Soutenir et orienter la consommation : un « chèque déconfinement » de 200 euros pour chaque Français

Julien Damon | 30 juin 2020

Les pouvoirs publics dépensent massivement afin de limiter les conséquences passées et à venir de la crise du Covid-19. Du côté des entreprises, il s’agit de prêts garantis, de rééchelonnements de crédits, de sécurisation des trésoreries, avec même des perspectives de nationalisation. Du côté des ménages, cela passe par le chômage partiel, le soutien aux plus modestes, l’aide aux indépendants, avec même des projets de revenu universel. Par ailleurs, le gouvernement souhaite cibler ses dépenses d’amortisseur de crise et d’appui à la reprise sur des secteurs particulièrement meurtris. À cet effet, il devrait choisir l’option des chèques-services.

Les aides aux ménages sont en réalité assez classiques. Elles consistent essentiellement en prestations monétaires arrivant sur les comptes en banque. Une autre voie, complémentaire, serait de distribuer des « chèques déconfinement ». Concrètement, sur le modèle des chèques-services, des chèques-restaurants et autre chèque emploi service universel (Cesu), il s’agirait de titres de paiement distribués à l’occasion de la fin du confinement général. L’intérêt essentiel de ce procédé tient dans le fléchage possible des dépenses. Dans la mesure où la relance se doit d’être concentrée sur des secteurs ayant particulièrement souffert, le périmètre d’utilisation possible de ces chèques pourra comprendre, par exemple, le bâtiment, l’hôtellerie, la restauration, l’alimentation ou la culture. Focalisée sur des secteurs de consommation prioritaires et empêchant une épargne inutile, une vaste opération de distribution de tels chèques fléchés serait inédite.

Calibrage et canal de distribution de ces « vouchers », comme les appellent les Anglo-Saxons, restent à préciser. Les controverses sur ce thème sont toujours les mêmes : faut-il, avec le même budget public, verser des fonds libres d’affectation ou servir des bons d’achat orientés ? Les destinataires choisiraient la liberté, mais les très petites entreprises (TPE), les artisans, les commerçants et autres indépendants préféreront des titres visant leurs activités. Quelle population soutenir de la sorte ? Une option possible, certes extrêmement coûteuse, serait de servir ces titres à tous les foyers, un peu à la manière de ce qui se décide à Hongkong, aux États-Unis ou au Japon. Signalons que le Japon a décidé, pour un total de 100 milliards d’euros, de verser l’équivalent de 850 euros à tous ses habitants. Mais, là-bas, ce sont des versements bancaires et non des titres de paiement fléchés.

Le grand avantage d’une optique universelle réside dans la symbolique de ces chèques. Ils ne seraient pas réservés aux plus modestes, même s’il est possible d’envisager que ces catégories reçoivent davantage de titres. Aussi cette initiative serait-elle soutenue par une partie plus importante de la population.

Imaginons l’opération avec quelques chiffres. Un « chèque déconfinement » de 200 euros pour chaque personne (adultes et enfants) coûterait 13 milliards d’euros, soit un demi-point de PIB, somme équivalente aux dépenses annuelles totales d’allocations familiales ou à la moitié des dépenses pour les minima sociaux (RSA, minimum vieillesse, etc.). Les effets redistributifs seraient à calculer en fonction d’une fiscalité qui va nécessairement évoluer. Les effets sur la consommation seraient plus immédiatement palpables que les mesures classiques portant sur les prestations sociales.

En pleine crise du coronavirus, le gouvernement a ouvert la voie, début avril, avec 15 millions d’euros de chèques-services, orientés sur l’alimentation et l’hygiène, pour les sans-abri. Ce chemin mérite d’être emprunté bien plus largement. La crise contemporaine pousse à des investissements extraordinaires. Elle commande de l’innovation.

Si, pour des raisons budgétaires bien compréhensibles, une telle option universelle n’était pas retenue, elle pourrait valablement être mise en œuvre pour les soutiens financiers ciblés, à l’occasion d’une seconde aide éventuellement débloquée pour les plus modestes ou à l’occasion du versement récemment décidé pour les jeunes en difficulté, dont le montant sera d’ailleurs de 200 euros.