Pourquoi l'inquiétude des investisseurs sur les marchés est exagérée

29 décembre 2018

Les investisseurs croient par erreur que des taux d’intérêt bas annoncent une crise, mais rien ne permet de la présager, d’autant que les pays font des efforts pour soutenir l’économie.

Depuis le sommet atteint à l’été 2018, les marchés actions ont connu une baisse sensible (-11% pour le CAC 40, -8 % pour le Dow Jones et le DAX allemand). Pourtant, les perspectives de la croissance mondiale restent élevées en 2019, à 3,7 % selon le FMI, malgré les tensions géopolitiques et la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Aux Etats-Unis, les bénéfices par action devraient augmenter de 9 % en 2019, en raison de politique fiscale mise en oeuvre par Donald Trump. Dans la zone euro, les bénéfices par action devraient augmenter de 8 % en 2019. Pourtant, les cours boursiers semblent être pris dans une spirale baissière.

Il existe des raisons structurelles à la défiance des marchés : augmentation des risques géopolitiques, tensions commerciales entre Washington et Pékin, remontée des taux d’intérêt de la Fed et risques européens (Brexit, tensions sur le budget italien et français).

Mais ces risques géopolitiques n’expliquent pas tout, car les marchés avaient anticipé les incertitudes de l’administration Trump. Par ailleurs, les banques centrales maintiennent une politique monétaire expansionniste.

Il y a même eu des nouvelles positives pour les marchés : l’esquisse d’un accord entre Donald Trump et Xi Jinping lors du G20 de Buenos Aires et l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil qui promeut une politique économique très libérale.

Changement de perception

L’explication de la baisse des marchés financiers tient au changement de perception lié à la fin d’un cycle d’expansion aux Etats-Unis, alors que les taux américains sont désormais identiques quelle que soit la durée des prêts.

Les investisseurs craignent que l’écrasement des taux d’intérêt à long terme ne soit le premier signe d’une crise de cycle économique, par anticipation d’une baisse future des taux d’intérêt qui résulterait d’un recul de la croissance.

Ce phénomène a provoqué une forte défiance chez les investisseurs. Or, il existe dans ce comportement une part de prophétie autoréalisatrice. La baisse des marchés actions joue un effet d’anticipation négatif sur l’économie.

La réaction des investisseurs a pourtant été exagérée. En premier lieu, depuis le début des années 1990, l’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt n’annonce plus une récession.

En second lieu, il n’est pas anormal que les taux à long terme soient bas dans les pays développés où les finances publiques sont considérées comme soutenables.

Enfin, les banques centrales maintiennent une politique monétaire très accommodante. La Fed considère que le niveau actuel de ses taux d’intérêt (2,25 %) est proche du taux d’intérêt d’équilibre.

Rétablir la confiance

Désormais, il revient aux responsables politiques de rassurer les investisseurs. D’abord, Washington et Pékin doivent conclure un accord commercial dans les délais décidés au G20 de Buenos Aires. Les Chinois semblent prêts à faire des concessions et la pression politique est désormais moins forte sur l’administration Trump après les élections de mi-mandat.

Ensuite, la confiance doit être rétablie en Europe par la conclusion d’un accord sur le Brexit pour une sortie ordonnée du Royaume-Uni(en réglant la question irlandaise) qui interviendra le 29 mars prochain, ainsi que par le retour d’une discipline budgétaire plus stricte au sein de la zone euro, notamment en France et en Italie.

Enfin, la Chine doit poursuivre ses mesures de soutien à la croissance. Lors de la dernière réunion du Parti communiste, Xi Jinping a annoncé le maintien d’une politique keynésienne, notamment grâce aux allégements fiscaux, à une politique de prêt faible et à la poursuite des chantiers d’infrastructures.

Si les risques géopolitiques sont progressivement apaisés au premier semestre 2019, les marchés actions devraient se stabiliser, puis retrouver un sentier haussier. C’est une condition indispensable pour stabiliser les marchés financiers et permettre un atterrissage en douceur de la croissance mondiale.

Laurence Daziano est maître de conférences en économie à Sciences Po et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique

 

Ce texte est paru dans Les Echos

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0600406419640-pourquoi-linquietude-des-investisseurs-sur-les-marches-est-exageree-2232670.php

 

Photo by M. B. M. on Unsplash

 

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