L'UE débat de sa future politique commerciale, Alberto Fernández rencontre les dirigeants européens, L'Irlande publie son étude d'impact sur l'accord bi-régional
La Fondation Nuevas Generaciones | 14 septembre 2021
Accord d'association Union Européenne-Mercosur : rapport de juin/juillet/août 2021 de l'Institut d'Études Bi-régionales (IEB) de la Fondation Nuevas Generaciones (Argentina), en collaboration avec la Fondation pour l'innovation politique (France).
Introduction
L’UE ne parvient pas à trouver d’accord pour sa nouvelle politique commerciale, notamment en raison de divergences sur l’accord avec le Mercosur. D’un autre côté, le président argentin, Alberto Fernández, rencontre des dirigeants européens et leur fait part de sa position au sujet du partenariat bi-régional. Enfin, le gouvernement irlandais présente une étude d’impact favorable à l’accord avec le Mercosur.
PROCESSUS DE RATIFICATION
Pour la mise en oeuvre de l’accord Mercosur-Union Européenne, une série d’étapes doivent être suivies. Depuis juillet 2019, les deux organisations régionales sont en étape de vérification juridique, laquelle vise à unifier la terminologie dans le texte de l’accord afin d’en harmoniser le contenu. Une fois cette étape terminée, les traductions dans les différentes langues de l’UE et du Mercosur pourront commencer. Les étapes suivantes seront ensuite adaptées au processus de ratification prévu dans chaque région.
D’une part, la Commission Européenne devra présenter l’Accord au Conseil Européen. L’association convenue entre le Mercosur et l’Union Européenne (UE) repose sur trois piliers : le dialogue politique, la coopération et le commerce. Si la Commission Européenne soumet l’ensemble de l’accord à un vote, celui-ci portera, entre autre, sur des compétences partagées entre l’UE et les États membres et devra donc être approuvé par tous les États, ce qui ouvre la possibilité à ce que certains opposent leur veto à l’accord. Il existe toutefois la possibilité de diviser le partenariat en plusieurs parties. Ainsi, une majorité qualifiée serait suffisante pour que le pilier commercial soit accepté (55% des Etats membres, couvrant au moins 65% de la population de l’UE), étant donné que ce pilier concerne des compétences exclusives de l’UE.
L’accord serait ensuite signé et transmis au Parlement européen, où une majorité simple de votes est requise, que les trois piliers soient traités simultanément ou non. Si cette étape est franchie, le processus se poursuivra dans les parlements nationaux, bien que le Conseil de l’UE puisse prévoir le début de la mise en oeuvre provisoire de l’accord sur les questions pour lesquelles l’UE a une compétence exclusive.
Le processus est plus simple du côté du Mercosur. Une fois l’approbation du Conseil Européen obtenue, l’organe qui signera l’accord au nom du Mercosur sera le Conseil du Marché Commun (CMC). Par la suite, les législatures nationales pourront ratifier l’accord et celui-ci pourra commencer à être mis en oeuvre de manière bilatérale, dans la mesure où chaque État membre du Mercosur le ratifie par le biais son organe législatif, sans devoir attendre l’adhésion des autres États membres du Mercosur.
L’UE DÉBAT DE SA FUTURE POLITIQUE COMMERCIALE
Le 20 mai dernier, les ministres des affaires étrangères et du commerce extérieur de l’Union Européenne (UE) se sont réunis à Bruxelles pour examiner, entre autres, la nouvelle stratégie commerciale de l’Union Européenne, connue sous le nom d' »Autonomie Stratégique Ouverte », dont le premier projet a été publié il y a plusieurs mois par la Commission européenne. Selon le ministre portugais des affaires étrangères, Augusto Santos Silva, trois raisons ont empêché l’obtention d’un consensus.
En premier lieu, il existe des différends sur la signification exacte de « l’ouverture », qui est l’un des trois piliers de la politique commerciale de la Commission européenne, avec « la durabilité » et l' »affirmation de soi ». Ce désaccord est le reflet des différentes options proposées pour assurer la stabilité des chaînes d’approvisionnement : alors que certains gouvernements préfèrent accroître le degré d’autosuffisance pour certains produits, d’autres sont favorables à une plus grande diversification des sources d’approvisionnement.
En deuxième lieu, il n’y a pas d’unanimité sur le moment où les clauses environnementales (qui feront partie de cette nouvelle stratégie commerciale et qui visent à accroître le degré de contrainte des engagements environnementaux convenus avec des tiers) devraient commencer à être appliquées. En effet, certains proposent que ces nouvelles dispositions fassent partie des négociations commerciales actuellement en cours, et pas uniquement des négociations futures.
En troisième lieu, le débat sur l’accord UE-Mercosur se pose. Selon le ministre Silvia, « il reste du travail à faire pour définir l’instrument supplémentaire que nous recherchons afin d’avoir plus de garanties en termes de durabilité et de lutte contre la déforestation ». C’est pourquoi Franck Riester, le ministre français délégué chargé du commerce extérieur, a réaffirmé sa position selon laquelle les garanties supplémentaires doivent être claires, quantifiables et vérifiables. Malgré cela, le commissaire européen au commerce, Valdis Dombrovskis, a déclaré qu’au cours de la réunion des ministres, il a été convenu que « l’UE doit rester fermement engagée en faveur de l’accord en raison de sa grande valeur stratégique, géopolitique et économique ».
ALBERTO FERNÁNDEZ RENCONTRE LES DIRIGEANTS EUROPÉENS
Le président argentin, Alberto Fernández, a effectué en mai une visite en Europe au cours de laquelle il a rencontré les chefs d’État du Portugal, d’Espagne, d’Italie et de France. Si l’objectif de la délégation argentine était de recueillir des appuis en vue des négociations avec le Fonds Monétaire International (FMI) et le Club de Paris, il a également été question des obstacles à la ratification de l’accord Mercosur-UE.
À cet égard, accompagné du premier ministre portugais António Costa, le président Fernández a souligné qu’il existe des difficultés dans les deux blocs, mais que trouver un accord sur un document supplémentaire en matière d’environnement ne devrait pas représenter un grand défi, « nous pouvons faire les premiers pas sur des questions sur lesquelles nous n’avons pas de contradictions ou de désaccord, comme les questions liées au changement climatique, le respect de l’environnement et la lutte contre la déforestation ». De même, le président argentin a déclaré au président Emmanuel Macron à Paris que « la préoccupation pour l’Amazonie est la même que la nôtre, en prendre soin mérite les efforts de chacun d’entre nous ».
Le mois suivant, lors d’une visite officielle du président espagnol Pedro Sánchez à Buenos Aires, Fernández a réitéré sa volonté de conclure l’accord avec l’UE, tout en précisant que le secret pour y parvenir était de « résoudre les asymétries existantes ». Il convient de noter que ce dernier point est en contradiction avec l’approche actuelle du Mercosur dans sa négociation avec l’UE pour convenir d’un texte complémentaire sur les questions environnementales. En effet, l’une des principales inquiétudes du bloc sud-américain est que cet instrument additionnel, qui n’a pas encore été formellement proposé par la Commission Européenne, comporte des clauses qui altèrent l’équilibre commercial atteint lors des négociations conclues en juillet 2019.
L’IRLANDE PUBLIE SON ÉTUDE D’IMPACT SUR L’ACCORD BIRÉGIONAL
Après la formation de l’actuelle coalition gouvernementale irlandaise à la mi-2020 (composée du Fine Gael, du Fianna Fáil et des Verts), le cabinet danois Implement Consulting Group a été chargé de réaliser une étude d’impact sur l’accord avec le Mercosur, dont les résultats ont été publiés le 21 juillet dernier. Les résultats sont globalement semblables à ceux de l’étude publiée précédemment par la London School of Economics (LSE), même si centrés sur l’Irlande.
Pour commencer, on estime que l’accord augmenterait les exportations totales de l’Irlande de 1,1 milliard d’euros d’ici 2035 (soit une croissance de 0,2%), principalement grâce à l’élimination des barrières non tarifaires appliquées aux produits industriels. Dans le même temps, le PIB national augmenterait de 0,13%, ce qui se traduirait par 547 millions d’euros. Entre les secteurs bénéficiaires, l’électronique et les produits chimiques se distingueraient.
L’une des principales contributions du rapport concerne l’impact éventuel des importations de viande bovine en provenance du Mercosur, qui constitue une critique importante de l’accord par les écologistes et les producteurs irlandais. Selon l’évaluation du Implement Consulting Group, il y aura effectivement une augmentation des envois de viande bovine, mais limitée et progressive : 53 000 tonnes (principalement des découpes de haute qualité), soit 0,7% de la production européenne totale, qui se concrétisera après les six premières années de l’accord. Cela entraînerait une baisse de la production de viande bovine irlandaise de 0,08%, entraînant une réduction du revenu des producteurs irlandais de 2%. D’autre part, l’accord ne causerait pas une nouvelle déforestation en Amazonie, car la croissance des exportations de boeuf brésilien vers l’UE ne serait que de 20 000 tonnes, ce qui représente 0,2 % de la production totale du Brésil.
Faisant référence au chapitre « Commerce et développement durable » de l’accord, auquel il est reproché de ne pas prévoir un mécanisme de règlement de litiges plus vigoureux, le rapport indique que « nous ne trouvons aucune preuve qu’une approche plus punitive puisse donner lieu à de meilleurs résultats environnementaux ». Au contraire, le rapport affirme que le chapitre « fournit pour la première fois un mécanisme explicite grâce auquel l’UE peut soulever des préoccupations concernant les conditions environnementales et de travail de manière bilatérale avec les pays du Mercosur ». Cela ne veut pas dire qu’il ne puisse pas être amélioré, mais « ne pas ratifier l’accord laisserait l’UE sans levier d’influence pour cette question […], ce qui rendrait le Brésil plus dépendant d’autres marchés pour lesquels la durabilité du commerce est moins importante que pour l’UE. »
Toutefois, le rapport n’a pas modifié la position de l’Irlande sur l’accord bi-régional. En effet, les résultats de l’étude d’Implement Consulting Group ont été présentés par Leo Varadkar, Tánaiste (vice-premier ministre irlandais) et chef du Fianna Fáil, qui a déclaré que leur « soutien est conditionné à des engagements nouveaux et exécutoires sur le climat et la lutte contre la déforestation ».
La fiche d’information de l’accord d’association stratégique Mercosur-Union européenne est une publication mensuelle préparée par l’Institut d’études bi-régionales (IEB), consistant en un suivi et une analyse du processus d’approbation de l’association bi-régionale, en collaboration avec la Fondation pour l’innovation politique.