« Un paysage politique ruiné » : ces craintes face à une abstention record aux élections régionales

Guillaume Descours | 14 juin 2021

Avec les élections départementales et régionales du 20 et 27 juin, une abstention forte est plus redoutée que jamais. Pourquoi est-ce un risque ? Dominique Reynié, professeur à Sciences Po, était l'invité de RMC.

C’est presque devenu un chiffre qu’on attend à chaque élection, celui de l’abstention. Depuis plusieurs années, il est toujours plus important.

Selon les estimations de l’IFOP, le taux d’abstention pourrait ainsi atteindre un record absolu de 60 % lors des élections départementales et régionales (20 et 27 juin). A cause notamment de la météo ensoleillée, la volonté de profiter du déconfinement et une campagne électorale perturbée par la crise sanitaire. Depuis une vingtaine d’années, l’abstention ne cesse d’augmenter en France. Et qui pourrait donc atteindre son maximum les 20 et 27 juin prochains.

Une situation que dénonce Dominique Reynié, professeur à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique.

« Le régime démocratique est fondé sur la participation de tous. C’est une espèce d’évidence qu’on est en train d’oublier. Moi, j’ai été frappé de voir que lors des municipales de 2020, le second tour, le 28 juin, alors que le déconfinement avait commencé le 11 mai, l’abstention a été historique. On ne s’était jamais autant abstenu en France alors que les Français sont très attachés aux élections municipales. Il y a une part significative qui n’est pas due au Covid », assure-t-il.

Et il craint que cette année, l’abstention soit encore plus importante. Et cela représente un risque selon lui.

« On finit par avoir un paysage politique qui est ruiné par le retrait des électeurs qui ne jouent plus le jeu électoral, qui ne participent plus pour une multitude de raisons, mais qui sont en train de miner les fondements de la légitimité politique et qui préparent des procès en illégitimité lorsque des décisions politiques sont prises. Et ça nous amènera dans les conditions à l’élection présidentielle dans un an », analyse-t-il.

Une abstention moins forte pour la présidentielle ?

Malgré tout, l’élection présidentielle mobilise toujours un peu plus les électeurs même si cette tendance est moins prononcée ces dernières années.

« On a vu en 2017 au second tour entre Macron et Le Pen, qu’il y avait plus de 25 % d’abstention, c’est le record. Le vote blanc qui est mesuré de manière autonome depuis 2014 a explosé depuis 2017 », ajoute-t-il.

Et selon lui, le vote blanc, combiné à l’abstention peut donner lieu à des accidents électoraux.

« Le 21 avril 2002, c’est l’abstention historique qui fabrique l’élimination de Lionel Jospin, ce que moi, j’appelle un accident électoral. C’est un comportement qui produit un résultat non-intentionnel. C’est le risque le plus important », plaide-t-il.

Actuellement donnée en tête des intentions de vote, la présidentielle 2022 pourrait se résumer en un duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Avec le risque que la candidate du Rassemblement national fasse mieux qu’en 2017.

« Je n’ai pas l’impression qu’aujourd’hui malgré la dégradation de notre situation politique, qu’il y ait une France qui soit majoritairement prête à faire ce vote de rupture, c’est-à-dire à voter pour Marine Le Pen, une candidate populiste. Mais la possibilité qu’elle soit aux portes du pouvoir ou même élue à cause de l’abstention, existe », estime Dominique Reynié.

 

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