Services publics: les Gilets jaunes posent la question du rapport qualité-prix
07 décembre 2018
Depuis quelques semaines, les Gilets jaunes sont devenus le centre de la vie politique française. La réponse à leur apporter est d’autant plus complexe que leurs revendications sont vagues : expression disséminée d’un malaise ardent mais confus, ils ne portent pas de revendication sociale précise ; éruption spontanée de colère, ils se développent sans organisation, sur l’effondrement des structures sociales et la décomposition politique accélérée du pays.
De son côté, le gouvernement semble à la peine. Sa majorité reste timide, des députés reconnaissant en privé leurs hésitations à monter au front. Pour répliquer à l’exaspération fiscale, certains ont cependant choisi de vanter l’ensemble des prestations publiques. Sur les réseaux sociaux et dans les médias, leur message est mécaniquement relayé. Il tient en une affirmation : « Merci pour les services publics gratuits » (une ministre proclamant même qu’elle « croit à l’impôt » !). Ce discours est voué à l’échec.
Cette réponse se trompe d’abord car, comme le disent les économistes, « les repas gratuits, cela n’existe pas ». Les services publics ne sont ainsi pas des bénédictions tombées du ciel par la grâce miraculeuse de la Providence étatique : ils sont financés par les contribuables et à un niveau extraordinaire élevé. En France, le taux de prélèvements obligatoires en 2017 a atteint le niveau record de 48,4 % du PIB, selon l’organisme statistique européen, Eurostat, qui vient de publier ses statistiques.
Asphyxie. Ce discours fait ensuite fausse route quand il lit dans le mouvement des Gilets jaunes un rejet du principe l’impôt. Il ne s’agit pas d’un soulèvement anarchiste : ce qui est dénoncé, ce n’est pas qu’ «une contribution commune est indispensable » (article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme) ; c’est qu’au niveau qu’ils atteignent, les prélèvements obligatoires asphyxient la société.
Surtout, cette rhétorique oublie un critère essentiel de la relation entre le niveau de financement et celui des prestations : l’efficacité. Si les impôts sont le prix et les services publics la prestation, force est de constater que les Français ne semblent pas convaincus : ils doutent – à raison – que ce qui leur est fourni soit au niveau qu’ils pourraient légitimement exiger.
Et pour cause : en matière d’éducation, les résultats (Pisa, de l’OCDE) montrent que la France se situe modestement dans la moyenne, que le niveau de ses élèves baisse en mathématiques, qu’elle est parmi les pays où le milieu social influence le plus la réussite. Les enseignants, mal payés et peu considérés, expriment régulièrement leur malaise. Les familles favorisées fuient vers le privé et les filières sélectives.
Le constat sévère pourrait se reproduire en matière de santé, d’enseignement supérieur, de recherche, de lutte contre la pauvreté, de sécurité… Les services publics ne sont pas à la hauteur des prélèvements fiscaux ni même de la dépense publique (elle aussi inscrite à un niveau record).
Le gouvernement hérite de cette situation affligeante : l’impéritie de la gestion publique des dernières décennies explique la situation de délitement social dans laquelle la France se trouve aujourd’hui. Mais il ne peut le faire valoir dans le débat public : il a été élu pour relever le défi de la gestion des services publics. Leur offre doit donc être profondément réformée.
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