La télémédecine dans les établissements de santé.
21 mai 2019
« La télémédecine est définie par la loi HPST comme une forme de pratique médicale à distance utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Son développement fait partie des priorités des pouvoirs publics, comme le montrent les grands axes de la stratégie nationale de santé ou du pacte territoire-santé de lutte contre les déserts médicaux ». Carole Aigouy, doctorante en sciences politiques et Vincent Vioujas, directeur d’hôpital et chargé d’enseignement, explorent les apports de la télémédecine dans les établissements de soins, à l’épreuve de leur déploiement dans l’écosystème de santé. L’ouvrage décrit l’inscription de la télémédecine dans un cadre de priorités nationales, régionales, de contractualisation, mais aussi son développement grâce à des partenaires comme les agences régionales de santé, autour des questions du traitement des données des patients, ou de la responsabilité des acteurs.
Le cadre de déploiement de la télémédecine.
« Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la télémédecine n’est pas née récemment. De nombreuses expérimentations ont ainsi été conduites par la NASAaux Etats-Unis à partir des années 1950. L’intérêt d’une pratique médicale à distance semble en effet évident en matière de surveillance des astronautes ». Mais dans la pratique, c’est depuis la deuxième moitié des années 1990 que l’on note une accélération concrète des avancées dans ce domaine. En France, la première définition législative de la télémédecine remonte à la loi du 13 août 2004. La DGOS direction générale de l’offre de soins, a lancé au cours du dernier trimestre 2011 un recensement auprès des 26 ARS, des activités de télémédecine lancées dans les régions. Près de 256 projets ont été repérés, répartis dans les champs de la télé-expertise (48%), de la téléconsultation (25%), avec près de 44% des projets au stade opérationnel. Enfin, l’article R.6316-6 du Code de la santé publique dispose que l’activité de télémédecine et son organisation, font l’objet soit d’un programme national défini par arrêté ministériel, soit d’une contractualisation avec les acteurs selon des modalités spécifiques.
Inscription de la télémédecine dans la planification régionale de l’offre de soins.
« L’article L.1434du Code de la santé publique dispose que le projet régional de santé PRS définit les objectifs pluriannuels des actions que mène l’Agence Régionale de santé dans ses domaines de compétences, ainsi que les mesures tendant à les atteindre ». Le PRS se compose ainsi de plusieurs volets : un plan stratégique régional de santé fixant les orientations de santé pour la région, trois schémas sectoriels de mise en œuvre (prévention, médico-social et organisation des soins) et plusieurs programmes, dont au moins un programme d’accès à la prévention et aux soins, dédié aux personnes les plus démunies et enfin un programme relatif au développement de la télémédecine. Et si le cadre régional de développement de la télémédecine doit être arrêté par une ARS à l’occasion du PRS, le déploiement de ce dernier demeure fortement tributaire de leviers nationaux dans le sens d’une amélioration de l’accès aux soins, la qualité des prises en charge ou l’efficience du système de santé.
La télémédecine et le droit des patients : droit à l’information, au consentement et au respect du secret médical.
« Le CNOMle rappelle régulièrement dans son livre blanc : « les droits des patients s’imposent de la même manière dans les situations de télémédecine que dans le cadre aujourd’hui habituel des soins ». A priori, le droit semble déjà armé afin de répondre aux interrogations soulevées par la télémédecine. Et dès lors que la télémédecine constitue un acte médical à part entière, elle n’échappe pas aux dispositions de droit commun du Code de la santé publique et du Code civil. La loi du 4 mars 2002 introduit par ailleurs un chapitre au code de la santé publique, consacré aux « droits des personnes malades et des usagers du système de santé », mais aussi un droit à l’information du patient, au consentement à l’acte médical et enfin au respect du secret médical. Le régime juridique applicable aux données de santé garantit quant à lui la traçabilité de l’acte de télémédecine, l’autorisation préalable de la CNIL pour la transmission de données à caractère personnel et pour les images du patient. Pour la transmission par voie électronique des données de santé et leur conservation, l’article R1112-7 du Code de la Santé publique stipule que les informations concernant la santé des patients sont conservées au sein des établissements de santé qui les ont constituées, ou déposées par ces établissements auprès d’un hébergeur agréé.
Les conditions de mise en œuvrent de la télémédecine : la coopération entre professionnels de santé.
« Dès l’information de son étude, consacrée aux grands enseignements tirés de l’analyse de 25 projets pilotes, l’ANAP insiste sur le fait que la télémédecine ne peut être réduite à un projet technique. Il ne saurait être question d’avoir recours aux NTIC par souci de modernité ou par goût technologique ». Un projet de télémédecine reste avant tout un nouveau mode d’organisation des soins, à travers la déclinaison d’un projet médical partagé et en réponse à un besoin identifié. Afin d’aider les porteurs de projet dans la structuration de leurs actions, la Haute Autorité de Santé, HAS a élaboré unegrille de pilotage, autour de 55 points critiques regroupés en 15 points de pilotage, eux-mêmes réunis au sein de 4 phases : conception du projet, déploiement, mise en production et évaluation, et enfin retour d’expérience. Une convention type proposée dans la circulaire du 13 mars 2012 entre l’ARS et les porteurs offre également un socle, définissant l’organisation de l’activité et ses conditions de mise en œuvre, en conformité avec les dispositions du décret du 19 octobre 2010 précisant la gouvernance du projet et les modalités d’évaluation et de suivi de ce dernier.
La préhistoire de la télémédecine.
« Nous n’en sommes sans doute encore qu’à la préhistoire de la télémédecine. Peu de projets ont pour l’instant abouti et ceux-ci demeurent l’apanage quasi-exclusif des établissements de santé. Le nombre de patients effectivement pris en charge reste limité »,rappellent Carole Aigouy et Vincent Vioujas. Cependant, la volonté de déployer la télémédecine à grande échelle est sans cesse réaffirmée : la réorganisation de l’offre de soins dans une logique de parcours, la mise en réseau des professionnels de santé en sont autant d’illustrations. La mesure numéro 75 de l’agenda numérique européen entendait généraliser les services de télémédecine à l’ensemble de la population d’ici 2020, afin de mieux prendre en charge les maladies chroniques et le suivi des patients les plus âgés. Nous sommes encore loin du compte. Mais la télémédecine ne s’imposera véritablement qu’à la condition de lever les obstacles qui subsistent encore, qu’ils soient juridiques, financiers ou logistiques.
Farid Gueham
Pour aller plus loin :
– « A brief history of NASA’s contributions to telemedecine », nasa.gov
– « Le projet régional de santé, 2018-2024 », ars.sante.fr
– « Télémédecine : les préconisations du conseil de l’ordre national des médecins », conseil-national.medecin.fr
– « Transmission des données à des partenaires à des fins de prospection électronique », cnil.fr
– « Grille de pilotage et de sécurité d’un projet de télémédecine », has-sante.fr
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