Usages créatifs du numérique : pour l’apprentissage au XXIe siècle

Farid Gueham | 18 février 2020

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Photo by Alice Dietrich.

«  Les usages du numérique à l’école sont diversifiés. Si certains de ces usages n’apportent pas de plus-values pédagogiques, d’autres permettent aux élèves de s’engager dans un processus de co-création. (…) Par une approche critique, cet ouvrage analyse les enjeux éducatifs du numérique, en tenant compte de sa complexité, de l’interdisciplinarité de ses apports et des compétences dites du XXIe siècle ». Margaida Romero, directrice du laboratoire d’innovation et numérique pour l’éducation ( LNE ), Benjamin Lille et Azeneth Patiño, chercheurs à l’université Laval, nous offre une approche critique des usages créatifs du numérique, de l’apprentissage des jeux à la robotique pédagogique, tout en questionnant l’importance du développement des compétences numériques chez les enseignants. Une réflexion étayée de nombreux exemples, enrichie de témoignages, dans le but de fournir aux acteurs de l’éducation les outils de lecture mais aussi des idées pratiques, supports dans le cadre de leurs missions.

 

L’éducation co-créative dans un monde complexe. 

 

« Le monde a changé de manière spectaculaire dans les premières années. Les technologies de l’information et de la communication ont modifié notre façon de communiquer, de faire des achats et même la façon de jouer et de travailler. Le monde en réseau et le monde est chaque fois de plus en plus emmêlé. La complexité des connaissances et des outils technologiques utilisés dans notre quotidien est supérieure à celles du siècle passé ». Le système éducatif traditionnel est sujet à un nouveau défi : conçu dans une logique industrielle où chaque programme doit servir de support à tous les enseignants, ce modèle taylorisme se heurte au risque du réductionnisme disciplinaire et de l’uniformisation des connaissances. Pour les auteurs, notre système éducatif est basé sur la notion d’aptitude académique, un processus de sélection vertueux et nécessaire, qui présente néanmoins l’écueil d’écarter des profils talentueux, brillants, créatifs, qui pensent qu’ils ne le sont pas, car les matières où ils présentaient des aptitudes à l’école n’étaient pas valorisées, ou pire, stigmatisées.

 

La créativité au cœur des apprentissages. 

 

« La créativité en éducation est un concept complexe qu’il ne faudrait pas réduire à la pensée divergente ( Capron-Puozzo, 2014 ). La créativité est une compétence par laquelle les sujets démontrent leur capacité, individuellement ou en équipe, à développer un processus de conception d’une solution adaptée au contexte de la situation-problème et jugée nouvelle, pertinente par un groupe de référence ». Dans les milieux éducatifs, la créativité est souvent perçue comme négative et parfois associée par les enseignants et des élèves à des démarches sans finalité réelle, et sans les contraintes qui pourraient donner lieu à des solutions valorisables. Les auteurs rappellent ainsi que la créativité est un processus long et exigent, fruit d’une analyse de la situation-problème, d’un contexte, donnant lieu à une solution par la suite. L’inventivité de l’élève s’affirme ainsi comme le trait individuel d’une créativité collaborative : cette démarche devient, dans un contexte éducatif, un processus social, lorsque les élèves sont confrontés à des problèmes complexes, nécessitant notamment de la collaboration. Audrey Allard, conseillère techno-pédagogique et enseignante-ressource au sein du centre scolaire catholique « Mon Avenir » en Ontario, partage son expérience autour du développement de la créativité par le numérique. La créativité serait une des trois premières compétences exigées par les futurs employeurs. Avec une intention pédagogique claire, le numérique en classe peut devenir un puissant levier pour le développement de la créativité des élèves, qui pourraient par exemple expliquer le concept de fraction équivalente en utilisant Minecraft, en réalisant une vidéo sur « Explain Everything », ou encore un film en « stop motion ».

 

La création pour favoriser l’apprentissage : la construction d’une maquette de ville intelligente. 

 

« Les activités d’apprentissage centrées sur l’engagement de l’élève l’entraînent dans un processus de co-création des apprentissages (…) reconstruire l’histoire est signalé comme étant une stratégie possible pour l’apprentissage, car elle engage les élèves dans un processus actif de construction d’hypothèses, de quêtes d’information et de construction de solutions ». La création et la modélisation de maquette d’une ville, peut être l’occasion d’étudier son passé, mais aussi de la projeter dans le futur, de manière prospective. Dans une approche interdisciplinaire, les projets de « smart city » ou de « fabville » sont souvent évoqués. Des séquences pédagogiques permettent ainsi de développer la pensée design des apprenants. Pour les auteurs, la #SmartcityMaker est une séquence pédagogique qui permet aux apprenants de s’impliquer dans une tâche complète, nécessitant créativité et inventivité. Dans le cadre du développement des villes intelligentes, ce projet est un exemple d’apprentissage par la fabrication, généralement rassemblée sous l’étiquette « maker education ». 

 

Les compétences numériques chez les enseignants : doit-on devenir un expert ? 

 

« Pour pouvoir concevoir, accompagner et évaluer ces activités d’apprentissage qui font appel à des usages créatifs du numérique, les enseignants doivent développer des compétences numériques (…) pour guider la formation et le développement professionnel, des référentiels de compétences ont été conçus ». Depuis plusieurs années, en Amérique mais également en Europe, les gouvernements et les organismes internationaux ont développé des référentiels, et des structures afin de les valider. En France, les enseignants doivent obtenir le « C2i », certificat informatique et internet, géré par le ministère de l’éducation nationale. En 2011, l’UNESCO proposait un référentiel de compétence TIC qui s’adresse aux enseignants, dans le prolongement du rapport du « New Media Consortium », il est mentionné que la maîtrise de la compétence à utiliser le numérique dans un contexte éducatif constitue un défi qui est sur le point d’être résolu (Johnson, Adams Becker, Estrada et Freeman, 2015). La formation initiale des maîtres, avec un seul cours dédié au numérique dans une scolarité de quatre années universitaires, ne peut amener les futurs enseignants à devenir des usagers rompus aux pratiques numériques. Elle doit permettre une mise à niveau à la hauteur des attentes d’élèves qui, même jeunes, s’attendent à des usages significatifs du numérique dans l’apprentissage. « Internet et tout ce qu’il renferme est déjà un moyen pertinent de se former, et l’apprentissage et le développement professionnel devraient être ancrés dans le quotidien de tout enseignant », concluent les auteurs.

 

Pour aller plus loin :

 

       « Comment les nouvelles technologies révolutionnent votre façon de communiquer ? », comundi.fr

       « Comment le numérique bouleverse les bancs de l’école », digilor.fr

       « Edgar Morin et Jean-Michel Blanquer, une insaisissable synthèse sur l’école », lemonde.fr

       « Puozzo Capron, I. (2014). Pour une pédagogie de la créativité en classe de langue. Réflexion théorique et pratique sur la triade : créativité, émotion, cognition ». Voix Plurielles.

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