«La droite peut-elle encore gagner des élections ?»

Erwan Le Noan | 01 octobre 2023

« À ce stade, elle n’a pas su faire émerger une offre différenciante qui lui permette de reconquérir des parts de marché électoral »

Selon une enquête de la Fondapol de 2022, la France est massivement à droite : 60% des électeurs à la dernière présidentielle s’identifient à des valeurs généralement considérées comme constitutives de cette « famille » politique. Les sujets qui portent l’actualité lui sont aussi plutôt favorables : une demande de contrôle de l’immigration, de croissance économique, d’ordre républicain. Ses responsables politiques, dans la majorité ou l’opposition, semblent en tirer la conclusion qu’en 2027 n’importe lequel de ses candidats deviendra président, surtout s’il construit une coalition qui rassemble ceux qui s’effraient des extrêmes. La perspective de cette élection par défaut pourrait toutefois ne pas suffire, car elle ne palliera pas les faiblesses structurelles de la droite.

La première est qu’elle accorde une importance disproportionnée au facteur humain. Dans une compréhension biaisée de l’héritage bonapartiste, la droite attend tout (et donc espère trop) d’un candidat providentiel. Ce faisant, elle transforme l’élection présidentielle en un concours de beauté : il suffirait de répondre à une demande d’incarnation pour l’emporter. C’est un peu court : les vainqueurs des échéances passées (de tous bords) portaient aussi une promesse programmatique – qui ne suffit d’ailleurs pas à faire de leurs mandats des succès. C’est un peu trop, aussi : la quête des individus se transforme en obsession des égos, multipliant les partis, les clans, les écuries, répartis entre la majorité et l’opposition.

La deuxième faiblesse est que, depuis 15 ans qu’elle perd les élections nationales, la droite n’a pas pris la peine de réfléchir aux raisons de ses défaites. Les échecs ne sont jamais les siens : ses adversaires n’auraient gagné que par défaut, soit que son candidat était injustement dépeint, soit que les autres aient rusé. Ce qui vaut pour les scrutins nationaux se transcrit pour les luttes intestines : les « primaires » sont conspuées pour ne pas avoir permis de désigner l’alchimiste qui aurait changé un camp plombé en voie électorale pavée d’or vers le pouvoir.

Enfin, la troisième faiblesse de la droite est qu’elle n’a pas su, à ce stade, faire émerger une offre différenciante qui lui permette de reconquérir des parts de marché électoral. Le régalien ? Le ministre de l’Intérieur est issu de ses rangs et, les protestations passées, on peine à comprendre ce que, concrètement, elle ferait différemment. L’économie ? Certains de ses membres sont plus étatistes et hostiles au libéralisme encore que le Gouvernement.

Ces voix sont souvent marginales dans un camp qui reste fondamentalement dans la ligne des conservateurs européens, mais elles renvoient une impression de dispersion, d’incohérence, de fragilité. Paradoxalement, ceux qui travaillent à construire des propositions structurées contribuent contre leur gré à cette atomisation, leurs compagnons les regardant avec effarement, méfiance ou jalousie. L’offre de droite, qu’elle soit chez LR ou dans la majorité, n’est pas identifiable dans la compétition électorale.

La droite pourrait pourtant se distinguer, en parlant peut-être de services publics, abordant la question des finances publiques laissées à la dérive par le prisme de la qualité des prestations plutôt que celui des comptes et des budgets. Elle pourrait proposer de renouveler la promesse méritocratique, dont les blocages expliquent beaucoup de la déprime nationale. Elle pourrait, mais visiblement, elle ne veut pas.

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