Gilets jaunes: l’erreur du gouvernement, courir après la demande
16 février 2019
En 2017, Emmanuel Macron a été élu notamment parce qu’il avait réussi a créé sa propre offre politique, suivant la loi de Say selon laquelle c’est l’offre qui crée la demande. Avec le grand Débat, son gouvernement semble avoir oublié cette recette du succès et courir après la demande électorale sans bien savoir quoi lui proposer. Le projet de référendum est à cet égard caricatural, l’emballage important visiblement plus que le contenu du produit…
En matière économique, les dernières déclarations ont marqué un retour au programme tristement classique de ses prédécesseurs : à défaut de repenser l’action publique, on accroît la fiscalité.
Depuis le début de l’année, Bercy laisse ainsi libre cours à sa créativité débridée pour fiscaliser les moindres faits et gestes de l’existence humaine. Déduisant du mouvement des Gilets jaunes une demande de justice sociale, qui est réelle, la majorité la traduit par une exigence de prélèvements supplémentaires sur les plus riches. Oubliant la dimension économique de la question, la réflexion est guidée par un souci purement politique : trouver un bouc émissaire, espérant qu’une fois qu’il aura été sacrifié sur l’autel de l’impôt, le dieu Gilet jaune, satisfait de l’offrande, sera apaisé.
Fiscalité confiscatoire. Dans cette démarche, on en oublie les réalités de la fiscalité en France. On oublie que l’impôt sur le revenu est déjà extraordinairement progressif : selon les statistiques de Bercy, les 10 % des ménages les plus riches (4,2 millions de ménages au revenu fiscal supérieur à 50 000 euros) paient 71 % des recettes de l’IR ; et 0,4 % (156 000 ménages qui ont un revenu supérieur à 200 000 euros) en paient 22,5 %. On oublie aussi que la fiscalité confiscatoire sur les plus fortunés les a conduits à quitter le pays : en 10 ans, environ 5 000 redevables de l’ISF sont allés à l’étranger (Les Echos). On oublie enfin que la France a atteint le record d’Europe des prélèvements obligatoires, avec un taux 8 points supérieur à celui de l’Allemagne !
Le recours à la fiscalité punitive oublie que sanctionner les riches n’améliore pas la mobilité des plus pauvres, laquelle est contrainte par les dysfonctionnements structurels du marché du travail, du système de formation et de l’offre de logement
Ce discours fait également fi de l’impératif de réduction de la dépense publique. En la matière, à ce stade, le bilan du gouvernement est mauvais. La Cour des comptes l’a sévèrement rappelé ce 6 février : pour la première fois depuis 2008, le déficit public a cessé de se réduire l’an dernier ; pire, il augmentera en 2019, dépassant le seuil des 3 %. Quant à la dette, elle continue son augmentation depuis le début du mandat. La Cour souligne ainsi que la France fait figure de mauvais élève en Europe : non seulement elle ne respecte pas ses engagements, mais ses performances s’écartent toujours plus de celles de ses partenaires…
Le recours à la fiscalité punitive oublie enfin que sanctionner les riches n’améliore pas la mobilité des plus pauvres, laquelle est contrainte par les dysfonctionnements structurels du marché du travail, du système de formation et de l’offre de logement. Pour y répondre, des réformes structurelles sont nécessaires. En leur absence, le succès des partis populistes progresse : un récent sondage donne Emmanuel Macron vainqueur d’une hypothétique présidentielle face à Marine Le Pen, mais à 56/44, contre 66/34 en 2017 (Ifop) !
Augmentation de la fiscalité, dégradation des finances publiques, montée du populisme… Si on y ajoute un chômage qui frémit à peine, les agressions politiques ou les manifestations violentes, ce début d’année 2019 a tout pour inquiéter. Le gouvernement ne pourra reprendre la main qu’en créant son offre…
Erwan Le Noan
Chronique parue dans L’Opinion le 11 février 2019
https://www.lopinion.fr/edition/economie/gilets-jaunes-l-erreur-gouvernement-courir-apres-demande-chronique-d-177446
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