Les dessous de la victoire de Giorgia Meloni
Anna Bonalume | 12 octobre 2022
Pourquoi une telle vague populiste en Italie ? La Fondation pour l'innovation politique livre au Point la synthèse de son analyse.
Marqué par une abstention record, le scrutin italien du 25 septembre a révélé les fragilités du système politique de la péninsule : crise des partis, loi électorale favorisant la création de coalitions, culte de la personnalité des leaders dans une société précarisée par l’inflation. À cela s’ajoute un élément caractéristique de la politique italienne : l’importance de l’opinion publique et des sondages utilisés par les partis pour faire tomber les gouvernements.
Dans ce contexte, les élections anticipées ont refaçonné le paysage politique. Quatre ans après le succès du parti antisystème, le Mouvement 5 étoiles (32,68 %), et de la Ligue de Matteo Salvini (17,36 %), une nouvelle force politique s’est imposée à droite : le parti populiste et nationaliste Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni (26 %). Que ce parti récent ait été perçu comme une force non compromise avec l’exercice du pouvoir lui a permis de s’implanter dans le paysage politique. Depuis les législatives de 2018, il a gagné presque 6 millions d’électeurs.
Ouvriers et classes aisées. Fratelli d’Italia est le parti le plus plébiscité à la fois par les ouvriers (34 %) et les classes aisées (23,4 %). Il réalise ainsi un vieux rêve de l’extrême droite française en regroupant autour d’un même leader bourgeoisie et classes populaires, jusqu’alors proches du Partito Democratico (PD). Malgré la transversalité sociale, l’exploit de Fratelli d’Italia n’a pas bouleversé les tendances démographiques : la génération Z (18-26 ans) a choisi des forces plutôt démocrates comme le PD (20,6 %) et le M5S (18,8 %), tandis que les milléniaux (26-41 ans) ont préféré le M5S (21,6 %) et Fratelli d’Italia (21,2 %). Une tendance qui reprend celle relevée aux législatives françaises de 2022 : LFI était le premier parti chez les plus jeunes (18-34 ans) et le RN, chez les adultes (35-49 ans).
La stratégie de Meloni, qui a modéré son discours pendant la campagne, s’est avérée payante. Son parti a réussi à profiter de la conjoncture politique défavorable au centre droit de Forza Italia de Silvio Berlusconi, en perte de vitesse auprès de l’opinion, à l’extrême droite nationale-populiste de la Lega, affaiblie par les virevoltes de son chef Matteo Salvini, et aux opposants de gauche et du centre, fragmentés et désunis.
Une première. Géographiquement, Fratelli d’Italia a gagné dans presque toute l’Italie, mais la percée est plus importante dans le Nord, au détriment de la Lega de Salvini. Dans le Sud, le parti de Meloni, historiquement proche de cette partie de territoire, arrive loin derrière le M5S, qui a su fidéliser ses électeurs autour du revenu de citoyenneté, des aides économiques destinées à compléter les revenus familiaux des ménages modestes. Dans les métropoles, si Milan est resté fidèle à la gauche, Rome a placé en tête la coalition de Fratelli d’Italia. La victoire de Giorgia Meloni, qui devrait devenir la première femme présidente du Conseil, est portée davantage par les hommes (27,8 %) que par les femmes (24,2 %).
L’Italie dispose d’institutions qui résistent aux grands changements dans les domaines de la politique étrangère. Il est donc peu probable que le gouvernement dirigé par Fratelli d’Italia bouleverse les plans et les alliances traditionnelles de l’Italie. Même le gouvernement populiste du M5 S et de la Lega n’y est pas parvenu en 2018, malgré des années de déclarations anti-européennes.
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Anna Bonalume, Italie 2022 : populismes et droitisation, Fondation pour l’innovation politique, octobre 2022.
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