A Hong Kong, les activistes pro-démocratie face au rouleau compresseur législatif de Pékin

Michel De Grandi | 12 août 2020

Entrée en vigueur le 30 juin, la loi de sûreté nationale qui restreint l'autonomie et menace les libertés à Hong Kong livre ses premiers résultats. Jimmy Lai et Agnès Chow, activistes pro-démocratie ont été arrêtés puis libérés sous caution. Le patron de presse appelle à poursuivre le combat.

Tout juste libéré sous caution après quarante heures de garde à vue, Jimmy Lai, le patron de presse hongkongais reste très combatif. A la rédaction de son journal, Apple Daily, l'homme de 71 ans a appelé, mercredi, à continuer à «se battre». Agnès Chow, une autre figure de la contestation à Hong Kong a elle aussi été libérée sous caution.

Le richissime septuagénaire a été interpellé pour des soupçons de fraude et de collusion avec des forces étrangères. Ce dernier chef d'accusation est l' une des infractions figurant dans la loi de sûreté nationale (LSN) entrée en vigueur le 30 juin . La nouvelle législation punit lourdement les instigateurs (de dix ans minimum à la prison à vie) de ces nouveaux crimes que sont le terrorisme, la subversion, la sécession ou encore la collusion avec des forces extérieures. En outre, ces «crimes» seront «traités par des institutions de sécurité directement subordonnées à Pékin », écrivent Jean-Pierre Cabestan et Laurence Daziano (1). L'indépendance des décisions de justice risque donc d'être sérieusement écornée dès lors qu'une dimension sécuritaire intervient. Les tribunaux «spéciaux» prévus dans le cadre de la LSN ne seront composés que de juges nommés par le pouvoir exécutif à partir d'une liste proposée par Pékin...

Loi liberticide

Les activistes pro-démocratie sont les premiers à faire les frais de cette loi liberticide. A part un sérieux avertissement qui leur a été donné, les raisons de leur remise en liberté restent à ce jour floues. Si l'argument juridique semble prévaloir, à savoir selon l'article 42, que c'est le juge qui décide de la libération sous caution en fonction des éléments figurant dans le dossier, il est clair que les activistes doivent faire profil bas sous peine de se voir à nouveau sanctionnés. Pour Jimmy Lai, il y a fort à penser qu'une neutralisation de son groupe de presse Next Digital sera la prochaine étape pour le contraindre au silence. « En neutralisant et démantelant Apple daily news, le pouvoir priverait Jimmy Lai de moyens d'influence », résume Jean-Pierre Cabestan, professeur à l'université baptiste de Hong Kong.

La LSN complète la loi fondamentale

Dès la mise en place, en 1997, de la loi fondamentale, sorte de mini-Constitution qui organise les institutions politiques de la région administrative, il était prévu par l'article 23 de lui adjoindre une loi de sûreté nationale. Après plusieurs tentatives manquées, le coup de force de Pékin qui couvait depuis la multiplication des contestations et des manifestations, s'est matérialisé sous la forme de 66 articles désormais ajoutés à la loi fondamentale. La mise au pas suppose que « les manifestations, l'expression publique des opinions et les élections soient à présent très surveillées », précise l'universitaire, également chercheur associé à Asia Centre. A la manière de Singapour, le régime de Pékin veut mieux contrôler le climat politique sans effrayer les milieux d'affaires.

L'inquiétude des milieux d'affaires

Eux aussi ont des motifs d'inquiétude lorsqu'il s'agit de garantir la confidentialité des données . Facebook, WhatsApp, Twitter et Telegram ont annoncé, le 6 juillet, suspendre leur coopération avec la police de Hong Kong si celle-ci leur demandait des informations sur leurs clients. Combien de temps pourront ils tenir ? « A terme, il leur faudra soit se soumettre, soit quitter le territoire », soulignent les deux auteurs. Même les personnes étrangères sont passibles de la nouvelle loi, y compris les non-résidents. La place de Hong Kong joue son avenir et sa crédibilité avec cette législation. Place financière mais aussi centre d'arbitrage international reconnu, le territoire risque de voir son image brouillée. Il était classé l'an dernier 16ème sur 126 juridictions par le World Justice Project's Rule of Law quand la Chine n'apparaissait qu'au 88ème rang.

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