Le contrôle des frontières, thème devenu inévitable pour Macron et ses opposants
François-Xavier Bourmaud, Loris Boichot | 22 janvier 2021
La crise du Covid a réhabilité le souci d’une régulation nationale de la libre circulation des personnes, désormais érigée en sujet incontournable pour la présidentielle de 2022.
Fermer les frontières nationales ou les laisser ouvertes ? L’épidémie de Covid-19 et la menace terroriste ont contraint la classe politique à actualiser ses positions, remettant au premier plan un thème devenu incontournable en vue de l’élection présidentielle.
Jusqu’alors le débat était clair, au service de l’opposition binaire entre « fermeture » et « ouverture ». Marine Le Pen d’un côté, adversaire d’une «immigration massive» ; Emmanuel Macron de l’autre, partisan de la libre circulation des personnes. Le contrôle aux frontières ? « C’est ridicule », répondait en avril 2017 le candidat Macron, avec ironie: « On va mettre un planton à chaque mètre carré de la frontière que nous avons avec tous les pays membres de l’Union européenne ? » En moins de quatre ans, le président s’est résolu à changer de discours, bousculé par deux événements successifs.
D’abord, les attentats terroristes commis à l’automne à Paris, Nice et Vienne. Perpétrés par des migrants, ils ont poussé le chef de l’État à demander à nouveau une refonte de l’espace Schengen et à renforcer la sécurité aux frontières extérieures de l’Europe. Deuxième événement: la crise du Covid-19 et l’apparition des variants. Il y a un an, lorsque Marine Le Pen demandait la fermeture des frontières avec l’Italie « jusqu’à ce que l’épidémie soit jugulée », Emmanuel Macron lui répondait à distance : « N’en déplaise à certains, le virus ne connaît pas ces limites administratives. » Jeudi soir, il a fini par annoncer une nouvelle mesure à ses partenaires européens : demander un test PCR négatif de moins de 72 heures aux voyageurs arrivant des pays de l’Union européenne (UE) par avion et par la mer.
Conversion pragmatique à l’ultime geste barrière ou évolution durable ? «La fermeture des frontières est longtemps restée dépréciée dans le débat public, mais la crise en a fait une décision rationnelle et légitime», note Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).
« Souverainisme intégral »
On assiste à la consécration d’un «thème politique par excellence», selon le politologue Jérôme Sainte-Marie. D’abord, la frontière représenterait pour l’opinion publique un levier concret, «plus que l’emploi ou la politique monétaire», sur laquelle les dirigeants ont encore la main. Elle est ensuite déclinable à l’envi dans un programme politique. «Au-delà de la simple pertinence du poste-frontière, cette idée questionne le maintien d’un système social, la démocratie – comment une communauté s’organise et décide par elle-même, pour elle-même -, et même les frontières morales, c’est-à-dire les limites», avance le fondateur de l’institut PollingVox.
Plus de dix ans après l’Éloge des frontières (Gallimard, 2010) du philosophe Régis Debray, cette cause est plaidée de plus en plus fort par une partie de la gauche. Jusqu’alors surtout soucieuse de freiner une « mondialisation par le haut » (économique et financière), face à une droite et un Rassemblement national (RN) d’abord désireux de juguler la « mondialisation par le bas » (immigration).
Dans une forme de « souverainisme intégral », l’ex-ministre Arnaud Montebourg coche aujourd’hui les trois cases de la régulation aux frontières nationales: capitaux, biens, personnes. « La base de la reconstitution de notre indépendance », insiste-t-il. Une position exprimée en novembre dernier par le député Insoumis François Ruffin, convaincu qu’« il faut poser des limites à la circulation tous azimuts des personnes », tout en garantissant un « impératif d’humanité ». Isolée, seule l’extrême gauche internationaliste continue à plaider en bloc pour l’« abolition » des frontières.
Dans les rangs des souverainistes, cette « lucidité » est vue comme un pas vers l’hégémonie culturelle. « Elle peut être un opportunisme de bon aloi », se méfie le député Les Républicains (LR) Julien Aubert,« mais elle est une victoire idéologique incontestable ». Sondage après sondage, les Français manifestent un besoin de protection. L’immigration est leur quatrième sujet d’inquiétude, selon une récente enquête Fondapol-Le Figaro, publiée fin octobre. « Les Français sont à l’aise avec l’idée de frontière, la gauche doit l’être aussi », estime l’eurodéputé Emmanuel Maurel, proche de La France insoumise, « car la délimitation permet la régulation mais aussi l’ouverture ». Peu allante sur cette thématique, la gauche doit encore remporter le défi de la crédibilité.
Déjà offensive sur les questions migratoires, une partie de la droite tente, pour sa part, d’élargir ses priorités. D’où la rhétorique du président (ex-LR) des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, visant à «reprendre le contrôle». Une version francisée du « take back control » utilisée par le premier ministre britannique, Boris Johnson, outre-Manche, de l’autre côté de la frontière.
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