Vers une souveraineté européenne ?

Dominique Reynié | 15 janvier 2018

Notes

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Le 9 septembre 2017.

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2.

Le 26 septembre 2017.

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Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi – Netflix, Airbnb, Tesla et Uber…

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Une nation peut revendiquer sa souveraineté, que son peuple soit libre ou non. Toutes les nations revendiquent leur souveraineté nationale, quel que soit leur régime politique, mais la souveraineté populaire implique la liberté du peuple. Dans ce cas, l’État est l’instrument chargé d’accomplir les résolutions populaires. Or, vouloir et pouvoir sont deux choses différentes. La volonté n’est rien sans le pouvoir de l’accomplir. Il n’y a pas de souveraineté populaire sans puissance publique. Aujourd’hui, bien des Etats nations, et parmi eux les européens, ne disposent même plus de la force nécessaire à la sauvegarde de leur indépendance en cas de conflit armée, sans parler d’accomplir la volonté de leurs peuples. Pourtant, de quelle puissance dispose le peuple pour accomplir sa volonté, sinon celle de l’État nation ?

C’est la question que pose Emmanuel Macron dans son discours d’Athènes1 et qu’il développe dans son discours de La Sorbonne2. L’âge de la globalisation modifie profondément la situation des États nations en général et des États européens en particulier. Nos pays voient leurs capacités érodées, contestées, non seulement par de nouvelles puissances nationales, mais aussi par de nouvelles forces non étatiques, dont les GAFAM/BATX/NATU3 sont la partie la plus visible, entreprises privées en mesure d’influencer si fortement le cours de l’histoire qu’elles sont réputées capables de programmer le monde, voire une nouvelle humanité. Sans attendre cela, nos États nations ne parviennent déjà même plus à imposer ne serait-ce que leur autorité fiscale à ces entreprises, alors que le pouvoir de lever l’impôt est donné depuis des siècles comme l’un des attributs les plus essentiels de la souveraineté étatique.

Il n’est que temps de s’interroger sur la métamorphose que doit vivre notre puissance publique pour demeurer capable d’action et d’efficacité face aux défis dont la liste est connue : instabilité financière, terrorisme, enjeux environnementaux, compétitions technologiques, pandémies, mouvements migratoires, revendications religieuses planétaires etc. Il y a longtemps déjà que la question de la liberté politique d’une nation ne se limite plus à la souveraineté comprise comme indépendance vis-à-vis de ses voisins. Il s’agit aujourd’hui de savoir quelle puissance nous sommes capables de mobiliser au service de la volonté collective, sauf à admettre la fin de la souveraineté populaire.

Ce n’est qu’en apparence que la construction européenne contredit l’idée de souveraineté nationale au regard de l’œuvre de coopération étroite qu’elle implique de la part des partenaires. Pensée dans le cadre d’une souveraineté européenne, l’agrégation des puissances nationales trouve une haute justification dans le but d’engendrer une puissance nouvelle au service des peuples associés. La construction d’une souveraineté européenne offre aux États du vieux continent l’unique et dernière chance de peser sur le cours de l’histoire.

La puissance émergente de l’Europe

Loin de contredire la souveraineté nationale, la construction d’une souveraineté européenne à l’âge de la globalisation représente la seule possibilité de restaurer la force dont les peuples d’Europe ont besoin s’ils espèrent voir s’accomplir leurs résolutions dans l’histoire. La souveraineté populaire sans la puissance publique est vanité. La souveraineté étatique sans la souveraineté populaire est tyrannie.

La demande que les Européens adressent à l’Union n’est seulement forte, elle est aussi pleinement légitime. C’est une demande de puissance publique. Elle recouvre à la fois l’exigence d’un pouvoir permettant aux Européens de répondre à des défis, le réchauffement climatique, les crises financières, la crise des réfugiés, l’insécurité, etc., mais aussi de leur permettre de tirer profit de la nouvelle donne planétaire en déployant toutes les richesses dont nous savons encore être les champions. Il est temps de décider d’ambitieux investissements européens, en matière d’infrastructures de transport, d’énergie, de télécommunications, d’innovation, de recherche et d’enseignement supérieur ; il est temps qu’une puissance publique prenne en charge le soutien à la création et au développement d’entreprises européennes ou encore le désendettement des nations, qui est aussi l’une des conditions de leur indépendance.

Dimensionner la puissance publique à l’échelle du monde nouveau, telle est la réponse à la demande profonde des Européens. Elle n’implique nullement l’effacement des nations. Face aux nombreux discours proposant peu ou prou de replier l’idée européenne, et pour certains de la dissoudre, Emmanuel Macron propose de déployer le processus d’union en s’inscrivant dans le prolongement des grandes décisions prises depuis l’origine. Relever l’Europe après le désastre des guerres par une association sans précédent et de plus en plus étroite, puis le traité de Rome, l’élection d’un Parlement commun au suffrage universel, la liberté des échanges économiques, la citoyenneté européenne, une monnaie commune, la réunification du continent après l’effondrement du communisme… Pour les peuples d’Europe, le choix n’est pas entre l’Union ou la souveraineté étatique, mais entre la régénération ou la perte des outils de la souveraineté populaire.

C’est ainsi que la souveraineté européenne prend son sens. La réponse est neuve mais la question est ancienne. Pour nous, les Européens, l’État nation a depuis longtemps montré son visage de Janus, lors des guerres monstrueuses auxquelles il a donné le jour et dont les Européens ne se relèveront peut-être jamais entièrement, au plan démographique – elles ont décimé nos jeunesses -, et au plan moral – elles ont déchainé l’horreur. Mais désormais, si ce cadre national est problématique c’est parce qu’il ne parvient plus à garantir ni la liberté ni l’intérêt des peuples à l’âge de la globalisation. L’impuissance publique sape évidemment nos régimes démocratiques comme elle prépare la ruine de nos nations.

Au moment où beaucoup s’inquiètent de voir disparaître dans la globalisation la culture et les valeurs communes aux Européens, à la fois héritées d’une longue histoire partagée, forgées par un esprit singulier autant que produites par le cours d’événements tragiques ou glorieux, il serait paradoxal de ne pas voir dans l’appel d’Athènes à la souveraineté européenne ce point de départ nécessaire et tellement espéré à la restauration et à l’affirmation d’une voix européenne capable de prendre une part active à l’avènement du monde nouveau. Enfin, n’est-il pas heureux que la France soit à l’origine de cette grande initiative ?

Une première version de cette article a été publiée le 24 septembre 2017 dans Le Figaro, avant le discours du président Emmanuel Macron à la Sorbonne.

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