Les anti-écolos peuvent-ils faire dérailler la primaire des Verts ?

Barthélémy Philippe | 03 septembre 2021

Très influent sur les réseaux sociaux, l’assistant parlementaire européen du Rassemblement national (RN), Damien Rieu, a incité ses followers à voter pour Sandrine Rousseau lors de la primaire des écologistes. De quoi raviver les spectre d’une primaire “infiltrée” par des adversaires politiques ?

Damien Rieu est content de son coup. Mardi 31 août, l’ex porte-parole de Génération identitaire aux 106.000 abonnés sur Twitter affichait fièrement sa confirmation d’inscription à la primaire des écologistes — le premier tour aura lieu du 16 au 19 septembre — lors de laquelle il compte voter pour “queen” Sandrine Rousseau. “C’est la seule qui assume publiquement son extrémisme et son indigénisme. Eric Piolle et les autres sont des Khmers verts qui cachent leur vraie nature derrière leurs costards. Au moins, avec Rousseau, on sait à qui on a affaire”, défend-t-il auprès de Capital.

Si l’initiative de Damien Rieu tient davantage du “trolling”, comme il l’admet lui-même, que d’une tentative de déstabilisation organisée, elle rappelle néanmoins l’une des difficultés consubstantielles à ce type de scrutin. Dans le cadre d’une primaire ouverte à tous comme celle des écologistes, – pour voter en ligne, il suffit d’avoir 16 ans, de payer 2 euros et de signer une charte des valeurs – la composition du corps électoral est par nature incontrôlable. Sur les 30.000 inscriptions à la plateforme de vote en ligne à la date du lundi 30 août, l’immense majorité est bien le fait d’adhérents d’Europe Ecologie-Les Verts et des sympathisants de l’écologie politique (un tiers de militants et deux tiers de sympathisants, selon nos informations) qui souhaitent participer à la désignation du candidat commun.

Mais, à la marge, combien de plaisantins, de trolls, ou d’opposants politiques plus ou moins bien intentionnés ? “Presque impossible de le savoir”, admet Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d’Europe Ecologie-Les Verts, que Capital a contactée. “Nous n’avons pas accès aux données personnelles, on ne vérifie pas l’identité des électeurs. La primaire est ouverte à tous, si un opposant y participe, on peut le regretter, mais c’est aussi ça, la démocratie”, poursuit-elle.

“C’est impossible d’empêcher quiconque de plus de 16 ans de voter”, abonde Jean-Marc Governatori, l’un des cinq candidats à la primaire. Interrogé sur l’hypothèse d’un vote de militants de La France insoumise (LFI) pour faire gagner Sandrine Rousseau, considérée comme proche de Jean-Luc Mélenchon, le chantre de “l’écologie au centre” saisit la balle au bond : “Oui, c’est un problème potentiel. Alors que les Insoumis auraient intérêt à ce que je gagne pour clarifier les électorats”.

De son côté, la secrétaire nationale adjointe d’EELV, Sandra Regol, ne croit pas à une manipulation du scrutin : “Le prestataire de vote électronique que nous avons retenu (Neovote, ndlr) permet de garantir l’intégrité et la sécurité du scrutin contre le piratage, les fausses adresses mails, et les adhésions massives”, énumère-t-elle, en soulignant que cette plateforme dispose de l’agrément ministère de l’Intérieur.

Un risque d’influence mineur, selon une étude

Dans une étude récente sur le système des primaires, la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), s’était penchée sur le phénomène des “crossvoters”, ces électeurs d’autres partis qui prennent part à un scrutin “ennemi”, avec des arrières-pensées stratégiques. Il peut s’agir de nuire à un candidat honni en votant pour ses rivaux. Certains électeurs de gauche l’avaient fait contre Nicolas Sarkozy, lors de la primaire de la droite, fin 2016. Autre possibilité : voter pour le candidat perçu comme le moins susceptible de gagner l’élection, pour favoriser, in fine, son propre camp politique.

Toutefois, “l’impact des crossvoters sur le résultat final d’une primaire serait mineur” écrivent les universitaires Laurence Morel et Pascal Perrineau, coauteurs de l’étude. Aux Etats-Unis, où la culture des primaires est bien plus ancrée qu’en France, des travaux universitaires montrent que “les crossvoters représenteraient une petite minorité des votants aux primaires ouvertes (…) De plus, il n’y aurait pas de différence nette entre leur vote et celui des votants partisans”, relève encore l’étude de Fondapol. De quoi, peut-être, rassurer ceux qui craignent que la primaire des écologistes soit parasitée par des opposants politiques.

Lisez l’article sur capital.fr.

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.