La France assume la présidence française du Conseil de l'UE et Joseph Borrell réalise une visite officielle au Brésil

La Fondation Nuevas Generaciones | 17 février 2022

Introduction

Si l’accord Mercosur-UE semble bel et bien paralysé, le débat subsiste autour de la question du contenu du document additionnel en matière environnementale qui s’ajoutera à ceux de 2019. Plus particulièrement, le gouvernement français prétend que pendant sa présidence du Conseil de l’UE soient incorporées des clauses miroir, tandis que le nouveau gouvernement allemand affirme que les pays du Mercosur doivent assumer les compromis antérieurs avant que l’accord ne soit ratifié. Enfin, la Commission européenne a présenté un rapport qui aborde indirectement les préoccupations relatives à l’intégration bi-régionale et le haut représentant de l’UE pour les affaires extérieures, Josep Borrell, a visité Brasilia pour se réunir avec des responsables de l’administration Bolsonaro.

 

Processus de ratification

Pour la mise en œuvre de l’accord Mercosur-Union Européenne, une série d’étapes doivent être suivies. Depuis juillet 2019, les deux organisations régionales sont en étape de vérification juridique, laquelle vise à unifier la terminologie dans le texte de l’accord afin d’en harmoniser le contenu. Une fois cette étape terminée, les traductions dans les différentes langues de l’UE et du Mercosur pourront commencer. Les étapes suivantes seront ensuite adaptées au processus de ratification prévu dans chaque région.

D’une part, la Commission Européenne devra présenter l’Accord au Conseil Européen. L’association convenue entre le Mercosur et l’Union Européenne (UE) repose sur trois piliers : le dialogue politique, la coopération et le commerce. Si la Commission Européenne soumet l’ensemble de l’accord à un vote, celui-ci portera, entre autre, sur des compétences partagées entre l’UE et les États membres et devra donc être approuvé par tous les États, ce qui ouvre la possibilité à ce que certains opposent leur veto à l’accord. Il existe toutefois la possibilité de diviser le partenariat en plusieurs parties. Ainsi, une majorité qualifiée serait suffisante pour que le pilier commercial soit accepté (55% des États membres, couvrant au moins 65% de la population de l’UE), étant donné que ce pilier concerne des compétences exclusives de l’UE.

L’accord serait ensuite signé et transmis au Parlement européen, où une majorité simple de votes est requise, que les trois piliers soient traités simultanément ou non. Si cette étape est franchie, le processus se poursuivra dans les parlements nationaux, bien que le Conseil de l’UE puisse prévoir le début de la mise en œuvre provisoire de l’accord sur les questions pour lesquelles l’UE a une compétence exclusive.

Le processus est plus simple du côté du Mercosur. Une fois l’approbation du Conseil Européen obtenue, l’organe qui signera l’accord au nom du Mercosur sera le Conseil du Marché Commun (CMC). Par la suite, les législatures nationales pourront ratifier l’accord et celui-ci pourra commencer à être mis en œuvre de manière bilatérale, dans la mesure où chaque État membre du Mercosur le ratifie par le biais son organe législatif, sans devoir attendre l’adhésion des autres États membres du Mercosur.

L’accord est encore en débat

Ces derniers mois, deux europarlementaires ont décrit sans détour l’état actuel de l’accord Mercosur-UE. D’une part, en critiquant l’absence de proposition de la Commission européenne par rapport à un éventuel document additionnel qui viendrait s’ajouter à ceux de juin 2019, Jordi Cañas de Renew Europe ayant déclaré que le processus de ratification a été mis “au congélateur”. D’autre part, Bernd Lange, président de la Commission du commerce international et membre des Socialistes et Démocrates (S&D), a ajouté que “personne ne le sort du frigo en ce moment”.

Cependant les débats continuent. A l’occasion de la dernière réunion des ministres du Commerce de l’Union Européenne, ayant eu lieu le 11 novembre, la Commission européenne a présenté un rapport sur la mise en œuvre des engagements pris par les tiers dans les accords avec le bloc régional. En ce qui concerne les dispositions incluses dans les chapitres sur le commerce et le développement durable (qui sont autant ou moins rigoureux que ceux établis dans l’accord Mercosur-UE), la Commission a fait savoir que le mécanisme de règlement des différends basé sur l’émission de recommandations par des groupes d’experts s’est avéré suffisant pour générer des changements concrets. Le cas cité est un différend avec la Corée du Sud débuté fin 2018 pour des violations présumées des droits du travail, dans lequel en janvier 2021 un panel d’experts donna raison à l’UE. Le mois suivant cette décision, l’Assemblée nationale sud-coréenne a fait avancer l’adoption de trois conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). En matière d’environnement, le rapport soutient que le cadre de coopération fourni par ce chapitre a été utile pour travailler avec le Vietnam afin d’établir un système permettant de garantir la légalité des ventes de bois et avec l’Ukraine pour lutter contre la déforestation illégale.

Tel qu’il a été formulé, le rapport de la Commission européenne répond involontairement à deux critiques environnementales émises à l’encontre de l’accord Mercosur-UE : la supposée faiblesse du mécanisme de résolution de conflits établie dans le Chapitre sur le commerce et le développement durable et la présumée certitude selon laquelle l’accord constituerait une impulsion à la déforestation illégale en Amazonie.

Toutefois, la Commission européenne précise qu’elle n’a pas encore présenté d’examen exclusivement consacré à la question des clauses de développement durable incluses dans ses accords commerciaux, qui est attendu pour le premier semestre de cette année.

A ce titre, ce que cherche le gouvernement français, qui sera en charge de la présidence du Conseil de l’UE pendant le premier semestre de 2022, c’est incorporer des clauses miroir qui assurent une uniformité des standards de production entre les produits européens et les produits importés. Comme l’a écrit sur ses réseaux sociaux le ministre français de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, « Il faut sortir de l’hypocrisie du commerce international. On ne peut pas accepter que soient importés des produits dont la production ne serait pas autorisée chez nous. Donc, NON au Mercosur et OUI aux clauses miroirs. Priorité de la présidence française du Conseil de l’UE ».

En ce qui concerne le nouveau gouvernement allemand dirigé par Olaf Scholz, le programme pour les quatre prochaines années convenu par le parti social-démocrate (SPD), Alliance 90/Les Verts (B90/Grüne) et les libéraux du Parti démocratique libre (FD) affirment que « nous ne soutiendrons l’accord du Mercosur que si les pays du Mercosur prennent au préalable des engagements juridiquement contraignants, applicables et vérifiables en matière d’environnement, de droits sociaux et de droits de l’homme, et s’ils ont conclu des accords complémentaires sur la protection et la conservation des zones forestières pouvant être mis en pratique ». Bien que le rejet par le gouvernement allemand de l’état actuel de l’accord Mercosur-UE soit une position qui était déjà en place sous l’administration d’Angela Merkel, la nouveauté est qu’il exige maintenant que les nouveaux engagements soient mis en œuvre avant la ratification de l’accord et non en parallèle.

Alors que certains membres du Mercosur critiquent le manque d’effort pour changer le discours de l’Europe, la position des dirigeants du bloc régional témoigne d’un malaise croissant. A l’occasion d’un événement de la Chambre officielle espagnole du Commerce, de l’Industrie et de la Navigation (Camacoes) d’Uruguay, le président Luis Lacalle Pou a déclaré à cet égard : « Je ne suis pas de ceux qui disent qu’il faut minimiser ces choses là, mais des voies accessoires ou complémentaires doivent être recherchées ». En outre, plusieurs responsables du Mercosur commencent à voir que, derrière l’opposition européenne au partenariat bi-régional, il y a une intensification du protectionnisme contre l’entrée des produits agroalimentaires qui se traduit également par des propositions réglementaires de plus en plus exigeantes.

En ce sens, le 17 novembre dernier, la Commission européenne a présenté un projet de loi interdisant l’importation de bœuf, d’huile de palme, de soja, de bois, de cacao et de café (ainsi que de produits dérivés) ayant été produits sur des terres sujettes à la déforestation à partir de 2021. L’initiative prévoit que les commerçants devront prouver que le produit qu’ils cherchent à faire entrer sur le marché européen est exempt de déforestation, y compris une géolocalisation identifiant le lieu de production. Bien que plusieurs des exigences soient déjà volontairement remplies par les entreprises agroalimentaires exportant vers l’UE, le projet de loi prévoit également que chaque pays sera classé dans la catégorie des risques faibles, moyens ou élevés en fonction de ses actions contre l’avancée de la déforestation, ce qui impliquera différents niveaux de contrôle par pays.

Quoi qu’il en soit, en novembre le haut représentant de l’UE aux affaires étrangères, Josep Borrell, a visité Brasilia où il a fait l’éloge de l’accord Mercosur-UE, « l’UE reste pleinement engagée en faveur de cet accord, qui constitue un tournant géopolitique et économique ».

Par ailleurs, Borrell s’est montré satisfait des efforts entrepris par le Brésil dans le cadre de la COP 26 (neutralité carbone d’ici 2050, fin de la déforestation illégale d’ici 2028, réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et réduction de 30 % de la production de méthane d’ici à 2030), « ces éléments seront cruciaux pour la réussite de l’accord Mercosur-UE et nous travaillons avec nos partenaires du Mercosur pour apporter les clarifications nécessaires à notre engagement commun dans ce domaine ».

Finalement, dans sa déclaration la plus récente sur l’accord Mercosur-UE, le vice-premier ministre irlandais et leader de Fianna Fáil, Leo Varadkar, a déclaré de manière illustrative que le rejet par l’Irlande de l’accord Mercosur ne peut rester cohérent que si de meilleures pratiques environnementales dans la production alimentaire continuent de s’améliorer au
niveau national.

Selon les mots de M. Varadkar lors d’une interview accordée à l’émission Morning Ireland sur RTÉ Radio, « le gouvernement a déclaré qu’il ne signerait pas cet accord parce que nous ne sommes pas satisfaits des protections environnementales et nous ne sommes pas les seuls à le faire : la France, l’Autriche et d’autres pays sont avec nous. Mais pour rendre cet argument crédible à Bruxelles, nous devons
retrousser nos manches et faire mieux en termes d’environnement. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes contre la ratification de l’accord parce que nous voulons protéger nos agriculteurs – cela ne marchera pas. Nous devons dire que nous sommes contre la ratification de l’accord car les normes environnementales au Brésil ne sont pas assez élevées».

La fiche d’information de l’accord d’association stratégique Mercosur-Union européenne est une publication mensuelle préparée par l’Institut d’études bi-régionales (IEB), consistant en un suivi et une analyse du processus d’approbation de l’association bi-régionale, en collaboration avec la Fondation pour l’innovation politique.

Veuillez trouver la fiche d’information en espagnol.