Le protectionnisme, la demande de protection et le déclin de la démocratie
27 mars 2018
En sanctionnant les importations chinoises pour près de 60 milliards de dollars et en réduisant l’afflux d’acier et d’aluminium, Donald Trump a choisi d’ouvrir une « guerre commerciale » avec Pékin. Ce tournant économique est d’autant plus inquiétant qu’il ne fait qu’illustrer une pente protectionniste suivie par de nombreuses politiques à travers le monde. Il ne présage rien de bon.
Les économistes expliquent régulièrement que, s’il y a de nombreux désaccords entre eux, la question du commerce international fait généralement consensus : l’échange économique est facteur d’enrichissement mutuel. Convaincu de cet argument, le principal conseiller du Président Trump, Gary Cohn, a démissionné, pour protester contre les annonces de son chef, lesquelles sont poussées par l’iconoclaste Peter Navarro, qui ne cesse de plaider pour un contrôle plus fort des flux commerciaux.
Le discours de Donald Trump est marqué par une rhétorique qui lui est propre, mais le fond de son message est loin d’être exceptionnel ni, surtout, anecdotique. Il est révélateur d’un délitement du multilatéralisme commercial, à l’œuvre depuis des années. L’Organisation mondiale du commerce est bloquée : les négociations sont moribondes depuis le cycle de Doha, ouvert en 2001 et échoué à Cancun en 2003. Les pactes régionaux se sont multipliés, fragmentant le champ des discussions commerciales. Ceux qui manifestaient en 1999 à Seattle contre l’OMC tentaient de faire reculer l’institution ; ils ont ce qu’ils voulaient mais, comme il fallait s’y attendre, c’est une solution non coopérative qui l’a remplacée.
La politique du président Trump est aussi le marqueur d’une tendance de fermeture des flux commerciaux, commune à l’ensemble du monde occidental. Bruno Le Maire est en plein dans cette doctrine quand il plaide pour étendre le « décret Montebourg » qui permet de contrôler les investissements étrangers en France. Les échanges économiques ne sont pas seuls concernés : partout à travers le monde, les murs s’érigent pour bloquer les migrations humaines.
Solutions autoritaires. La mondialisation a été un formidable facteur de progrès comme le rappelle Johan Norberg, mais elle a déstabilisé les situations économiques et sociales, générant une inquiétude légitime, une demande d’Etat et un besoin de cohésions sociale et culturelle. Ce n’est pas neuf : en 2005, Pierre Manent discutait de La raison des Nations (Gallimard) et en 2013 Michel Guénaire du Retour des Etats (Grasset).
Partout, les responsables politiques se sont précipités pour renforcer les contrôles, les barrières, les obstacles aux échanges. Après des années de discours de « protection », de Sarkozy à Macron, comment s’étonner que le « protectionnisme » revienne en force ?
A la fin du XIXe siècle, les transformations économiques ont bouleversé les sociétés. Elles ont nourri des réactions politiques faites de régulation de l’économie (l’antitrust) et des relations sociales (l’émergence des droits sociaux). Elles ont aussi conduit au verrouillage du commerce international et des migrations. Harold James a montré comment cette rigidification du monde a conduit aux solutions autoritaires (Harvard, 2002). L’Etat puissant qui a émergé alors est devenu la première menace à la liberté, le principal vecteur de crimes administrés (comme Raul Hilberg le montre pour le nazisme). Ce n’est pas un hasard si l’Occident se tourne aujourd’hui vers le populisme ou les technocrates. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle.
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