Pour une (vraie) révolution fiscale par la liberté : rendons l’impôt volontaire !
Fondapol | 07 septembre 2012
L’impôt volontaire permettrait de renforcer la dimension participative de la fiscalité.
Dans la théorie traditionnelle, la participation des citoyens au budget de l’État est au fondement de la démocratie représentative[1]. Dans la pensée sociale-démocrate bon teint, la contribution fiscale semble même être l’alpha et l’omega de la mesure démocratique : pour Pierre Rosanvallon, « plus on est favorable à une baisse de la fiscalité et moins on est exigeant sur les critères de citoyenneté et sur la définition de la démocratie »[2].
Pourtant, la résistance à l’impôt est un phénomène connu[3], que les débats actuels illustrent à leur manière (financement de l’« assistanat » par exemple). Aujourd’hui, l’État prend aux contribuables, sans explication suffisante. En permettant aux citoyens contribuables de s’inscrire dans une démarche volontaire, il donnerait un sens civique au paiement de l’impôt et valoriserait leur contribution à la collectivité.
Cette dimension civique de l’impôt existe dans l’histoire de France[4]. Pendant la Révolution, Necker a souhaité que la contribution patriotique créée en septembre 1789 soit volontaire (mais elle fut obligatoire dès 1790). On retrouve des élans populaires d’offrandes patriotiques en 1848 et 1872. Surtout, en 1926, le Cartel des Gauches a adopté une « contribution volontaire », pour sauver les finances de l’État[5].
L’impôt volontaire permettrait par ailleurs de revaloriser la « culture du don ».
L’Etat-Providence, tel qu’il s’est développé au XXe siècle s’est substitué aux solidarités traditionnelles (communautés locales, Eglises, syndicats)[6]. Désormais, c’est vers lui que les citoyens se tournent. La mutualisation des dépenses à travers l’Etat a conduit à une baisse de la solidarité : pourquoi donner, quand on paie déjà pour que l’Etat assume cette responsabilité ? Selon le philosophe allemand Peter Sloterdijk, « le lien social s’érode lorsqu’on rabaisse les prestations des personnes fiscalement actives au niveau d’un automatisme contraint »[7]. L’impôt volontaire permettrait au contraire de valoriser la générosité, de montrer l’importance qu’il y a, dans la Cité, à se préoccuper de ses concitoyens.
L’impôt volontaire permettrait de penser (enfin !) la fiscalité sous l’angle de la liberté.
La fiscalité est envisagée uniquement sous l’angle de l’égalité, comme un instrument au service de la redistribution et en réalité, à travers elle, du nivellement des revenus. Elle est aussi pensée sous l’angle de la contrainte. La relation fiscale est unilatérale et descendante. Elle organise une intrusion dans l’intimité du contribuable, illustrée par les déclarations de revenus[8]. Enfin, elle s’exprime sur le mode de l’injonction de payer (à un niveau qui peut d’ailleurs en devenir confiscatoire[9]).
L’impôt volontaire laisserait les citoyens déterminer leur contribution (ou une partie de celle-ci) et, éventuellement, son affectation. Il favoriserait la confiance entre les contribuables et l’administration fiscale, celle-ci n’ayant plus (ou moins) pour fonction de contrôler leurs vies.
En pratique, il est possible d’envisager trois déclinaisons de l’impôt volontaire.
La première, la plus « idéaliste », laisserait chaque contribuable libre de donner ce que bon lui semble. C’est la solution de Sloterdijk. L’État fonctionnerait alors avec les moyens que les citoyens souhaitent réellement lui allouer, et non ceux que les lobbies publics et privés parviennent à leur extorquer.
Une deuxième piste, moins radicale, reposerait sur le fléchage du financement : les citoyens affecteraient une partie de leur impôt à une action publique spécifique (Éducation, sécurité, etc.). Cette possibilité peut s’inscrire dans les impôts existants ou reposer sur un nouvel impôt, souscrit sur la base du volontariat (un peu sur le modèle de l’impôt cultuel allemand[10]). Techniquement, cela ne semble pas particulièrement compliqué.
Une dernière déclinaison, la plus souhaitable peut-être, combinerait bouclier fiscal et impôt volontaire. Elle prévoirait que les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent dépasser, par exemple, 50% de ses revenus. Dans le même temps serait créée une contribution volontaire, éventuellement doublée d’un fléchage. Techniquement, cette solution ne semble pas insurmontable : le bouclier existait hier, il peut être rétabli demain. Il suffit de prévoir le financement volontaire. Cette disposition, qui existe aux États-Unis[11], pourrait être prévue dès la prochaine loi de finances.
La vraie révolution fiscale, c’est celle de la liberté !
L’impôt volontaire présenterait donc, au final, l’incomparable avantage de satisfaire à la fois les contribuables inquiets d’une fiscalité oppressante et les bonnes âmes qui souhaitent contribuer toujours plus à la solidarité à travers le prisme de la dépense publique, laissant en outre les mécènes libres d’intervenir par la voie du secteur privé. Il permettrait de faire en sorte que la fiscalité renoue avec une société moins contrainte par l’Etat ; une société plus libre.
Erwan le Noan.
Crédit photo : Flickr, Paracae conseil
[1] Pour une critique radicale du caractère prétendument « volontaire » de l’impôt on renverra le lecteur à l’ouvrage de Murray Rothbard, L’éthique de la liberté, Les belles lettres, 2011 (pour lire la recension faire pour Trop Libre, LIEN).
[2] Pierre Rosanvallon, Rélégitimer l’impôt, in Regards croisés sur l’économie, 2007/1, n°1.
[3] Nicolas Delalande, Les batailles de l’impôt – consentement et résistances à l’impôt de 1789 à nos jours, Seuil, 2011.
[4] Paul Leclercq, Les expériences de contribution volontaire dans l’histoire, in La revue de Paris, 1926.
Nicolas Delalande, Quand l’Etat mendie : la contribution volontaire de 1926, in Genèses, 2010/3, n°80.
[5] Nicolas Delalande, idem.
Un comité national fut même créé pour recevoir les dons, présidé par le Maréchal Joffre et le Président Doumergue, auxquels étaient associés des représentants des trois principaux cultes. Le discours politique de l’époque insistait sur « l’esprit de sacrifice », le « dévouement patriotique », « l’amour de la patrie »… On appela les fonctionnaires à donner l’exemple, les listes de contributeurs furent publiées aux Journal Officiel et ils reçurent des certificats attestant de leur démarche patriotique
[6] Voir, par exemple, l’analyse de Philip Blond, Red Tory – How Left and Right Have Broken Britain and How We Can Fix It, Faber & Faber, 2010 ; voir le commentaire de cet ouvrage sur ce site (LIEN)
[7] Peter Sloterdijk, Repenser l’impôt – pour une éthique du don démocratique, Libella, 2012. Pour en lire la recension sur Trop Libre : LIEN.
[8] A ce titre, les critiques sur le caractère particulièrement intrusif de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune sont connues. Voir par exemple Nicolas Delalande, op.cit., 2011.
[9] On pourra renvoyer notamment aux commentaires de la décision du Conseil constitutionnel n°2012-654 DC du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012.
[10] Sénat, Le financement des communautés religieuses, 2001.
[11] Treasury Direct, Gift Contributions to Reduce Debt Held by the Public (LIEN).
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