La France, l’Italie et la relation à l’intégration européenne – Débat du 22 avril 2024
Fondation pour l'innovation politique, Fondazione Magna Carta | 26 avril 2024
À l’occasion de la parution du livre L’Europe et la Souveraineté. Approches franco-italiennes (1897 – 2023), s’est tenu lundi 22 avril 2024 un débat à Sciences Po, en présence de Gaetano Quagliariello (président de la Fondation Magna Carta), Dominique Reynié (directeur général de la Fondation pour l’innovation politique) et Pierre Sellal (ancien représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne et ancien Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères). Ce débat était animé par Fabio Benedetti Valentini, journaliste (Les Échos). On a pu noter dans le parterre, la présence du professeur Giuseppe Sacco, de l’ambassadeur Alain Le Roy et du diplomate Philippe Vergne.
L’Italie, la France et la relation avec l’intégration européenne
Le premier thème de réflexion, développé par les intervenants, a porté sur l’idée selon laquelle, historiquement, l’Italie et la France ont adopté et maintenu des positions distinctes à l’égard du processus d’intégration européenne, Rome étant toujours très favorable à l’approfondissement de la coopération alors que Paris se montrait plus réticent. Cette représentation – très liée à la période où la figure du général de Gaulle était prépondérante sur la scène européenne – n’est pas confirmée par les faits, ce que révèle l’ouvrage L’Europe et la Souveraineté. Réflexions franco-italiennes (1897-2023). En effet, en limitant l’analyse à cette représentation, on risque de ne pas saisir la complexité qui sous-tend la contribution des deux pays au parcours euro-unitaire, ainsi que la manière dont les « approches » française et italienne doivent être interprétées en relation avec les contingences historico-politiques des différentes phases de l’élaboration de l’Union.
La fragmentation du pouvoir
Le deuxième élément mis en avant lors du débat a concerné le postulat ontologique qui a présidé à la naissance de l’Union européenne. Initialement, les Communautés ont été instituées dans l’intention de « réduire » le pouvoir des États et de créer des espaces de coopération qui, sur le plan politique, ne leur soient plus exclusivement réservés. Les Communautés étaient donc conçues comme une tentative de « fragmentation » du pouvoir pour éviter qu’il ne soit concentré dans une seule entité. L’architecture institutionnelle complexe de l’Union européenne est précisément le fruit de cette approche. Aujourd’hui, en revanche, il faudrait penser en termes totalement opposés, c’est-à-dire donner à l’Union européenne les pouvoirs dont elle a besoin pour agir (surtout à l’extérieur). À l’heure actuelle, il s’agit de la question la plus complexe à résoudre.
La primauté de la politique sur l’économie
La prise de conscience des limitations que l’Union s’est imposée sur le plan politique a conduit au troisième point du débat. Depuis le départ, le processus d’intégration européenne s’est concentré sur les aspects technico-économiques, laissant au second plan les aspects éminemment politiques. Cette prise de conscience explique en partie aujourd’hui l’anti-européisme populiste qui, sans être nécessairement opposé à la monnaie unique, se nourrit du sentiment d’impuissance de l’Europe et en tire son hostilité.
Combiner les valeurs et les intérêts
Le dernier élément évoqué dans le débat est la relation entre l’Europe « des valeurs » et l’Europe « des intérêts ». L’Union a beaucoup investi dans la promotion et la protection des valeurs, mais très peu dans ses propres intérêts, entendus comme les intérêts de l’ensemble du peuple européen en tant qu’entité politique indépendante des gouvernements. Cette contradiction apparaît clairement dans l’affaire de la transition écologique, où l’Union s’est donné une série d’objectifs précisément pour mettre en œuvre ses valeurs. Le problème est que ces objectifs risquent de ne pas avoir l’effet escompté, car ils contredisent d’autres valeurs et entrent en conflit de manière évidente avec les intérêts d’une grande partie de la population. L’enjeu qui se dessine est donc celui de l’équilibre entre les valeurs et les intérêts auquel s’ajoute en même temps la nécessité de trouver des moyens pour que les citoyens européens expriment leurs besoins, qui ne coïncident pas automatiquement avec la somme des différents intérêts nationaux.
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