Fake news : Les inégalités augmentent et il est juste de les combattre par la redistribution
12 juin 2018
Fort heureusement, la loi sur les « fake news », qui constitue une grave menace contre la liberté d’expression, n’était pas en vigueur lors des campagnes de 2012 et 2017, quand de nombreux candidats se lamentaient sur la montée des inégalités, car l’Insee vient de montrer qu’ils avaient tort (1).
L’institut, à qui il arrive aussi de corriger les («fausses») informations du gouvernement sur le pouvoir d’achat, explique que « les inégalités restent stables, à un niveau proche de celui de 2008 » et que « leur évolution […] est plus favorable en France que dans la majorité des autres Etats de l’Union européenne ». Mieux encore, « de 1970 à 1990, le taux de pauvreté s’est fortement réduit », puis il est resté « stable entre 1990 et 1996 » et a peu évolué depuis. Inégalités et pauvreté ne croissent donc pas.
En dépit de ce constat, le vote populiste (qui n’était certes pas motivé par cette seule considération) a atteint des records et le discours sur les inégalités a prospéré, illustrant une dissonance entre les résultats statistiques et la réalité politique. Ce décalage montre que ce qui obsède les Français, ce n’est pas les inégalités, mais les injustices (2).
La logique de l’Etat providence vise, à travers la redistribution, à réduire les inégalités, c’est-à-dire à maintenir les citoyens entre deux bornes fixes pour, prétend-il, assurer la cohésion sociale. De façon caricaturale, une société qui se donne pour objectif de lutter contre les inégalités préfère que Pierre gagne 5 et Paul 7, plutôt que Pierre 10 et Paul 20.
La redistribution est menacée et chacun pressent que s’il perd sa place, il sera mal aidé
Société de castes. Pour y parvenir, l’administration multiplie les ponctions fiscales, les aides sociales, les normes intrusives et les situations protégées. Ce faisant, elle rigidifie l’économie et la société. La difficulté surgit quand l’Etat se retrouve ruiné : la redistribution est menacée et chacun pressent que s’il perd sa place, il sera mal aidé. Dès lors, chacun s’accroche à son statut car s’il le perd, il n’aura aucune chance, dans une société figée, de trouver de nouvelles opportunités – c’est bien légitime : personne n’a envie de se sacrifier ! Ce mécanisme renforce les blocages, condamnant ceux en bas de l’échelle sociale, en dépit de leur talent, à ne pas trop s’éloigner des « premiers de cordée », mais sans jamais pouvoir les rejoindre. La politique de lutte contre les inégalités par la redistribution étatique mène à une société de castes, profondément injuste.
Emmanuel Macron avait fait ce diagnostic en 2015 lors d’un débat face à Thomas Piketty. Il prônait à l’époque une société plus fluide, dans laquelle chacun trouve une chance de s’accomplir, en bénéficiant quand il le faut d’aides sociales ciblées et efficaces ; et dans laquelle la collectivité se bat contre les injustices, qui recouvrent tous les obstacles qui freinent l’ascension – comme la descente.
Sa première année de mandat a malheureusement été timide en la matière. Un peu de réforme du marché du travail, un soupçon de réforme scolaire, mais bien peu en matière fiscale et réglementaire. Rien non plus, à ce stade, sur la puissance publique, ses castes et son aristocratie dominante, alors même qu’elles sont le frein majeur à la mobilité dans le pays. Le gouvernement promet des annonces depuis des mois. Il serait temps qu’elles arrivent et soient de «vraies» nouvelles de réformes audacieuses.
(1) Les revenus et le patrimoine des ménages, 2018
(2) La France des opportunités, Les belles lettres, 2017
Aucun commentaire.