La droite a-t-elle encore un avenir ?
Erwan Le Noan | 06 juin 2019
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Les résultats des élections européennes ont été une déroute pour Les Républicains, arrivés en quatrième position et sous la barre symbolique des 10 % : c’est un cuisant échec pour un parti qui prétendait s’être reconstruit et incarner la seule alternative démocratique à la majorité en place.
Qu’il soit de leur fait ou, comme ils le prétendent en se soustrayant un peu vite à leurs responsabilités, une conséquence de la stratégie de polarisation du débat par le Président de la République, ce résultat indique que la ligne stratégique et idéologique choisie n’était pas la bonne. La candidature de François-Xavier Bellamy était le fruit d’un long travail de la droite conservatrice (qui l’a conduit à dominer un parti hier réformateur) ; sa campagne a été dynamique et son discours a marqué l’opinion par sa structuration ; mais l’offre proposée n’est visiblement attractive que pour une toute petite minorité de l’électorat.
Plusieurs questions se posent dès lors.
D’abord : comment en sont-ils arrivés là ?
Cette désagrégation du vote pour le parti de droite tient à une raison conjoncturelle : la recomposition électorale à l’œuvre depuis 2017, autour de LREM, parti au milieu de l’échiquier qui parvient à attirer autour de son bloc centriste des électeurs de gauche ou de droite selon les scrutins. Cette disruption n’a cependant été permise que par un échec structurel des acteurs déjà en place : installée dans une logique de rente consistant à se partager le marché politique en son sein et avec la gauche, la droite a cessé de renouveler son offre. Elle n’a su ni valoriser ses actifs humains, ni faire fructifier ses idées. Comme une entreprise qui n’a plus rien à vendre, elle a fait faillite dès lors qu’a émergé une proposition alternative, même imparfaite mais meilleure aux yeux des électeurs.
La ligne politique défendue par Les Républicains s’est ainsi non seulement réduite, pour se limiter à une frange restreinte de l’électorat de droite, mais elle a en outre brillé par son incohérence : comment la droite qui promettait la « rupture » avec les politiques passées, quand Nicolas Sarkozy était candidat, a-t-elle pu en arriver à défendre la hausse du SMIC ? Comment ceux qui vantaient la réforme radicale de l’Etat, dans la campagne de 2017, sont-ils parvenus à s’opposer aux privatisations ?
Ensuite : la droite a-t-elle un avenir ?
La question anime Les Républicains, pris de panique, depuis une semaine. Les derniers rescapés s’inquiètent pour leur survie aux prochaines échéances : un échec aux élections locales marquerait non seulement une disparition dans les urnes mais également dans les institutions, avec la perte consécutive du Sénat.
S’il est compréhensible que, dans la tempête, chacun s’accroche à son rocher avant de sombrer dans l’abîme, raisonner en ces termes n’est certainement pas une garantie de sauvetage. Car les responsables des Républicains semblent oublier l’essentiel : sur un marché électoral en concurrence, un acteur n’existe que s’il a une offre à proposer. Or, quelle est celle de la droite aujourd’hui ?
La droite n’a pas, par principe, vocation à perdurer. Pour y parvenir, elle a devant elle un énorme travail à accomplir. Il n’y a que de cette façon qu’elle peut espérer, peut-être, remettre un jour en cause le duopole entre LREM et le Rassemblement national, qui a ceci d’inquiétant que si le premier parti faillit, le second triomphe…
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