Renouveler le pouvoir exécutif

Capucine Lemaire | 31 octobre 2021

Le Verbe déborde en ce début de campagne présidentielle française. Cette logorrhée pourrait justement constituer la preuve de la puissance du commun et devenir un enjeu démocratique sous une nouvelle forme d'élection présidentielle.

L’état démocratique dans lequel la souveraineté appartient au peuple est garanti dans le cadre d’un État de droit prémuni des dangers grâce à l’obéissance de tous, gouvernants et gouvernés devant la loi. Le contrat social de Rousseau affirme qu’il n’y a de pouvoir légitime qu’émanant de la souveraineté et que cette dernière ne peut être que celle du peuple qui se forme par l’acte de se poser comme souverain, démontrant ainsi que le citoyen est membre de la souveraineté et sujet membre de l’État.

La liberté de l’un est aussi grande que l’assujettissement de l’autre. Ainsi, pris entre d’une part le désir d’autonomie des sociétés et d’autre part leur impératif individualiste, l’état d’urgence en période de crise sanitaire, sécuritaire et écologique entérine une défiance toujours plus grande envers la puissance publique. La volonté générale comme structure est paralysée par cette dichotomie.

La défiance s’est largement installée et ce quelque soit le représentant élu. Populisme, extrémismes politiques ou radicalisme religieux sont pointés comme reflets du besoin d’un grand nombre d’individus d’exprimer leur mise en marge du système démocratique institué, peuplé de solutions à des problèmes qui ne sont ni posés ni compris. Les citoyens ne se reconnaissent pas dans les décisions publiques et ne sentent pas engagés par les lois votées et les décisions du gouvernement. On rappellera la dernière analyse de la Fondation pour l’innovation politique datant du 25 octobre 2020, selon laquelle huit électeurs sur dix envisageraient l’abstention, le vote blanc ou encore le vote anti système lors de la prochaine élection présidentielle. 59% des électeurs remettraient en cause la démocratie représentative.

La légitimité démocratique est questionnée dans ses modalités de représentation et d’action à travers la notion d’autorité. L’élection présidentielle est conçue comme un pacte sur un programme que l’élu devra appliquer le plus vite possible, quitte à se replier ensuite sur sa légitimité seulement. Une légitimité qui ne devra plus être contestée dans l’exercice de ses fonctions, et ce même si sa côte de popularité est très faible. Et pourtant, la légitimité démocratique ne provient plus de la seule représentation, puisque l’impartialité, la réflexivité comme traduction du reflet de la société, et la proximité qui réduit les distances peuvent empêcher le rejet. Plus largement encore, la légitimité repose sur une autorité respectée sans le recours à la force. En témoigne la manifestation des gilets jaunes de 2018, ou encore quand il s’agit de respecter les restrictions de circulation et les règles du confinement en pleine pandémie. Les démonstrations de partage de l’exercice du pouvoir avec le renforcement de la participation des citoyens sous forme de consultation et l’appréhension de recours au référendum soulignent un tâtonnement du partage du pouvoir entre représentants et représentés. Car, la démocratie représentative rencontre une demande de militants peu nombreux, reconduisant le problème de la représentation.

Ainsi, pour palier au problème de la défiance comme crise démocratique, imaginons une nouvelle forme d’élection : une voie de recours consistant à choisir à la fois un chef d’État et un premier ministre. Sous cette nouvelle forme, les électeurs votent aussi pour un gouvernement déjà nommé par ce duo, déjà disposé à exécuter un programme et des missions explicités au moment de la campagne électorale.

Un seul vote, pour des personnes, des programmes et des objectifs concrets présentés clairement.

L’équipe exécutive est élue au suffrage universel direct que nous connaissons dans le cadre d’un quinquennat, mais ici les électeurs son ré-interrogés sur ce programme et ses objectifs au bout de deux années d’exercice. A l’issue, un référendum est organisé pour la date anniversaire de l’élection initiale pour répondre à la question « Le président, le premier ministre et le gouvernement ont-il réussi à atteindre leurs engagements pris devant vous l’année de l’élection ? ».

Si oui, le programme et les objectifs suivent leurs cours et ils seront ré-interrogés à nouveau au bout de deux ans.

Si non, le duo et son gouvernement doivent proposer, dans un délai de quatre mois, correspondant au mois de septembre dans le cas d’une élection en mai, de nouveaux engagements, programmes objectifs. Les sondages, études d’impact et autres manifestations de l’opinion publique sont autant de pistes de réflexion. Les assemblées de citoyens qui sont de plus en plus proposées sur des thèmes importants sont aussi un moyen de débattre. Le grand débat national lancé en 2019 pourrait être un moment formel et officiel, ouvert aux élus, assemblées représentatives et syndicats, et aux citoyens qui le souhaitent pour confronter les problématiques rencontrées lors de ces deux premières années d’exécution du programme élu. Les restitutions orales et écrites devront être accessibles à tous. La fin du scrutin marque la poursuite des nouveaux objectifs établis. Le même système de référendum est mis en place deux ans plus tard, aboutissant si le non l’emporte à une dernière proposition avant de nouvelles élections présidentielles. Le travail législatif qui connait une pluri-annualité se tient en dehors de cette mécanique.

Il s’agit ainsi de rationaliser les décisions publiques en garantissant la souveraineté des valeurs démocratiques quelles que soient les crises que nous connaitrons. L’État de droit ne doit pas faire oublier celui des devoirs, et ainsi de construire une délibération de tous . Car si l’individu citoyen revendique la légitimité de l’ordre auquel il veut obéir, son expérience démocratique renforce sa puissance d’agir, se prémunissant de devenir un ennemi pour sa propre existence, mais aussi de toute la communauté nationale.

Lire l’article sur mediapart.fr.

Dominique Reynié (dir.), 2022, le risque populiste en France (vague 5), (Fondation pour l’innovation politique, octobre 2021).

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