Vive les think tanks!
29 mars 2019
Ce 18 mars, l’Elysée organisait un épisode du grand débat national avec 65 «intellectuels». Il y avait quelque chose de très français dans cet échange, intense et long, entre un Président jonglant entre les sujets et les références d’une part et de grandes figures académiques d’autre part, d’une certaine façon reconnues, à travers cette invitation de l’Etat, comme les esprits les plus brillants du moment.
La grande table accueillait principalement des chercheurs ou auteurs talentueux, représentants désignés de leur discipline. Quelques think tanks y siégeaient également, marquant une progression évidente dans la reconnaissance de leur participation à la vie démocratique. En 2014, un ouvrage publié à Princeton (1) avait souligné la prégnance de l’Etat dans le débat politique en France : c’est de lui (et lui seul, le Parlement étant dépourvu d’organismes de réflexion propres) que procèdent les idées, les projets et où réside l’essentiel de la capacité d’analyse nationale (entre Bercy et les structures prospectives diverses et multiples). En 2019, la contribution de ces institutions privées au débat public est bien installée.
La Fondation pour l’innovation politique a produit une contribution au grand débat (2), dans laquelle elle avance 8 propositions, qui vont de l’introduction d’une part volontaire d’impôt sur le revenu pour revaloriser le civisme fiscal en lieu et place de la contrainte oppressive et autoritaire de Bercy, à la création de contacts personnalisés dans les administrations pour améliorer les relations entre l’administration et les citoyens. Ses propositions « visent toutes à retisser le lien démocratique » en réformant l’Etat, plutôt que la France.
La balle est dans le camp des décideurs car, force est de reconnaître qu’en matière de rationalisation de la dépense publique, le quinquennat est d’une désespérante timidité
Pesanteurs de l’administration. L’Institut Montaigne rejoint lui aussi cet objectif, dans sa dernière publication sur la réforme de l’Etat. Pilotée par Jean-Ludovic Silicani, qui poursuit là une réflexion élaborée engagée de longue date, l’étude avance des propositions concrètes pour lever les pesanteurs de l’administration, en simplifier le quotidien au bénéfice des citoyens et, surtout, parvenir à baisser les dépenses de fonctionnement sans affecter les prestations. Résultat, « la masse salariale serait réduite de 0,75 point de PIB en cinq ans » et « les autres dépenses de fonctionnement […] pourraient être réduites de 8 milliards d’euros » ! La balle est désormais dans le camp des décideurs car, force est de reconnaître qu’en matière de rationalisation de la dépense publique, le quinquennat est d’une désespérante timidité.
Ces contributions valorisent le rôle démocratique des think tanks qui fournissent une expertise indépendante, capable de concurrencer – au moins en partie – le (quasi) monopole étatique sur la production d’idées de politiques publiques. Elle pallie également l’absence (terrifiante) de réflexion dans les partis politiques, qui ont choisi de se concentrer sur un métier d’exécution : la conquête électorale du pouvoir.
Beaucoup reste à faire : les structures françaises sont encore parfois modestes face aux géants des autres pays occidentaux. Mais, en multipliant l’offre disponible sur le marché des idées, elles permettent à la société de donner tort à l’adage de La Fontaine selon lequel « ne faut-il que délibérer/la cour en conseillers foisonne ;/est-il besoin d’exécuter,/l’on ne rencontre plus personne ».
(1) Campbell, Pedersen, The National Origins of Policy Ideas.
(2) L’auteur de ces lignes est membre de son conseil scientifique.
Aucun commentaire.