Droite : le salut dans les échéances locales ?

01 juillet 2019

La droite républicaine agonise. Son principal parti de gouvernement, LR, est moribond et après la lourde défaite aux Européennes, aucun leader d’envergure ne s’est précipité pour succéder à Laurent Wauquiez. Valérie Pécresse elle-même, deux   ans après Xavier Bertrand, vient de comprendre que son avenir politique ne passait pas par la prise de contrôle du parti : elle en a démissionné.

En occupant l’espace central de la vie politique française, Emmanuel Macron aurait-il gagné son pari : éliminer toute alternative à son pouvoir et à son parti, LREM, en dehors du Rassemblement National ? Ou bien les prochaines échéances électorales, des scrutins locaux et régionaux, offrent-elles des opportunités de contestation de l’hégémonie présidentielle ?

 

Echec national

 

La droite républicaine a été sévèrement battue lors des dernières élections à l’échelle nationale. Depuis 2017, elle est même allée de déconvenue en déconvenue. Absente au second tour de la présidentielle de 2017 – l’élection réputée imperdable ! -, elle a ensuite été dominée aux législatives par le jeune parti du nouveau Président qui, dans la logique majoritaire des institutions de la Cinquième République, a obtenu à lui seul la majorité absolue, elle a été humiliée enfin aux dernières européennes : la droite républicaine arrive en quatrième position, loin derrière les écologistes.

Mais le pire est sans doute à venir pour elle. Dans la perspective des scrutins de 2022, les Républicains n’ont ni ligne politique, ni leader ni assise sociologique large, ce qui fait peu.

Un tel effondrement, symétrique de celui du PS, l’autre grand parti de gouvernement, interroge. E.Macron en tout cas semble avoir atteint son objectif : instaurer le bipartisme en France, LREM vs le Rassemblement National, une première dans l’histoire politique française.

Ce bipartisme repose, toutes les enquêtes le montrent, sur un clivage sociologique, les gagnants de la « mondialisation heureuse » (Minc) vs les perdants, qui a sa traduction idéologique, l’ouverture vs le souverainisme national.

C’est sur ce terrain-là que le président de la République a gagné. Les Français en effet ne se reconnaissent plus dans le clivage gauche/droite – PS/LR si l’on préfère – car les deux, depuis vingt ans au moins, sans l’avouer et à quelques nuances près, partagent la même ambition : l’approfondissement de la construction européenne. Depuis 2017, les électeurs ont signifié aux vieux partis qu’ils ne croyaient plus à leur opposition artificielle débouchant, la victoire acquise par l’un ou par l’autre, sur des politiques interchangeables. Ils lui en ont substitué une autre, celle proposée par le Président : Emmanuel Macron et LREM, du coup, semblent disposer à leur tour d’une rente électorale – jusqu’à quand ? –

 

Echec partisan

 

Mais l’échec de LR et celui du PS est aussi celui d’un certain type de structure partisane. L’article 4 de la Constitution de 1958 le dit bien : « les partis concourent à l’expression du suffrage », ce qui signifie qu’ils portent les aspirations des citoyens, élaborent avec leurs militants des propositions et choisissent des candidats chargés de représenter les premiers et de défendre les secondes. Or, « de cadre ou de masse », pour reprendre la fameuse distinction de Maurice Duverger, les partis de gouvernement ont cessé depuis longtemps d’être des espaces démocratiques voire de formation de leurs militants pour se transformer – et se diviser – en écuries présidentielles rivales. En réalité, ils ont été confisqués par une technocratie parisienne qui a vu en eux un moyen d’accéder au pouvoir et de s’y maintenir. Qui peut nier que les crises récentes au sein du PS et de LR n’ont pas d’abord été le fruit d’ambitions personnelles sans grande cohérence idéologique ? Résultat : les électeurs ont tourné le dos et les militants eux-mêmes ont déserté. Les primaires ouvertes étaient censées répondre à ces maux. Elles n’ont fait que les exacerber. On en connaît d’ailleurs la suite aussi bien pour le PS que pour LR. Et comble de l’ironie : c’est un candidat hors parti et hors primaire qui a été élu !

Paradoxe pourtant : Emmanuel Macron a choisi de s’appuyer sur un parti qui n’est rien d’autre qu’une machine à gagner les élections nationales et d’abord à assurer sa propre réélection en 2022. Un parti à l’ancienne donc. Cette force peut-elle devenir son talon d’Achille ?

 

Echéances locales et régionales

 

Les prochaines échéances électorales – municipales en 2020, départementales et régionales en 2021 – sont locales et précèdent les nationales de 2022, législatives et présidentielles. Gérard Larcher a compris l’importance de ce calendrier et pour cause : sa majorité sénatoriale est en danger. Il a ainsi récemment déclaré vouloir rassembler la droite et le centre en vue des municipales mais aussi sans doute dans la perspective des scrutins de 2021. Il veut « renouer avec les Français et leurs territoires », « avoir la verticalité inversée » – suivez mon regard – et situer sa démarche « au-delà des partis ». Symboliquement, c’est auprès de Xavier Bertrand qu’il a entamé ses consultations. Ce dernier n’est-il pas le premier, dès 2015, à avoir compris la fin d’une certaine politique partisane – « mon parti c’est la région » – et la nécessité pour l’action publique de se faire d’abord aux côtés des citoyens et avec eux – « la verticalité inversée » de Gérard Larcher – ? Non sans succès du reste et la droite nationale déboussolée, après avoir ironisé sur son choix, lui fait aujourd’hui les yeux de Chimène.

Certes l’action locale ne constitue pas un programme de gouvernement pour la France ni un projet pour l’Europe. Elle est néanmoins sans doute un moyen efficace de rétablir la confiance entre les citoyens et leurs élus, de combattre « la crise de la représentation politique » pour parler comme les politologues.

A l’inverse, la tentation hégémonique de LREM qui entend nationaliser les enjeux locaux tout en adoptant les vieilles mœurs politiques – six candidats déclarés à Paris ! – illustre plutôt « l’ancien monde », celui dont les Français ne veulent plus. Rien n’indique en effet que les électeurs sont prêts à avaliser des arrangements d’états-majors nationaux sans rapport avec le respect des intérêts locaux.

Ironie de l’histoire en tout cas : l’avenir incertain de la droite gaulliste et sociale se joue dans les prochaines échéances locales. La droite réputée la plus jacobine, cherche ainsi son salut dans les territoires, là où de Gaulle avait échoué en 1969, tandis que la droite orléaniste, le macronisme, espère projeter à l’échelon local son duel national et européen avec la droite ultra.

La vie politique française est décidément remplie de paradoxes et d’incertitudes !

 

Vincent Feré

 

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