Créer un Conseil de sécurité européen pour les actifs stratégiques
12 septembre 2018
L’Union européenne commence à comprendre ce qui se cache derrière les « Routes de la Soie » lancées par le président chinois Xi Jinping en 2013. Au-delà du « soft » power que souhaite exercer la Chine, il s’agit essentiellement de « hard » économie.
Pékin entend construire un ensemble d’infrastructures et de débouchés afin de poursuivre la montée en gamme de l’économie chinoise et de sécuriser l’accès aux matières premières et aux technologies de pointe. Le projet des Routes de la Soie englobe 60 % de la population, 30 % du PIB mondial et comporte déjà plus de 900 programmes pour 800 milliards de dollars. Il se traduit notamment par la construction de grands projets, le plus souvent en les initiant et en les finançant, et par des investissements dans des infrastructures ou des technologies sensibles.
Ces investissements ont lieu prioritairement dans les pays émergents d’Asie centrale, mais l’Europe, notamment les pays méditerranéens et balkaniques, est également une cible de choix. Alors que les actions les plus emblématiques ont été le rachat de la pépite technologique allemande Kuka ou le port grec du Pirée, ainsi que l’OPA sur l’électricien portugais EDP, il est un domaine auquel peu de personnes prêtent attention, mais qui est une infrastructure tout aussi stratégique et sur lequel les Chinois avancent patiemment, mais sûrement, leurs pions : les réseaux d’électricité.
Dans le contexte d’hyperconnexion des réseaux électriques en Europe, la présence chinoise peut devenir une menace sur la souveraineté européenne en matière de transport d’électricité
Stratégique. State Grid, l’équivalent chinois de RTE en France, a déjà racheté des parts dans les réseaux de transport d’électricité grec, portugais, italien et a essayé par deux fois d’entrer au capital d’un des réseaux allemands. Cet été, le gouvernement allemand est intervenu pour contrer une nouvelle tentative de State Grid. Dans le contexte d’hyperconnexion des réseaux électriques en Europe, la présence chinoise peut devenir une menace sur la souveraineté européenne en matière de transport d’électricité et donc pour le développement et le maintien d’infrastructures classées parmi les plus stratégiques en Europe en raison de leur importance pour le soutien de l’économie.
Cette situation doit inciter l’Union européenne à revoir sa stratégie de défense de ses intérêts industriels et commerciaux face à la Chine qui accroît fortement ses investissements et à se concentrer sur des sujets d’importance et non sur l’harmonisation à la milliseconde des marchés de l’énergie. Dans le système capitaliste, les acteurs multinationaux les plus forts emportent les marchés, consolidant les positions à l’export et rachetant les autres acteurs. La question est d’autant plus cruciale que les investissements chinois sont concentrés sur les actifs stratégiques, portés par des entreprises publiques disposant de la garantie de l’État et financés par les immenses réserves de change de la banque centrale chinoise.
Face à Pékin, l’Union européenne doit parler d’une seule voix sur les sujets industriels et commerciaux. Un conseil de sécurité pour les investissements et le commerce (CSIC), chargé des questions de protection commerciale et d’investissements étrangers, pourrait être créé. Constitué de représentants des États membres, ce conseil aurait notamment en charge la question de la réciprocité commerciale et la surveillance des actifs stratégiques européens.
Laurence Daziano est maître de conférences en économie à Sciences Po
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