Les think tanks: piqûre de créativité pour les démocraties

Fondapol | 23 juin 2014

23.06.20144Les think tanks: piqûre de créativité pour les démocraties

Interview initialement publiée dans le magazine suisse L’Hebdo, le 19 juin 2014.

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Ah Paris, ville des Lumières! Et si à l’avenir, il fallait également compter avec Paris comme capitale des think tanks? De passage avec une délégation du foraus – Forum de politique étrangère, l’occasion d’un échange avec Kevin Brookes, chercheur à l’université de Grenoble et auteur d’une contribution publiée par la Fondation pour l’innovation politique et intitulée: « L’Etat innovant : Renforcer les think tanks » (avec Benjamin le Pendeven). Entre centralisme, pensée dominante et besoin de réformes, la cause des think tanks avance peu à peu. En France comme en Suisse.

Johan Rochel : Quel regard jetez-vous sur les think tanks en France ?

Kevin Brookes : Malgré une vraie tradition de clubs et de grands intellectuels, la France ne constitue pas une terre d’accueil pour ces acteurs de la démocratie que sont les think tanks. Ils y sont peu nombreux, très dépendants de l’Etat et souvent loin dans les classements internationaux en terme d’influence. Cependant, la situation est en passe de changer avec une vague d’éclosion de nouveaux think tanks au début des années 2000 comme Terra Nova ou la Fondation pour l’Innovation Politique qui sont parvenus à faire entendre leur voix au cours de la dernière campagne présidentielle.

Johan Rochel : Dans votre papier, vous avez comparé cette situation avec les Etats-Unis. Où sont les différences essentielles?

Kevin Brookes : Les différences sont profondes avec le pays d’origine des think tanks. Nous pouvons en noter trois principales. Premièrement, la taille de ces organisations. La Brookings Institution, principal think tank américain généraliste (économiques, Relations Internationales, politique intérieure), avait un budget autour de 95 millions de dollars en 2012 contre 6,2 millions d’euros pour l’IFRI France. Deuxièmement, l’influence. Il est extrêmement difficile de le mesurer objectivement, mais dans notre étude nous avons repris des statistiques sur le nombre de citations dans les médias, le nombre de fans sur les réseaux sociaux, ou encore du nombre de visites des sites internet. Les Etats-Unis sont – à population égale – loin devant. Troisièmement, le mode de financement. En France, les plus gros think tanks sont des fondations d’utilité publique reconnues par l’Etat, et par conséquent la plupart de leur budget dépend de l’argent du contribuable, tandis que le financement des think tanks américains est principalement basé sur des fonds privés (donations, contrats, philanthropie…).

Johan Rochel : Votre analyse met directement en lien les think tanks et une meilleure capacité d’innovation. Les think tanks doivent-ils jouer un rôle d’empêcheur de tourner en rond pour les autorités?

Kevin Brookes : Les acteurs politiques sont par nature dépendants dans leurs choix du chemin tracé par leurs prédécesseurs et par les services des Ministères en charge des différentes politiques publiques. Par leur indépendance, leur expertise et leur prise de recul, les think tanks peuvent secouer le débat public. Le temps de la réflexion étant beaucoup plus long que le temps de l’action politique, les think tanks peuvent fournir des idées adaptées à un monde en mutation. De plus, les think tanks peuvent aussi constituer un vivier de recrutement d’experts à même d’appliquer au gouvernement des recettes sur lesquelles ils ont réfléchi pendant des années. Les think tanks fournissent à la fois les outils et les acteurs pour sortir de l’immobilisme politique.

Johan Rochel : Comment améliorer l’impact des think tanks?

Kévin Brookes : Il existe en France de nombreuses barrières pour que les think tanks puissent occuper la place qui devrait être la leur dans le débat public. Schématiquement, nous proposons deux types de pistes pour améliorer l’impact des think tanks. Premièrement, une réforme de leur statut. En France, ils peuvent relever selon leur taille et le bon vouloir des autorités en place de trois types de statut juridique. Il faudrait leur donner, comme aux Etats-Unis, un vrai statut juridique. La deuxième piste qu’il faudrait envisager est l’ouverture des autorités administratives et politiques aux think-thanks, en systématisant leur consultation lors des auditions parlementaires par exemple.

 Retrouvez la première note de K. Brookes et B. Le Pendeven « L’Etat innovant (1) : Renforcer les think tanks »

Note 1 think tank

 Retrouvez la seconde note de K. Brookes et B. Le Pendeven « L’Etat innovant (2) : Diversifier la Haute Administration »

Note 2 think tank

 

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