Face à l’immigration algérienne, la reculade du gouvernement
François d'Orcival | 09 juin 2023
CHRONIQUE - Bénéficiant d’une clause exorbitante du droit commun, les ressortissants algériens ne sont pas soumis au même régime que ceux issus d’autres pays.
«On ne fait pas de politique autrement que sur des réalités». De cette formule du général de Gaulle, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, tire la philosophie de son projet de loi sur l’immigration qu’il doit présenter avec le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Cette immigration, il la juge «trop familiale, insuffisamment professionnelle, trop subie, insuffisamment qualifiée ou choisie»…
À ceci près que son projet évite soigneusement de traiter de l’immigration algérienne. Mais pourquoi? Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du Val d’Oise, le lui avait demandé quand il présentait son projet en commission au Sénat, le 28 février dernier. «On s’est beaucoup penché sur la question, avait-il répondu. Nous aurions plus à perdre qu’à gagner. Il ne m’appartient pas d’en juger.»
Le seul à traiter vraiment de la question avec l’autorité nécessaire est notre ancien ambassadeur à Alger (de 2008 à 2012 puis de 2017 à 2020), Xavier Driencourt. Celui-ci y consacre une étude publiée par la Fondation pour l’innovation politique. «En France, écrit-il, les Algériens représentent la plus importante communauté étrangère. En 2021, selon l’Insee, 887.100 ressortissants algériens vivaient sur le territoire français.»
Ce chiffre ne recouvre que les nationaux algériens, pas ceux qui ont déjà choisi la nationalité française, ni les enfants de parents algériens nés sur notre territoire. Ni les visas accordés chaque année aux Algériens par les autorités françaises: de 213.000 en 2012, quand François Hollande est arrivé à la présidence, ils étaient de 410.000 cinq ans plus tard ; un nombre ramené, sous Macron, à 293.000 en 2018, puis à 183.000 en 2019. S’y ajoute l’entrée clandestine de quelque 10.000 Algériens par an…
Mais pourquoi en est-il ainsi? Parce que les Algériens échappent à toute politique d’immigration. Et ceci depuis un accord franco-algérien du 27 décembre 1968, signé par Abdelaziz Bouteflika, futur chef de l’État algérien, et Jean Basdevant, alors ambassadeur de France, arrivé à Alger pour cette signature. Un accord certes révisé depuis, mais sans toucher au principal: son caractère juridique exceptionnel.
L’exceptionnel aura duré cinquante-quatre ans jusqu’à présent. Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, lui trouve toutes les qualités, comme un droit à payer pour nos cent trente-deux années de colonisation… Le temps n’est-il pas venu de dénoncer cet accord qui ne correspond plus à nos besoins? La France a toute liberté de le faire. «Juridiquement, la dénonciation est possible», dit Xavier Driencourt. Si Paris ne le fait pas, c’est par «faiblesse politique». Ou par déni des réalités.
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Xavier Driencourt, Politique migratoire : que faire de l’accord franco-algérien de 1968 ?, Fondation pour l’innovation politique, mai 2023
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