Internet, politique et coproduction citoyenne
Introduction
Les partis de la coproduction politique
La CooPol
Les Créateurs de Possibles
Les limites respectives des deux sites
Les systèmes de coproduction existants
Le mouvement Open Source
Wikipedia et l’approche Open Content
La normalisation ouverte : W3C et IETF
Quels enseignements tirer de systèmes de coproduction existants ?
Le rassemblement autour d’un projet commun
La légitimité des responsables
La prise en compte des petites contributions
Le filtrage communautaire
La transparence
la simplicité
Un cadre organisationnel léger
Des outils adaptés
Conclusion : Ă©bauche d’une application concrète au domaine de l’entreprise
Quelles règles de fonctionnement ?
Quels instruments pour la coproduction citoyenne ?
Appel Ă participation
Introduction
L’idée de gouvernance ouverte est une évolution de la pensée démocratique considérant que le travail du gouvernement et de l’administration doit être aussi transparent que possible et permettre une implication forte des citoyens, au-delà de simples élections. Plus spécifiquement, c’est un mouvement qui cherche à mettre en adéquation les pratiques de gouvernance actuelles avec les possibilités nouvellement offertes par les technologies de l’information et de la communication.
http://data.gov/ et http://data.gov.uk/
L’Open Government Brainstorm est une expérience menée par l’équipe du Président Obama pour tenter de recueillir un certain nombre de questions et de préoccupations émanant de tous les citoyens, et discutées entre eux. Si ses résultats ne font pas l’unanimité, c’est néanmoins une expérience intéressante qui a connu un vif succès.
La gouvernance ouverte1 – l’Open Government – se cherche. Plusieurs chantiers ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© lancĂ©s pour en dĂ©finir les modalitĂ©s. Les États-Unis et le Royaume-Uni2 ont ainsi entamĂ© l’ouverture via Internet des donnĂ©es publiques (“Open Data”), entraĂ®nant derrière eux beaucoup d’autres administrations Ă divers niveaux de responsabilitĂ©. De mĂŞme, le système des concours d’applications citoyennes, permettant aux structures gouvernantes de bĂ©nĂ©ficier, Ă moindre coĂ»t, de l’ingĂ©niositĂ© d’une vaste communautĂ© de dĂ©veloppeurs, se propage rapidement. Les voies de retour donnant aux citoyens la possibilitĂ© de signaler immĂ©diatement et efficacement Ă leurs communes les problèmes qu’ils rencontrent, connaissent Ă©galement un engouement grandissant. Le PrĂ©sident Obama, après une campagne ayant utilisĂ© magistralement les technologies du Web, a fait de la gouvernance ouverte une des pierres angulaires de son mandat, ouvrant de multiples projets pour mieux impliquer les citoyens dans le fonctionnement de leur pays, Ă l’image de l’Open Government Brainstorm.3
Ces dĂ©veloppements ne sont pas des phĂ©nomènes isolĂ©s. Ils montrent que le Web permet aujourd’hui Ă des groupes indĂ©pendants, faiblement structurĂ©s et sans tutelle institutionnelle, de prendre en charge des pro- jets de grande envergure sans rencontrer de barrières financières ou territoriales. Il Ă©tait naturel que cette Ă©volution de la sociĂ©tĂ© se retrouve au niveau politique. Nous n’en sommes cependant qu’aux balbutiements de cette transformation et beaucoup reste Ă faire pour Ă©voluer vers une rĂ©elle coproduction citoyenne.
Qu’entendons-nous par “coproduction citoyenne”? Il s’agit d’un service ou d’un contenu utile Ă la CitĂ© et produit par les citoyens, qu’ils travaillent entre eux ou en lien direct avec une administration. Certaines formes de coproduction citoyenne, notamment associatives, existent depuis longtemps hors du Web et sont bien ancrĂ©es dans le tissu social. Mais l’ampleur de l’action, la simplicitĂ© de coordination des travaux et la capacitĂ© de diffusion qu’autorise Internet, rendent possible des coproductions d’un genre nouveau. Les processus de fabrication de l’information et de la norme politique peuvent aujourd’hui couvrir des usages prĂ©cĂ©demment hors d’atteinte, parce que limitĂ©s par la nĂ©cessitĂ© de prĂ©sence, la distance, ou le coĂ»t de la communication Ă grande Ă©chelle.
Un service comme Nos DĂ©putĂ©s4 de l’association Regards Citoyens5, qui informe sur le travail des dĂ©putĂ©s français (interventions, commissions, votes et prĂ©sence), aurait auparavant nĂ©cessitĂ© un lourd travail manuel, et n’aurait Ă©tĂ© diffusĂ© qu’Ă un nombre restreint de personnes. Aujourd’hui, ce service est numĂ©risĂ© et accessible Ă tous. Ce site Ă©tant le fruit du travail d’une petite communautĂ© de citoyens passionnĂ©s, il s’agit bien lĂ d’une coproduction citoyenne.
Mais ce type de réalisation n’est qu’un premier pas. Les projets existants en matière politique restent le plus souvent unidirectionnels plutôt que coopératifs : ils rendent simplement accessible une information cachée ou mal diffusée. Dans la mesure où ce travail de diffusion de données nécessite une connaissance relativement avancée des technologies du Web, il reste bien souvent limité.
Loin de la politique, il existe cependant des projets coproductifs fonctionnant sur Internet, qui ont fait leurs preuves. Wikipedia est un exemple parmi d’autres. Ces projets nous donnent des indices sur la manière de libĂ©rer les Ă©nergies de la coproduction citoyenne. Une telle ambition ne se rĂ©alisera qu’à condition d’imaginer de nouveaux moyens, pour permettre Ă des groupes de citoyens de collaborer entre eux et de devenir de rĂ©elles forces de proposition politique, capables de produire des textes complexes et structurĂ©s, allant jusqu’Ă la rĂ©daction de propositions de loi.
Nous nous concentrerons ici sur l’aspect organisationnel de la coopĂ©ration entre citoyens via Internet et non sur les technologies utilisĂ©es pour fournir des services citoyens. Nous traiterons dans un premier temps du fonctionnement et des limites des projets Web de coproduction citoyenne portĂ©s par deux partis politiques français, le Parti Socialiste et l’UMP. Nous nous intĂ©resserons ensuite aux moyens de coproduction qui fonctionnent aujourd’hui avec succès, afin d’en tirer quelques enseignements et d’Ă©laborer des propositions.
Les partis de la coproduction politique
Les militants inactifs paient une cotisation sans participer aux actions de terrain.
Il faut toutefois noter, que dans le paysage politique français, un nouveau parti se développe autour d’idées tirées de la gouvernance ouverte et de la coproduction citoyenne : Europe Écologie.
Les partis politiques sont les instances traditionnelles de l’organisation de la vie dĂ©mocratique. Ils ont notamment pour fonction de coordonner l’action politique sur une zone gĂ©ographique Ă©tendue, en rendant possible la communication entre plusieurs milliers de militants et en s’adressant Ă plusieurs millions d’Ă©lecteurs.
Ce rĂ´le est aujourd’hui en train d’évoluer du fait de la gĂ©nĂ©ralisation progressive des outils sociaux fonctionnant via Internet, depuis les listes de diffusion Ă©lectronique, dans les annĂ©es 1970, jusqu’Ă Twitter aujourd’hui. Levant nombre d’obstacles Ă la communication et Ă la coordination, ils peuvent concurrencer comme servir les mouvements politiques.
S’il n’y a pas lieu de parler de disparition des partis politiques – ne serait-ce que du fait de leurs capacitĂ©s logistiques de campagne – ces nouvelles pratiques constituent des modalitĂ©s de proposition et d’action politique inĂ©dites et pourraient par lĂ conduire Ă la rĂ©organisation de la vie dĂ©mocratique. Il s’agit de distinguer, parmi les changements attendus, ceux qui sont appelĂ©s Ă s’opĂ©rer Ă l’intĂ©rieur des partis de ceux qui trouveront plus facilement leur place indĂ©pendamment de ceux-ci. Les nouveaux outils participatifs permettent ainsi la crĂ©ation de groupes dont l’intĂ©rĂŞt pour la politique est rĂ©el mais dont la participation Ă la vie politique traditionnelle demeure largement latente. Leur dĂ©veloppement induit deux effets principaux sur la vie politique.
Si ces outils suppriment le contrôle des partis sur la communication et la coopération politique, entendu au sens général, ils facilitent celles-ci au sein même des structures partisanes existantes. Les partis y trouvent les moyens de mobiliser bien plus efficacement le grand nombre de leurs sympathisants et de leurs militants inactifs.6 A cet égard, Internet a joué un rôle majeur dans la victoire de Barack Obama aux dernières présidentielles américaines. Cet exemple reste toutefois une exception et les outils utilisés par les partis méritent encore d’être perfectionnés.
Le Web a un deuxième effet sur la vie politique : il permet d’attirer un public qui se mĂ©fie de l’alignement idĂ©ologique, rĂ©el ou perçu, qui peut caractĂ©riser le militantisme partisan. En effet, la coproduction citoyenne se donne pour seul objectif le rassemblement des individus autour d’un seul et mĂŞme sujet et non l’adhĂ©sion Ă une vision globale de la sociĂ©tĂ©. Le coĂ»t de crĂ©ation et de coordination d’un groupe sur le Web est d’ailleurs tellement faible qu’il est possible de mettre sur pied une myriade de structures traitant de sujets extrĂŞmement prĂ©cis et dont le faisceau de proposition est extrĂŞmement Ă©troit. Cette souplesse permet d’atteindre un plus grand nombre de citoyens, qui peuvent dĂ©sormais se mobiliser sans se convertir Ă une doctrine partisane. L’alignement idĂ©ologique, qui constitue pour certains une barrière Ă l’action au sein d’un mouvement, cesse dès lors d’ĂŞtre un problème. S’il peut ĂŞtre tentant de voir dans ces nouvelles tendances un dĂ©litement du tissu politique tel que nous l’avons jusqu’Ă prĂ©sent connu, on peut considĂ©rer qu’il s’agit d’une nouvelle forme d’engagement citoyen, auquel il faut donner des moyens de dĂ©velopper une vĂ©ritable force de proposition.
Il existe dans le paysage politique français plusieurs sites, principalement créés par les partis politiques, qui s’appliquent Ă explorer le territoire nouveau du Web et Ă investir l’espace des pratiques politiques Ă venir de la “GĂ©nĂ©ration 2.0”.
Ces sites comportent gĂ©nĂ©ralement deux dimensions. Ils proposent d’une part un rĂ©seau social, constituĂ© autour d’un parti ou d’une famille politique et l’assortissent d’un espace oĂą les «citoyens» peuvent for- muler des propositions ouvertes sur les sujets de leurs choix. PlutĂ´t que de passer en revue l’ensemble de ces plateformes, nous nous limiterons Ă l’analyse de deux sites reprĂ©sentatifs : La CooPol (ou “CoopĂ©rative Politique”) et Les CrĂ©ateurs de Possibles7, que nous nommerons ci-après “CDP”8. Il est trop tĂ´t pour en analyser le fonctionnement qui s’affine encore, mais il sera utile Ă qui s’intĂ©resse Ă ce sujet de se tenir au courant des Ă©volutions de ce projet. Un rapide survol nous permettra d’aborder leur fonctionnement, leurs atouts respectifs, et les points qu’ils doivent amĂ©liorer pour dĂ©velopper la coproduction citoyenne.
La CooPol
L’objectif de la CooPol est simple : offrir à “tous ceux qui veulent dĂ©battre et agir Ă gauche” un rĂ©seau social, ainsi qu’“une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’outils d’organisation et de mobilisation politiques pour Ă©changer en ligne et agir sur le terrain.”
Le site compte diffĂ©rents niveaux d’accès Ă l’information. Si l’inscription est ouverte Ă tous, militants du Parti Socialiste et simples sympathisants n’ont pas accès au mĂŞme contenu. Les fonctions disponibles Ă tous en font un site social classique : amis (ou “coopains”), groupes, fil d’information sur ses amis, messages, blog, Ă©vènements. Il est mĂŞme possible de rejoindre des sections virtuelles du PS. Les militants et sympathisants y trouvent des moyens performants d’auto-organisation, qui rendent plus flexible la logistique de campagne. La Coopol facilite par ailleurs les contributions de militants moins engagĂ©s.
Cependant, les fonctions les plus innovantes du site ne sont, pour la plupart, accessibles qu’aux militants. Par exemple, durant les rĂ©gionales de 2010, le fichier des abstentionnistes a Ă©tĂ© cartographiĂ© pour permettre aux membres du PS de dĂ©terminer les zones gĂ©ographiques oĂą ils devaient dĂ©ployer leur action et convaincre un maximum d’électeurs de se dĂ©placer. Ce projet et demeurĂ© entre les mains des militants. Ainsi, bien que la page d’accueil mentionne la coproduction, l’outillage affĂ©rent proposĂ© n’en est encore qu’Ă ses dĂ©buts et devra Ă©voluer avant de per- mettre une collaboration sur l’Ă©laboration de propositions complexes.
La CooPol, dans son Ă©tat actuel, est pour le moment peut-ĂŞtre mal nommĂ©e. Elle ne constitue pas tant une coopĂ©rative politique, au sens d’un organisme coopĂ©ratif produisant des solutions, qu’un Ă©lĂ©ment de modernisation du Parti Socialiste. La Coopol permet surtout d’aider militants et sympathisants Ă se coordonner pour rendre la logistique de campagne plus flexible et la doter de meilleurs moyens d’organisation.
Cette Ă©volution des partis n’est pas concurrente Ă l’idĂ©e d’une coproduction citoyenne mais peut au contraire se rĂ©vĂ©ler son complĂ©ment en pĂ©riode de campagne.
Les Créateurs de Possibles
Les systèmes 3-1-1 sont au départ des numéros de téléphone en Amérique du Nord permettant aux citoyens de signaler des problèmes non-urgents (route endommagée, abribus abimé, etc.), comme le plus célèbre 9-1-1 qui est le numéro des urgences. Open311 est un projet visant à développer cette plateforme pour Inter- net afin de permettre à tout programmeur de créer des applications citoyennes aidant au 3-1-1. Il est soutenu par Vivek Kundra, le Chief Information Officer américain.
Les CrĂ©ateurs de Possibles est un site Ă©ditĂ© par l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP), qui se prĂ©sente comme “un rĂ©seau citoyen” permettant Ă chacun de “passer Ă l’action”, sans que soit requise, en thĂ©orie, une quelconque affiliation politique. A l’instar de la Coopol, il propose les fonctions classiques des sites sociaux : amis, messages, ou encore organisation d’Ă©vènements.
Une application majeure rĂ©git le site : les «initiatives», qui permettent de rĂ©diger une proposition politique. Chacune d’elles se compose d’un titre, d’une photo ou d’une vidĂ©o et d’un texte de 600 caractères maximum. Une fois l’initiative créée, il est possible d’y inviter ses contacts personnels ou d’autres membres des CDP, qui peuvent la rejoindre ou tĂ©moigner de son utilitĂ©. Une option permet par ailleurs d’« envoyer une lettre Ă un responsable politique » pour lui expliquer l’importance de la proposition. Divers outils sont enfin disponibles pour organiser la vie de l’initiative en dehors du site : ils permettent notamment de mettre sur pied des des porte-Ă -porte, des diffusions de tracts, des sĂ©ries d’appels tĂ©lĂ©phoniques, ou encore des rĂ©unions autour du sujet traitĂ© dans la proposition.
Deux aspects du site et de l’application «initiatives» posent cependant problème. La nature du lien avec l’UMP est floue : il est difficile de savoir si les “citoyens en action” qui sont Ă l’origine des initiatives sont appelĂ©s Ă ĂŞtre proches de l’UMP. Cette confusion tend Ă limiter Ă la fois les contributions Ă©manant de participants ne souhaitant pas ĂŞtre affiliĂ©s Ă ce parti, mais Ă©galement celles des sympathisants de l’UMP, qui ignorent l’orientation qu’ils doivent donner Ă leurs propositions. D’autre part, les limitations strictes de contenu imposĂ©es par le format des initiatives – 600 signes correspondant Ă un bref paragraphe – empĂŞchent l’Ă©laboration de propositions complexes. Une fois le texte rĂ©digĂ©, il est par ailleurs impossible, mĂŞme pour son initiateur, de le modifier. Ceci exclut toute possibilitĂ© de faire Ă©voluer l’initiative en fonction des rĂ©actions d’autres utilisateurs et les dissuadent donc de dĂ©battre.
Si le principe des « initiatives » n’est pas nĂ©cessairement mauvais, leur forme gagnerait Ă Ă©voluer. Elles pourraient ainsi se dĂ©tacher de toute dimension partisane et s’inscrire, par exemple, dans un contexte local ou Ă l’échelon territorial le plus rĂ©duit. Un tel outil permettrait ainsi de faire remonter des dolĂ©ances municipales, par le biais d’un service de type Open311.9
Les limites respectives des deux sites
Comme l’explique le spĂ©cialiste des effets sociaux et Ă©conomiques de l’Internet Clay Shirky dans Here Comes Everybody, “les outils sociaux ne crĂ©ent pas l’action collective – ils ne font qu’Ă©liminer les obstacles qui l’empĂŞchent” (“Social tools don’t create collective action – they merely remove the obstacles to it.”). Si aucune des offres existantes n’a libĂ©rĂ© la coproduction citoyenne, c’est donc qu’elles n’ont pas su Ă©liminer ces obstacles. En effet, pour qu’un appareil social fonctionne, il faut qu’il fasse ses preuves dans deux domaines :
Le contrat
L’utilisateur opère un arbitrage rationnel, avant de choisir le ou les sites, auxquels il va sacrifier une part de son temps. Il doit donc pouvoir Ă©tablir clairement ce Ă quoi le service et lui-mĂŞme s’engagent mutuellement, et les bĂ©nĂ©fices qu’ils tireront respectivement de cette interaction.
La rĂ©ussite du contrat implique ainsi que l’utilisateur obtienne une gra- tification en Ă©change de son engagement, et qu’il ait la certitude que ses contributions ne seront pas utilisĂ©es Ă des fins qu’il ne cautionne pas. Ce dernier doit enfin avoir la conviction qu’il ne sera pas le seul Ă participer au projet, ce qui, Ă ses yeux, priverait le site de toute dimension sociale.
Dans le cas des CrĂ©ateurs de Possibles, le contrat n’est pas très clair. Un utilisateur dĂ©sireux d’apporter sa contribution au site, mais ne se reconnaissant pas dans l’UMP, se montrera mĂ©fiant, craignant une rĂ©cupĂ©ration abusive de ses interventions. Si le contrat proposĂ© par la Coopol est plus lisible, le site affiche ses liens forts avec le Parti Socialiste et peut donc rebuter les citoyens souhaitant se tenir Ă l’écart du militantisme. Dans les deux cas, l’espace laissĂ© aux contributions originales de citoyens indĂ©pendants est trop rare.
L’outillage
Il s’agit de l’ensemble des moyens techniques permettant Ă la communautĂ© de se coordonner. Un outillage performant est censĂ© offrir une certaine facilitĂ© d’utilisation, en comparaison avec les autres outils permettant d’accomplir la mĂŞme tâche. En d’autres termes, il doit permettre des actions prĂ©cĂ©demment impossibles ou simplifier des actions possibles.
En matière d’outillage, les projets du PS et de l’UMP ont Ă©tĂ© essentiellement bâtis sur le modèle des rĂ©seaux sociaux, qui apportĂ© la preuve de leur grande capacitĂ© mobilisatrice. Mais ces sites ne permettent pas, en leurs Ă©tats actuels, de faire Ă©merger une vĂ©ritable coproduction citoyenne, leur outillage Ă©tant trop restrictif. Pourtant, les systèmes de coproduction rĂ©ussis existent. Leur analyse permettra d’y dĂ©celer les Ă©lĂ©ments qui pourraient s’appliquer au domaine politique.
Les systèmes de coproduction existants
Au cours de ces dernières dĂ©cennies, plusieurs systèmes de coproduction, hors de la sphère politique, se sont dĂ©veloppĂ©s dans le sillage de la dĂ©mocratisation progressive d’Internet. Ces systèmes ont en commun leur ouverture, laquelle se retrouve dans leurs noms : “Open Source”, “Open Content”, “Open Standards”. Leur fonctionnement Ă©tant propre Ă chacun d’eux, nous analyserons sĂ©parĂ©ment les trois premiers afin d’essayer d’en extraire les aspects essentiels, tout en laissant dĂ©libĂ©rĂ©ment de cĂ´tĂ© l’“Open Data” et “Open Government”, systèmes plus rĂ©cents qui Ă©mergent progressivement.
Le mouvement Open Source
Le code source est l’ensemble des instructions écrites dans un langage de programmation, compréhensibles par le développeur, et permettant de créer un programme fonctionnant sur un ordinateur.
Le label “Open Source” est attribuĂ© aux logiciels dont la licence d’utilisation rĂ©pond Ă un nombre de critères bien spĂ©cifiques. Parmi ces critères figurent l’accès libre au code source10, la redistribution libre et le droit de modification qui autorise la production de versions dĂ©rivĂ©es du logiciel. Nous nous intĂ©resserons ici non aux logiciels “Open Source” eux-mĂŞmes mais Ă leur processus de production.
MĂŞme si l’appellation Open Source ne contraint en rien ce processus, qui peut considĂ©rablement varier d’un logiciel Ă l’autre, il est nĂ©anmoins possible de dĂ©crire succinctement le fonctionnement d’un projet Open Source relativement caractĂ©ristique. A l’origine du projet, un programmeur produit une première version d’un logiciel, puis en publie le code source au bĂ©nĂ©fice de tous. Si son projet suscite l’intĂ©rĂŞt d’autres informaticiens, ils le rejoindront dans le but de faire Ă©voluer ce logiciel. Cette communautĂ© s’organise gĂ©nĂ©ralement autour de deux outils principaux : d’une part, une liste de discussion par email permettant au groupe de coordonner ses actions et de rĂ©soudre les problèmes rencontrĂ©s lors du dĂ©veloppement; d’autre part, un serveur sur lequel rĂ©side le code source et qui permet Ă chaque participant de le modifier progressivement et de façon cohĂ©rente.
En gĂ©nĂ©ral, les communautĂ©s de programmeurs sont peu hiĂ©rarchisĂ©es, mĂŞme lorsqu’elles Ĺ“uvrent Ă des projets de grande envergure. Leurs membres travaillent le plus souvent sur un pied d’égalitĂ©, une voix prĂ©pondĂ©rante Ă©tant cependant accordĂ©e Ă l’initiateur du projet. On parle dans ce cas de “dictateur bienveillant”.
Le contrat tacite est simple: chacun amĂ©liore un produit Ă l’usage de tous, et la licence garantit que nul ne pourra se l’approprier en privant les autres participants de leurs contributions. En plus de la contrepartie d’obtenir un meilleur programme pour soi comme pour les autres, chaque dĂ©veloppeur bĂ©nĂ©ficie de l’opportunitĂ© d’asseoir sa rĂ©putation et d’apprendre de nouvelles techniques au travers des Ă©changes qui rythment le projet. Ce contrat et ces avantages sont aujourd’hui si bien ancrĂ©s dans la culture informatique que la plupart des programmeurs contribuent aux projets Open Source le plus naturellement du monde.
La transposition des procĂ©dĂ©s classiques de l’Open Source Ă la coproduction citoyenne est-elle possible ? Que faut-il en retenir ? Si l’outillage technique est trop spĂ©cifique au dĂ©veloppement de logiciels pour pou- voir ĂŞtre utilisĂ© tel quel dans un cadre politique, les principes du contrat unissant les contributeurs n’en sont pas moins intĂ©ressants. La garantie de propriĂ©tĂ© collective des contributions individuelles ainsi que la pleine libertĂ© de transformation et de retransmission de l’oeuvre commune sont autant de règles Ă conserver pour la coproduction citoyenne.
Wikipedia et l’approche Open Content
L’utilisateur novice qui navigue sur Wikipedia pourrait s’imaginer que les articles qu’il consulte constituent la majeure partie du site et qu’en cliquant sur “modifier”, il accède au niveau le plus avancé et le plus pro- fond du système. Ces impressions sont fausses. L’essentiel de la matière de Wikipedia se trouve en réalité dans les pages administratives, qui soutiennent la création de contenu, en particulier dans les pages qui servent aux contributeurs à discuter entre eux des articles.
Comment fonctionne ce système? La rĂ©daction d’articles Wikipedia obĂ©it Ă une procĂ©dure subtile de consensus Ă plusieurs niveaux. Au niveau le plus simple, après qu’un contributeur a créé son article, d’autres viennent l’enrichir et le corriger progressivement, sans qu’aucune coordination entre les diffĂ©rentes interventions soit nĂ©cessaire. Ce cas de figure correspond au consensus implicite : le silence et l’inaction des autres utilisateurs vaut consentement et l’article demeure tel quel.
Lorsque deux rĂ©dacteurs, ou davantage, s’opposent concernant le contenu d’un article, il leur appartient de rĂ©soudre leur dĂ©saccord en utilisant une page de discussion prĂ©vue Ă cet effet. Si la nĂ©gociation est libre, un ensemble de règles et de recommandations doit les aider Ă parvenir Ă un accord. L’ensemble de ces normes, qu’il s’agisse de simple Ă©tiquette (ou “Wikiquette”), ou de principes fondamentaux, serait trop long Ă dĂ©tailler ici. Comme le contenu du site, elles sont d’ailleurs en constante Ă©volution. Deux valeurs sont nĂ©anmoins invoquĂ©s plus frĂ©quemment que les autres : l’adoption d’un point de vue neutre, qui implique une rĂ©daction juste, proportionnĂ©e et non biaisĂ©e, et la vĂ©rifiabilitĂ© de l’in- formation fournie. Sur cette base, beaucoup de dĂ©saccords sont rĂ©glĂ©s directement par les parties concernĂ©es.
Il est important de noter que ces discussions se déroulent et sont archivées publiquement. Tout nouvel arrivant peut ainsi comprendre le processus qui a conduit au consensus autour de chaque article. Le principe de transparence s’applique ainsi tant au produit qu’à la production. Cette traçabilité du résultat permet de remonter le chemin qui a conduit l’article à son état final et de déceler des erreurs factuelles. L’historique des discussions évite par ailleurs leur répétition stérile.
Dans le cas oĂą les Ă©diteurs ne parviennent pas Ă s’entendre, ils dispo- sent de plusieurs moyens. Dans un premier temps, ils peuvent ouvrir la discussion. Il est ainsi courant, en cas de litige, d’impliquer un tiers ou un comitĂ© de tiers communĂ©ment acceptĂ© comme neutre, qui serviront de mĂ©diateurs. La discussion peut Ă©galement s’ouvrir Ă une plus large participation communautaire, afin de bĂ©nĂ©ficier d’autres points de vue. En dernier recours, si toutes les tentatives de conciliation ont Ă©chouĂ©, il est possible d’avoir recours au ComitĂ© d’Arbitrage qui tranchera dĂ©finitivement. Le comitĂ© est composĂ© d’un petit nombre d’utilisateurs reconnus pour leur expĂ©rience et leur objectivitĂ©. Ce type de recours reste cependant exceptionnel – s’il Ă©tait frĂ©quent, le système se trouverait en faillite.
Le projet Wikipedia peut donc ĂŞtre perçu comme une vaste administration participative capable par consensus de produire un contenu souvent complexe et de qualitĂ©. Il n’est pas Ă©tonnant que les communautĂ©s s’intĂ©ressant Ă la gouvernance ouverte y fassent rĂ©gulièrement rĂ©fĂ©rence. Il constitue un modèle du genre dont il convient de s’inspirer pour imaginer la coproduction citoyenne.
Avant de transposer Wikipedia à la politique, il convient toutefois de remarquer qu’il permet uniquement la création de contenus encyclopédiques qui, à la différence des discussions citoyennes, demeurent largement descriptifs. On peut légitimement se demander si son fonctionnement s’appliquerait à la création de solutions politiques devant aboutir sur des décisions concrètes et détaillées, ou à la production de normes publiques pouvant aller jusqu’à la proposition de loi.
En effet, il est plus simple de dĂ©crire que d’élaborer des solutions concrètes. Les deux valeurs cardinales qui fondent le consensus de Wikipedia, la neutralitĂ© du point de vue et la vĂ©rifiabilitĂ© de l’information, s’appliquent difficilement au domaine politique. Si l’on peut imaginer une coopĂ©ration politique via Internet sans partis, l’absence de « parti pris » est quant Ă elle plus difficile Ă concevoir. La neutralitĂ© est difficile Ă imaginer dès lors qu’il s’agit d’élaborer des solutions et de s’attaquer Ă des problèmes impliquant des intĂ©rĂŞts et des points de vue divergents. Par ailleurs, s’il est nĂ©cessaire d’apporter une solution Ă un problème donnĂ©, il est rarement possible de pouvoir vĂ©rifier a priori sa validitĂ© pratique.
Sans perdre de vue les avantages rĂ©els du modèle Wikipedia, nous analyserons donc un troisième système de production coopĂ©rative dont le but – bâtir un consensus autour d’une solution nouvelle Ă un problème collectivement constatĂ© – est plus proche du domaine politique : la normalisation ouverte.
La normalisation ouverte : W3C et IETF
Un protocole est un ensemble de règles qui régissent l’interaction entre plusieurs programmes. Par exemple le protocole HTTP permet à un navigateur de dire à un serveur « Donne-moi tel document » ce à quoi ce dernier pourra répondre « Oui, le voici » ou « Désolé, il n’existe pas ».
Une spécification est un document contenant une description complète, concise, et dénuée d’ambigüité de la norme.
L’objet de la normalisation est de pallier l’absence de convention dans un domaine d’activitĂ© humaine, notamment technologique. Cette absence peut en effet crĂ©er plus de problèmes qu’il n’y a d’avantages Ă laisser chacun libre de suivre ses propres conventions. La normalisation, au sein d’un groupe, est donc le processus par lequel chacun de ses membres aligneront leurs pratiques. Si la normalisation ne se limite pas aux TICs, nous traiterons ici d’organismes de normalisation agissant dans les domaines technologiques car ils ont mis en place les procĂ©dĂ©s qui nous intĂ©ressent.
Ces procédés permettent aux acteurs de consolider leurs innovations et d’assurer la stabilité nécessaire à la création d’un écosystème.
La normalisation est un vaste domaine : il existe des normes pour presque tout, utilisĂ©es presque partout, et rares sont les sujets ou les activitĂ©s qui ne soient traitĂ©s par un organisme de normalisation. S’ils ont en commun de produire des documents souvent complexes, techniques, et prĂ©cis, les organismes de normalisation se rĂ©vèlent extrĂŞmement variĂ©s dans leurs modes de fonctionnement. On distingue ainsi les organismes publics, nationaux ou issus de traitĂ©s internationaux, des groupements privĂ©s de sociĂ©tĂ©s ou de personnes; d’aucuns obĂ©issent Ă des valeurs spĂ©cifiques qu’ils entendent mettre en Ĺ“uvre Ă travers leur production, d’autres acceptent de rĂ©vĂ©ler tout ce que leurs membres dĂ©cident de publier; d’aucuns travaillent Ă la lumière du jour, d’autres dans le plus grand secret ; d’aucuns prennent leurs dĂ©cisions par voie Ă©lectorale, d’autres par consensus, d’autres encore ont des niveaux de participation prĂ©dĂ©finis pour diverses classes de membres et rĂ©servent Ă un bureau dirigeant le pouvoir de dĂ©cision.
Faute d’espace et par souci de clarté, nous ne traiterons pas ici de tous les types d’organismes de normalisation mais uniquement des méthodes déployées dans le cadre de la normalisation “ouverte”. La normalisation est dite ouverte quand elle répond à certains critères de participation libre, accessible à tous, de gratuité et de mise à disposition des normes produites. Elle a pour principal objectif l’intervention d’une vaste communauté de participants, travaillant en public, et résolvant leurs désaccords par voie de consensus. Afin de mettre en lumière les méthodes de fonctionnement de la normalisation ouverte, nous fonderons notre analyse sur l’exemple de deux organismes aux propriétés différentes : l’IETF et le W3C.
IETF (Internet Engineering Task Force)
L’IETF11 travaille sur les diffĂ©rents standards propres au rĂ©seau Internet, comme par exemple le protocole TCP/IP12, qui sous-tend les communications du rĂ©seau. Cet organisme Ĺ“uvre Ă©galement Ă l’élaboration des normes qui, rassemblĂ©es, rĂ©gissent le fonctionnement de l’email, ou encore le HTTP qui permet la transmission des donnĂ©es sur le Web, et bien d’autres technologies moins connues du grand public.
L’IETF est intĂ©gralement composĂ©e de volontaires, dont le travail est parfois financĂ© par leurs employeurs. FondĂ© en 1986 sous l’Ă©gide du gouvernement amĂ©ricain, dont il s’est aujourd’hui affranchi, il compte parmi les diffĂ©rentes branches de l’Internet Society, organisation indĂ©pendante Ă but non-lucratif qui cherche Ă promouvoir le dĂ©veloppement de l’Internet sous toutes ses formes et gère l’Internet Governance Forum.
W3C (World Wide Web Consortium)
Le W3C13 travaille quant Ă lui Ă dĂ©finir les normes propres au Web, tel HTML, le langage principal des pages ou encore HTTP, le protocole qui permet aux navigateurs d’obtenir les informations dĂ©sirĂ©es, et bien d’autres technologies (CSS, SVG, PNG, DOM, XML, etc.) utilisĂ©es Ă chaque instant par plusieurs milliards de personnes, le plus souvent Ă leur insu. Son mode de fonctionnement offre lui aussi un bon exemple de coproduction rĂ©ussie.
A la diffĂ©rence de l’IETF, le W3C se compose surtout de membres payants, pour la plupart des sociĂ©tĂ©s privĂ©es, qui partagent l’orientation de l’organisme avec son directeur (aujourd’hui Tim Berners-Lee, inventeur du Web). Leurs cotisations servent Ă financer une Ă©quipe de professionnels de la normalisation qui aident les groupes de travail de l’organisme Ă produire des documents de meilleure qualitĂ©, si possible relativement rapidement. A ces membres payants se joignent un grand nombre de volontaires, les principaux groupes actifs de l’organisme Ă©tant aujourd’hui ouverts au public.
Ce partenariat entre industriels et communauté de volontaires est rendu possible par le partage d’intérêts bien compris. Les industriels bénéficient de l’expérience partagée d’un grand nombre de participants, qui décèlent et corrigent les imperfections des normes en développement et trouvent des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. La communauté, quant à elle, sait que son travail produira, à terme, des normes adaptées aux valeurs d’ouverture du W3C : accessibilité à tous indépendamment du handicap, gratuité des technologies, fonctionnement dans toutes les langues et pour toutes les cultures, ou encore indépendance vis-à -vis de tout éditeur logiciel particulier ou de toute plateforme spécifique.
Comment la normalisation ouverte fonctionne-t-elle ?
Le processus de création des normes au sein des deux organismes pré- sente un intérêt pour comprendre le fonctionnement de la coproduction assistée par Internet.
Dans les grandes lignes, la procĂ©dure de crĂ©ation d’une norme est relativement simple. Le premier jet d’une « spĂ©cification »14 est rĂ©digĂ©, puis ses problèmes sont mis en lumière par la communautĂ©, leur rĂ©solution menant Ă la rĂ©daction d’une nouvelle version. Ce processus se rĂ©pète jusqu’Ă l’obtention d’une spĂ©cification dont les fonctions et la qualitĂ© font consensus.
Dans la pratique, comme l’explique clairement le document dĂ©crivant l’organisation de la normalisation Ă l’IETF (The Internet Standards Process)15, ce processus est rendu complexe par :
- la difficulté de création de spécifications de haute qualité technique ;
- la nécessité de prendre en compte les intérêts de toutes les parties concernées ;
- l’importance d’Ă©tablir un vaste consensus au sein de la communautĂ© ;
- la difficultĂ© Ă Ă©valuer l’utilitĂ© d’une spĂ©cification pour la communautĂ© Internet.
Le travail peut s’organiser de diffĂ©rentes manières: soit un groupe de travail spĂ©cifique Ă ce problème est créé, soit un groupe suffisamment proche existe et voit sa portĂ©e Ă©tendue. Une liste de discussion par email ouverte au public est créée, ainsi qu’un espace de publication, sur lequel le groupe pourra mettre en ligne ses brouillons, sa spĂ©cification finale, ainsi que tout autre document qu’il jugera utile de publier.
Comment se distribue le pouvoir en normalisation ouverte ?
Si tous les participants sont égaux, leur travail se structure généralement autour de certaines figures, qui permettent une meilleure organisation du travail :
• Le reprĂ©sentant de l’organisme (Team Contact). Si cette fonction n’est pas attribuĂ©e dans tous les organismes de normalisation ouverte, ses contributions sont très apprĂ©ciĂ©es. Il s’agit d’une personne mandatĂ©e par l’organisme hĂ´te du groupe. Le Team Contact est chargĂ©e de vĂ©rifier que le travail se dĂ©roule selon les règles de fonctionnement et de fournir un soutien technique et logistique.
• L’Ă©diteur rĂ©dige la spĂ©cification selon le consensus du groupe. Une fois rĂ©solus l’ensemble des points de dĂ©bat, il construit le document, en se fondant le plus souvent sur les propositions d’un certain nombre de participants, et veille Ă maintenir son intĂ©gritĂ©. Cette fonction se rĂ©vèle d’une grande utilitĂ© : plutĂ´t que de laisser tous les participants modifier directement le document, la prĂ©sence d’un Ă©diteur permet gĂ©nĂ©ralement de garantir une plus grande cohĂ©rence dans la rĂ©daction. Cette organisation du travail peut sembler s’opposer Ă celle qui a cours en “open content”, par exemple dans la fabrication du contenu Wikipedia. Dans la pratique, cette diffĂ©rence est mineure. En effet, si un article Wikipedia peut compter plusieurs centaines de contributeurs, la plupart du temps, la majoritĂ© du travail est effectuĂ©e par un petit nombre d’intervenants.
• Le mĂ©diateur/animateur/directeur du groupe (Chair) anime les dĂ©bats, coordonne l’agenda, applique les règles de fonctionnement, et s’assure par tous les moyens de l’Ă©laboration d’un consensus au sein du groupe. Il ne dispose d’aucun pouvoir particulier lui permettant de forcer les participants Ă agir dans une direction donnĂ©e et son influence sur les dĂ©cisions n’est pas plus importante que celle d’un autre participant. Il joue le rĂ´le de l’autoritĂ© morale respectĂ©e de tous, du primus inter pares, premier parmi ses pairs, qui coordonne l’action collective. Dans un groupe bien rodĂ©, il arrive souvent qu’on ne le diffĂ©rencie des autres membres que lors de ses interventions administratives.
Rien n’empĂŞche les personnes endossant ces diffĂ©rents rĂ´les d’exprimer de fortes opinions sur les sujets traitĂ©s, mais ils doivent prendre de la hauteur en temps voulu pour faire avancer le consensus.
• Le public peut intervenir Ă tout moment. Les dĂ©bats Ă©tant ouverts Ă tous, il est courant que les membres du groupe et ceux du public Ă©changent directement sans que s’opèrent entre eux la moindre distinction. L’Ă©diteur tient Ă jour en permanence le brouillon de la spĂ©cification, et le groupe publie Ă intervalles rĂ©guliers de nouvelles versions de travail. Ces publications permettent au groupe de signaler qu’il a progressĂ© dans sa rĂ©flexion, et de solliciter des commentaires spĂ©cifiques de la part du public. Il arrive souvent que le groupe demande Ă d’autres groupes dans d’autres domaines de fournir leurs commentaires et d’assister au dĂ©veloppement de certains aspects d’une norme, les compĂ©tences des groupes se chevauchant rĂ©gulièrement.
L’élaboration du consensus en normalisation ouverte
Ce processus itĂ©ratif aboutit Ă la crĂ©ation d’un document qui reflète le consensus du groupe et de sa communautĂ©. Pour autant, le travail ne s’arrĂŞte pas lĂ : il faut encore s’assurer que la spĂ©cification peut effectivement ĂŞtre utilisĂ©e et dĂ©ployĂ©e dans la pratique. Une phase de test est alors amorcĂ©e. Elle doit apporter la preuve que plusieurs personnes travaillant indĂ©pendamment peuvent, sans l’aide du groupe, appliquer la solution de façon cohĂ©rente et similaire. Cette dernière Ă©tape franchie, un nouveau standard est nĂ©.
La norme est le fruit d’un accord autour d’une solution conventionnelle entre des acteurs que parfois tout oppose. Parmi les participants, peuvent ainsi coexister les fournisseurs de solutions pour un mĂŞme domaine, susceptibles de se livrer Ă une concurrence acharnĂ©e. Certains membres ont au contraire des besoins opposĂ©s : les fournisseurs souhaiteront produire Ă moindre coĂ»t, tandis que certains groupes d’utilisateurs attendront de la norme des fonctions spĂ©cifiques. A cet Ă©gard, l’ouverture de la normalisation joue un rĂ´le conciliateur. En effet, lorsque le processus de crĂ©ation est ouvert, le champ de discussion intègre une plus ample communautĂ©, qui agit naturellement en faveur du consensus. Par ailleurs, des experts indĂ©pendants, des utilisateurs Ă©clairĂ©s peuvent intervenir et aider Ă rĂ©soudre les oppositions. Ainsi, l’ouverture amĂ©liore considĂ©rablement les chances de consensus.
Le monde de la normalisation ouverte reste cependant imparfait. Ses modalitĂ©s Ă©voluent d’ailleurs rĂ©gulièrement pour en amĂ©liorer les processus de crĂ©ation. Par ailleurs, il n’est pas intĂ©gralement transposable Ă la coproduction citoyenne. S’ils permettent d’aboutir Ă des dĂ©cisions consensuelles dans un cadre rĂ©ellement ouvert, les organismes de normalisation se rĂ©vèlent souvent difficiles d’accès. Leurs processus, qu’ils soient formellement codifiĂ©s ou issus de la lente accrĂ©tion de codes culturels informels, sont frĂ©quemment perçus comme opaques par les nouveaux arrivants. Cette complexitĂ© peut rebuter le novice. En outre, elle peut avoir pour effet de donner un avantage indu aux participants expĂ©rimentĂ©s, en leur permettant de prendre l’ascendant au moyen d’argumentations plus formelles qu’utiles. Le contrĂ´le de ces interventions inopinĂ©es prenant du temps, le travail du groupe s’en trouve ralenti.
Quels enseignements tirer de systèmes de coproduction existants ?
Quels enseignements tirer de systèmes de coproduction existants ?
Les exemples prĂ©cĂ©dents montrent que les systèmes de coproduction ouverte fonctionnent. Qu’il s’agisse de crĂ©ation de logiciels universellement utilisĂ©s, de la meilleure source encyclopĂ©dique disponible, ou de normes rĂ©gissant l’infrastructure des technologies de l’Internet, ces procĂ©dĂ©s ont fait leurs preuves. Ce chapitre vise Ă dĂ©gager les raisons de leur succès et d’en tirer les enseignements utiles Ă l’élaboration d’un système viable de coproduction citoyenne.
Le rassemblement autour d’un projet commun
Ces systèmes nous apprennent tout d’abord que l’Ă©lĂ©ment fondamental de la coproduction n’est pas le lien affinitaire, mais l’adhĂ©sion Ă un projet. Les rĂ©seaux sociaux se construisent sur la base de listes d’“amis”, qu’elles soient rĂ©ciproques (Facebook) ou unidirectionnelles (Twitter). Si ces derniers peuvent, en fournissant un vĂ©hicule Ă la dissĂ©mination d’information et Ă la communication, favoriser la coordination des actions des partis et de la sociĂ©tĂ© civile bien plus efficace qu’auparavant, ils ne semblent pas adaptĂ©s Ă la coproduction : aucun rĂ©seau social n’a rĂ©alisĂ© de coproduction d’envergure. Il apparaĂ®t au contraire que les systèmes de coproduction rĂ©ussis sont Ă©loignĂ©s par leur fonctionnement des rĂ©seaux sociaux. Ils se structurent davantage autour de projets (un composant logiciel, un article sur un sujet donnĂ©, une norme pour un domaine particulier) auxquels des volontaires vont dĂ©cider de contribuer. Si, durant l’Ă©laboration d’une proposition, il est fort probable que des liens se tissent entre participants, ceux-ci ne sont en rien nĂ©cessaires Ă son bon fonctionnement. Il n’est d’ailleurs pas rare que des collaborateurs ne se connaissent pas entre eux ou mĂŞme qu’ils entretiennent de mauvaises relations en dehors du projet, sans pour autant que cela nuise Ă sa rĂ©ussite.
La légitimité des responsables
Un deuxième enseignement tient au mode de dĂ©signation des responsables. Les quelques membres de la communautĂ© qui se voient confier un pouvoir tirent leur lĂ©gitimitĂ© de leurs contributions. Qu’il s’agisse de modĂ©rer une discussion ou de trancher une dispute dont la durĂ©e menace l’Ă©mergence d’une solution, les personnes investies par le groupe de la responsabilitĂ© de sa bonne marche doivent ĂŞtre issues d’une mĂ©ritocratie de participation reconnue de tous. Si ces responsables se rĂ©vèlent partiaux ou incompĂ©tents, le groupe doit pouvoir les remplacer rapidement.
La prise en compte des petites contributions
La possibilitĂ© d’apporter au projet de “petites contributions” est essentielle. Les projets coproductifs fonctionnent souvent grâce au travail d’un nombre restreint de participants très actifs. NĂ©anmoins, un volume important du travail est rĂ©alisĂ© par le grand nombre. Les contributions de la majoritĂ© des participants, prises individuellement paraissent modestes et isolĂ©es (allant jusqu’à la simple correction de quelques fautes d’orthographe). Mais lorsqu’elles sont agrĂ©gĂ©es, elles reprĂ©sentent une participation majeure au projet. Cette ouverture Ă la contribution participe de la lĂ©gitimitĂ© de la solution Ă©ventuellement adoptĂ©e.
Le filtrage communautaire
En cas de nĂ©cessitĂ©, les communautĂ©s de contributeurs sont capables de mettre en place leur propre filtrage. Un projet rendu public attire inĂ©vitablement un certain nombre d’intervenants indĂ©sirables, qui nuisent volontairement au processus. L’expĂ©rience montre que les communautĂ©s sont Ă mĂŞme lutter contre ses intrusions, soit en raisonnant les fauteurs de trouble, soit en les excluant des outils utilisĂ©s.
La transparence
Il est nĂ©cessaire que les contenus sont publics, le processus transparent et les discussions archivĂ©es. Pris ensemble, ces aspects permettent d’attirer de nouveaux contributeurs, de lĂ©gitimer le fonctionnement du système, et de retracer l’Ă©volution du consensus, autant d’élĂ©ments constitutifs de la confiance qu’ont les participants dans le système de coproduction. Pour reprendre Clay Shirky rĂ©pondant Ă JuvĂ©nal, ce type d’approche s’attaque à “une des questions les plus fondamentales de la philosophie politique : Qui garde les gardiens eux-mĂŞmes ? La rĂ©ponse est : tout le monde.”
la simplicité
Tout projet de coproduction doit par ailleurs se fonder sur une Ă©thique claire et cohĂ©rente. En Open Source, si chaque projet construit progressivement sa propre culture, il est entendu au dĂ©part que la production rĂ©pondra aux exigences du logiciel libre. Au sein de Wikipedia, toute contribution est estimĂ©e Ă l’aulne de sa neutralitĂ© et de sa vĂ©rifiabilitĂ©. Quant aux groupes du W3C, ils rĂ©pondent systĂ©matiquement aux impĂ©ratifs d’accessibilitĂ© et d’internationalisation. Ces valeurs constituent un socle partagĂ©, grâce auquel la communautĂ© se dĂ©veloppe et parvient au consensus. Elles favorisent Ă©galement la mise en place d’une Ă©tiquette guidant les interactions entre des participants qui, souvent, ne se connaissent pas.
Un cadre organisationnel léger
L’organisation de chaque projet doit ĂŞtre lĂ©gère et fondĂ©e sur la confiance. Il est en effet essentiel que le processus soit simple et comprĂ©hensible de tous et qu’il structure a minima les discussions et l’Ă©laboration du projet. S’il est trop lourd, il freinera le travail, rebutera les nouveaux participants et donnera trop de poids aux intervenants les plus anciens. Ă€ l’inverse, une approche lĂ©gère lève les barrières Ă la participation, en particulier pour ceux qui ne souhaitent effectuer qu’une brève contribution, et participe Ă la transparence du système.
Des outils adaptés
Il est enfin nécessaire que les outils dont disposent les utilisateurs correspondent à la fois au mode de fonctionnement du système et aux spécificités du contenu.
Ainsi, le succès de Wikipedia ne dĂ©coule pas uniquement du système d’édition collaborative que l’on nomme «wiki», c’est-Ă -dire de la seule possibilitĂ© pour les participants de modifier le contenu du site. D’autres solutions d’Ă©dition collaboratives existent ailleurs.
Wikipedia doit sa réussite au processus d’élaboration du consensus qui entoure l’édition d’articles. Mettre en ligne un wiki sans comprendre le fonctionnement du reste du système est une approche vouée à l’échec, de même qu’installer des isoloirs ne produira pas une démocratie, ou que distribuer des voitures n’écrira pas le code de la route. Avant de se précipiter sur une solution logicielle, quels que soient ses succès par ailleurs, il est donc important de réfléchir à la façon dont seront créés les contenus et aux méthodes qui seront employées pour parvenir élaborer le consensus au sein de chaque groupe de travail.
Conclusion : Ă©bauche d’une application concrète au domaine de l’entreprise
Une fois dĂ©gagĂ©s les principes de rĂ©ussite de la coproduction, il s’agit d’esquisser les moyens de crĂ©er un système les mettant en Ĺ“uvre concrètement. Nous proposerons ici l’Ă©bauche d’une solution vouĂ©e Ă ĂŞtre affinĂ©e en collectivitĂ©, qui reprend les principes des trois systèmes dĂ©crits plus hauts et tente de les adapter au domaine politique. Notre proposition mĂŞlera plus spĂ©cifiquement les modalitĂ©s d’édition de contenu telle qu’utilisĂ©es sur Wikipedia et la structuration lĂ©gère des groupes de travail pratiquĂ©e par les organismes de normalisation ouverte.
Quelles règles de fonctionnement ?
Le contrat de la coproduction citoyenne implique que chacun apporte ses observations et son expertise, de manière rĂ©gulière ou ponctuelle, dans le but d’Ă©laborer des propositions visant Ă amĂ©liorer la situation de tous. Ce processus de crĂ©ation est fondĂ© sur la crĂ©ation progressive d’un consensus entre des intervenants, se joignant librement Ă un dĂ©bat collectif.
Quelles sont les règles de fonctionnement permettant la collaboration participative la plus large et la plus efficace possible ?
- Le contenu doit ĂŞtre produit sous licence ouverte. Créé collectivement, chacun doit pouvoir se l’approprier. La licence utilisĂ©e par Wikipedia, de type “Creative Commons”16 par attribution, se prĂŞterait ainsi Ă la coproduction citoyenne. Elle autorise la rĂ©utilisation et la modification du contenu Ă toutes fins tant que son origine est citĂ©e et qu’il est redistribuĂ© selon des termes identiques.
- Le travail de production doit s’organiser sous la forme du rassemblement de plusieurs individus en groupes de travail, qui traiteront chacun de sujets clairement dĂ©limitĂ©s. Il est Ă cette fin utile que la mise en place de ces chantiers soient coordonnĂ©s, afin Ă©viter les doublons et les hors-sujet, et de maintenir la cohĂ©rence de l’ensemble. Si les initiateurs du projet remplissent cet office au dĂ©part, le mĂ©canisme de coordination devra Ă terme ĂŞtre confiĂ© aux plus mĂ©ritants en devenant communautaire.
- Ces groupes doivent opĂ©rer de façon indĂ©pendante les uns des autres. Il est notamment important qu’un individu ne s’intĂ©ressant qu’Ă un seul sujet puisse participer Ă un groupe sans se soucier du travail des autres, sans se sentir engagĂ© dans un projet plus large. Il doit ĂŞtre clair que la participation Ă un groupe donnĂ© n’implique aucunement l’adhĂ©sion aux conclusions d’autres groupes.
- Chaque groupe doit compter parmi ses membres un ou plusieurs médiateurs. Ils ont pour fonction de faciliter le déroulement des discussions, de vérifier que les règles sont bien suivies, et de veiller à la courtoisie des échanges en intervenant si nécessaire pour résoudre les discussions les plus vives. A l’image des coordonateurs, les médiateurs doivent à terme émerger de la communauté.
- Des critères de qualitĂ©, simples mais systĂ©matiques, doivent rĂ©gler l’Ă©laboration des documents produits. Les propositions se doivent d’ĂŞtre techniques quand c’est nĂ©cessaire, chiffrĂ©es quand c’est possible et d’intĂ©grer le principe de confrontation au rĂ©el.
Quels instruments pour la coproduction citoyenne ?
La licence MIT (Michigan Institute of Technology) est connue pour laisser une grande latitude de réutilisation.
Les outils utilisĂ©s dans le cadre de la coproduction citoyenne doivent ĂŞtre adaptĂ©s Ă la tâche Ă accomplir ainsi qu’au processus dans lequel elle s’inscrit. PlutĂ´t que de tenter de rĂ©diger a priori un cahier des charges complet, nous prĂ©fĂ©rons produire une simple liste des fonctions les plus basiques qui seront requises. Nous procĂ©derons par la suite Ă un affinage progressif de ces fonctions, qui rĂ©pondra aux besoins pratiques constatĂ©s lors de l’utilisation. Voici donc les moyens dont disposerait le futur système de coproduction citoyenne.
Les listes de discussion par email, disponibles au sein de chaque groupe, sont le principal moyen d’Ă©change entre membres. Chaque contribution est archivĂ©e sur le site de l’organisation et mise Ă disposition du public, ce qui permet Ă chacun de se rĂ©fĂ©rer Ă l’historique des discussions. Il est possible, pour un groupe, de faire appel Ă d’autres canaux de discussion, comme le « chat », qui permet la discussion en temps rĂ©el. Quand c’est le cas, l’ensemble des Ă©changes qui y sont tenus doit aussi ĂŞtre archivĂ©. Si une rĂ©union en face Ă face est organisĂ©e, des notes doivent ĂŞtre prises sur son contenu et envoyĂ©es Ă la liste de discussion du groupe.
Chaque groupe de travail a la possibilitĂ© de publier des documents traitant de son domaine d’intervention. Un outillage est mis Ă sa dis- position Ă cet effet, permettant une Ă©dition collaborative, structurĂ©e, et conservant la trace de toutes les modifications effectuĂ©es.
Si une grande partie des caractĂ©ristiques des wikis (Ă©dition simultanĂ©e Ă plusieurs, facilitĂ© de crĂ©ation de nouveaux documents, historique des changements) doit ĂŞtre adoptĂ©e, il est possible de les rendre plus conviviaux de sorte Ă ce que les utilisateurs habituĂ©s aux logiciels de traitement de texte traditionnels puissent s’y adapter sans grande difficultĂ©. Un système de commentaires lĂ©gèrement plus Ă©laborĂ© que celui qu’on trouve sur les blogs sera ajoutĂ© Ă chacun de ces documents afin de permettre Ă tous les membres d’apposer des annotations sur des parties spĂ©cifiques du contenu. Contrairement Ă Wikipedia, il sera nĂ©cessaire de crĂ©er un compte sur le site de l’organisation afin d’accĂ©der aux fonctions d’Ă©dition et d’annotation. La crĂ©ation d’un tel compte sera bien entendu ouverte Ă tous, et rendue rapide afin de minimiser l’effort nĂ©cessaire Ă la rĂ©daction d’un simple commentaire.
Afin de donner un cadre au projet, une organisation hĂ´te Ă but non- lucratif, doit ĂŞtre créée. Elle pourra fonctionner avec un minimum de moyens : il s’agit principalement d’assurer l’hĂ©bergement des outils qui permettent le fonctionnement du système. Dans un premier temps, une association loi 1901 dotĂ©e de quelques milliers d’euros peut suffire. Des volontaires compĂ©tents en technologies Web peuvent s’y adjoindre, afin de mettre en place le minimum d’outillage nĂ©cessaire au dĂ©part. Le rĂ´le de l’organisation doit se limiter la logistique possible et elle ne pourra en aucun cas intervenir directement dans le travail des groupes.
Dans le but d’assurer une Ă©volution continuelle du projet et une qualitĂ© optimale d’infrastructure, l’ensemble des logiciels utilisĂ©s par l’organisation doivent ĂŞtre disponibles sous licence libre, probablement de type MIT17, afin d’en encourager une diffusion et une adaptation dĂ©nuĂ©es de contraintes. Ceci permettra de s’appuyer sur les compĂ©tences des spĂ©cialistes en technologies Web pour amĂ©liorer les outils et par extension le processus de production.
En plus de l’outillage et des règles minimales organisant la vie des groupes de travail, il est important que l’organisation se dote d’une documentation exprimant de façon claire et cohĂ©rente les valeurs qui guident son action, et le travail de ses groupes. Le projet doit affirmer son indĂ©pendance vis-Ă -vis des contraintes partisanes, et sa vocation Ă produire des solutions concrètes, fonctionnelles, efficaces et rĂ©alistes.
La participation doit ĂŞtre ouverte Ă tous, sans discrimination aucune, tout en gardant un moyen de fermer la porte Ă ceux qui cherchent dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă dĂ©ranger le fonctionnement du projet, ainsi qu’Ă ceux qui sont porteurs de propos haineux. Le projet doit obĂ©ir Ă la règle du consensus, dont le principe est d’emporter la conviction au travers de discussions raisonnĂ©es (contrairement au compromis qui est avant tout un marchandage). Celle-ci doit ĂŞtre Ă©noncĂ©e dans les termes les plus simples.
Appel Ă participation
Une fois ces éléments mis en place et le processus lancé, ces règles, outils, et modalités de fonctionnement pourront évoluer sous la responsabilité de la communauté réunie autour du projet.
Il n’est pas indispensable de démarrer avec un système complètement abouti. Plutôt que de tout créer avant de tester son bon fonctionnement, il est préférable de se confronter à la réalité au plus tôt. À cet effet, une expérimentation à minima utilisant des outils et règles approximatifs sera rapidement lancée. A ce stade, la communauté ne comptera qu’un à trois groupes travaillant sur des sujets pouvant être traités dans un temps relativement court. Ceci permettra de raffiner le processus avant de le généraliser.
Ce texte et les propositions qu’il contient doivent eux-mĂŞmes Ă©voluer. Les lecteurs sont donc invitĂ©s Ă contacter l’auteur pour lui faire part de leurs commentaires, de la façon dont ils aimeraient voir un tel projet Ă©voluer, et de leurs propositions de sujets pour les groupes d’essai. Cet appel entendu, nous laisserons le mot de conclusion Ă Clay Shirky : “La rĂ©volution ne se produit pas quand la sociĂ©tĂ© adopte de nouvelles technologies – elle se produit quand elle adopte de nouveaux comportements.”
Aucun commentaire.