Vous êtes fous d’aller sur Internet !

Farid Gueham | 30 mars 2020

« Ordinateurs, tablettes et Smartphones ont radicalement changé nos modes de vie. Ultra connectés, nous sommes devenus, sans nous en apercevoir, dépendants et fragiles. Nous ignorons tout de la réalité des risques numériques. Personne ne nous a prévenus de la nature du danger. Nous ne savons pas que nous sommes menacés quand on effectue un achat sur Internet, quand on consulte une banque en ligne ou même quand on cherche l’âme sœur sur un site de rencontres ». Sébastien Dupont responsable de la sécurité numérique au sein de grands groupes internationaux, impliqué depuis vingt ans sur le terrain de la protection des données, tire la sonnette d’alarme. Piratage de données, divulgation de la vie privée, harcèlement, vol d’identité, sont autant de dangers auxquels les internautes s’exposent chaque jour lors de leur navigation. Quelles sont les solutions pour se prémunir contre ces menaces et réagir avec efficacité ?

 

Votre smartphone est un mouchard.

 

« En vingt ans seulement, le téléphone portable a envahi notre quotidien. Son usage s’est généralisé à 5 milliards de personnes dans le monde, soit la quasi-totalité de la population mondiale. Dans certaines régions de la planète, il constitue le moyen de communication le plus fiable, et parfois même l’unique outil de communication ». En dépit de la généralisation et de la banalisation de nos usages, nous connaissons toujours mal les risques liés aux ordinateurs et aux smartphones. Chevaux de Troie glissés dans les applications à télécharger, sms frauduleux, « existe-t-il des risques spécifiques que nous ignorons, qui pourraient insuffler un doute fatal ( et salvateur ) à la confiance accordée à la pratique de ces couteaux suisses numériques ? », s’interroge Sébastien Dupont. Car l’enjeu est bel et bien, de reprendre en main le contrôle sur nos données, leur partage, et de moins nous exposer par ignorance, à des risques inconsidérés.

 

Comment éviter l’usurpation d’identité ? 

 

« L’usage croissant d’internet fait de l’usurpation d’identité numérique une pratique de plus en plus courante. Les usurpateurs tentent de tirer un bénéfice financier ou de nuire à votre image en s’appropriant de façon indue des informations personnelles permettant de vous identifier ». Le nombre de dossiers d’usurpation d’identité recensé par la Banque de France augmente de 20% depuis plusieurs années. On en dénombre plusieurs milliers par an. Contrairement au vol de smartphone, l’usurpation d’identité est plus pernicieuse. Une victime peut être informée d’un délit avec plusieurs années de retard. Et pour l’internet clandestin, « darknet », des informations a priori anodines, sont des ressources de valeur. Il relève également de la responsabilité de l’administration et des entreprises, de veiller à la sécurité de nos données et ce, tout au long du cycle de vie du traitement : « consentement, traçabilité, chiffrement, correction des failles de sécurité, contrats avec les sous-traitants, purge », détaille l’auteur.

 

Le cyber-harcèlement chez les jeunes. 

 

« Être connecté à tout moment, voilà l’impératif, le mot d’ordre indiscutable. L’offre numérique serait presque permanente s’il n’y avait pas encore quelques freins actifs sous la forme de craintes et de doutes du côté de l’autorité parentale. A quel âge peut-on s’inscrire sur un réseau social : onze ans ? quatorze ans ? Méfiance, le grooming ( une prise de contact en ligne avec un mineur par un adulte aux intérêts sexuels déviants) requiert de préciser quelques règles de prudence, comme de ne pas honorer seul dans un lieu privé un rendez-vous pris en ligne ». Sébastien Dupont affirme que la simplicité d’accès au réseau ainsi que la permanence de leur disponibilité sont les deux faces d’un même problème. Et pourtant, des réflexes permettent de contenir les menaces. Dans le cas du cyber-harcèlement en milieu scolaire, la médiation du chef d’établissement s’impose. Des associations d’aide aux victimes voient le jour, à travers des dispositifs nationaux tels que « NetÉcoute.fr », ou « e-Enfance.org ». La prise de conscience est une étape cruciale, couplée à ce que l’auteur décrit comme une prévention douce. « Lors des conférences animées par Anne Bacus, psychologue spécialisée de l’Enfance, cette difficulté est signalée fréquemment par les mères de famille. Pour qu’internet ne menace pas la dimension collective de la famille, il n’y a pas d’autres choix que de fixer des règles de « connexion » et des règles de « déconnexion ». 

 

On attaque les démocraties : tous les citoyens sont concernés. 

 

« Que des pays tiers s’immiscent dans la vie politique d’alliés ou d’ennemis, ce n’est pas une nouveauté. Ce qui est nouveau, c’est la visibilité de ces manœuvres clandestines, dynamisées par les nouvelles technologies ». Comme le rappelait William Webster, ancien directeur de la CIA, les alliés politiques et militaires des démocraties contemporaines sont aussi des rivaux économiques. Consciente de cette menace, l’Europe rattrape peu à peu son retard en matière d’armement cyber et de moyens défensifs. Au niveau national, l’agence national de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), et ses quatre cents agents, participent activement à la constitution de ressources permettant d’instruire les incidents majeurs et de publier une documentation technique de référence.

 

Sommes-nous au bord du cyber-chaos ? 

 

« Imaginez le jour où un virus malin déclencherait une panne générale. Plus de café, ni de transports en commun, ni de surveillance de certaines zones sensibles, tous les outils électroniques, nos « oui-oui » du quotidien seraient temporairement à l’arrêt (…). C’est la définition du cyber-chaos, situation vers laquelle nous nous dirigeons inexorablement avec la multiplication des objets connectés dans nos existences ». La sécurité d’un pays est un projet qui doit se mener de front avec les concitoyens. Pour Sébastien Dupont, le chemin sera long avant que n’évolue les mentalités, dans le sens de plus de coopération, pour des systèmes informatiques plus surs et une meilleure maîtrise des données. Par le biais du règlement général sur la protection des données (RGPD), l’internaute s’affirme dans le respect du traitement de sa data, « en participant activement à tous les débats politiques » et faisant en sorte que « le  sens du mot citoyen soit réactivé d’un engagement concret, contre tous les abus, numériques comme les autres ».

Farid Gueham

Consultant secteur public et contributeur numérique et innovation auprès de la Fondation pour l’innovation politique. Il est notamment l’auteur des études Vers la souveraineté numérique (Fondation pour l’innovation politique, janvier 2017) et Le Fact-Checking : une réponse à la crise de l’information et de la démocratie (Fondation pour l’innovation politique, juillet 2017).

Pour aller plus loin :

       « Sommes-nous fous d’aller sur internet ? », franceculture.fr

       « 5,4 milliards d’abonnés au téléphone mobile dans le monde », usinenouvelle.com

       « Données personnelles : les ressources pour s’informer, les outils pour reprendre le contrôle », clubic.com

       « Bien réagir en cas d’usurpation d’identité », 20minutes.fr

       « Le cyberharcèlement chez les jeunes »Blaya Catherine, Enfance, 2018/3 (N° 3), p. 421-439. 

 

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