aussi prendre des voix aux abstentionnistes qui le voient comme un candidat hors système, qui n’est pas un professionnel de la politique », ajoute Jean-Yves Camus. Le polémiste « peut dire un certain nombre de choses » parce qu’il est juif, estime le maire de Béziers Robert Ménard. Pour cette raison, il sera « difficile de le qualifier de nazi », abonde dans le quotidien Le Monde l’ancien président du FN (devenu RN) Jean-Marie Le Pen, qui n’exclut pas de voter pour lui s’il dépasse sa fille.

« Tout le discours de Zemmour, c’est de faire l’union de la droite et l’extrême droite » et donc « de casser le présupposé que De Gaulle et Pétain sont deux choses différentes », analyse l’eurodéputé proche du PS Raphaël Glucksmann. M. Zemmour a surtout, juge Raphaël Glucksmann, « une foi, dans un univers où personne n’a la foi.

C’est extrêmement dangereux parce que quand tout tourne autour d’un soleil, à la fin le soleil avale les astres morts. C’est la leçon de Trump ».

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