Le défi de la natalité
Une enquête d’opinion franco-italiennePrincipaux enseignements de l’enquête « Le défi de la natalité »
Les enseignements pour la France
Les enseignements pour l’Italie
Introduction
La baisse de la natalité inquiète les Français mais le désir d’enfants demeure massif chez les jeunes (moins de 35 ans)
La très grande majorité (70%) des jeunes Français (moins de 35 ans) qui n’ont pas d’enfant souhaitent en avoir, et 75% des jeunes qui en ont déjà souhaitent en avoir un ou plusieurs autres
La baisse de la natalité préoccupe la majorité des Français (59%), y compris les jeunes (57%). Dans l’ensemble de la population interrogée, 47% des Français jugent que le gouvernement ne s’occupe pas assez de ce sujet (30% qu’il s’en occupe suffisamment)
Les mesures attendues pour soutenir le désir d’enfants : baisse des impôts, crèches et flexibilité des horaires de travail
La crise démographique en Italie : entre désirs brisés et avenir à construire
Résumé de la situation démographique en Italie
La maternité et la paternité : entre désir et peur
L’équilibre famille-travail et l’impact du « facteur temps »
La protection sociale des entreprises, levier de la croissance démographique
Permettre l’avenir : la signification de la parentalité pour les Italiens qui souhaitent avoir des enfants
Le défi de la natalité : une comparaison entre l’Italie et la France sur le désir, la liberté et la responsabilité
Le tableau démographique : comparaison entre l’Italie et la France
Pour un « printemps démographique »
Des sociologies divergentes face au défi démographique
Résumé
Le vieillissement rapide des populations française et italienne et la baisse continue des naissances ne sont plus des tendances abstraites : ce sont des réalités aux conséquences profondes sur nos sociétés. Cette enquête conjointe de la Fondapol et de la Fondazione Magna Carta vise à dépasser le simple constat afin d’identifier des leviers d’action. En s’appuyant sur l’écoute des citoyens, elle explore le lien entre désir de parentalité, conditions de vie et perception de l’avenir, avec un objectif clair : proposer des pistes concrètes pour répondre à une crise qui menace la pérennité de nos systèmes sociaux, de nos territoires et du lien intergénérationnel.
L’enquête révèle un clivage net entre la France et l’Italie. Si le désir d’enfants persiste en France, notamment grâce à un environnement institutionnel plus favorable, l’Italie, confrontée à un sentiment d’abandon et à des difficultés structurelles, voit une part croissante de sa population renoncer à la parentalité. Ce renoncement n’est pas une fatalité : il est le fruit d’obstacles économiques, professionnels, symboliques. Ce qui est en jeu, c’est la capacité de nos sociétés à rendre de nouveau envisageable – et désirable – le fait d’avoir des enfants.
Les personnes interrogées expriment des attentes claires. En France, les répondants privilégient les solutions permettant de concilier travail et vie familiale : crèches, horaires flexibles, télétravail. En Italie, ce sont plutôt les aides financières (allocations, soutien à l’accès au logement, avantages fiscaux) qui arrivent en tête. L’immigration, parfois présentée comme une réponse au déficit démographique, divise profondément les opinions dans les deux pays. Ce panorama traduit également une conscience partagée : sans un engagement fort des pouvoirs publics et du monde économique, le déclin démographique se poursuivra.
En replaçant la parentalité au cœur du débat, cette enquête invite à une réponse politique ambitieuse, adaptée aux spécificités de chaque pays. Ce n’est qu’en agissant simultanément sur les conditions de vie, la reconnaissance sociale du rôle des parents, et l’égalité des chances entre les territoires que pourra s’amorcer un vrai sursaut démographique.
Fondation pour l'innovation politique,
Think tank libéral, progressiste et européen.
Fondazione Magna Carta,

L’utérus artificiel et la reproduction humaine

Pour une renaissance de la politique familiale : liberté, lisibilité et pérennité

L’actif épargne logement - concilier mobilité et propriété

Pour une complémentaire éducation : l'école des classes moyennes

L’épargne au service du logement social

Les Classes moyennes et le crédit

Les classes moyennes et le logement

2011, la jeunesse du monde

Fondapol - Des idées pour la Cité - L'aventure d'un think tank
Fondapol :
Dominique Reynié, professeur des universités à Sciences Po et directeur général de la Fondapol
Fondazione Magna Carta :
Annamaria Parente, directrice de l’Observatoire sur la crise démographique de la Fondazione Magna Carta et ancienne sénatrice de la République italienne
Fondapol :
Gabrielle Desalbres, Louis Geiregat, Léo Major, Alice Ned, Bathilde de Parseval, Dominique Reynié, Éléonore Ruste
Fondazione Magna Carta :
Sabrina Camerini, Veronica Conti, Carlo Mascio, Roberto Santoro
Rudy Nimsguerns
L’enquête a été réalisée en France par l’institut CSA Julie Gaillot, directrice du pôle Society
L’enquête a été réalisée en Italie par l’institut Noto Sondaggi
Antonio Noto, directeur général
Cristiano Tarantino, directeur opérationnel et directeur de recherche
GALAXY Imprimeurs
Juin 2025
Principaux enseignements de l’enquête « Le défi de la natalité »
Les enseignements pour la France
1. 70% des Français de moins de 35 ans qui n’ont pas d’enfant disent souhaiter en avoir. De plus, 75% de ceux qui ont déjà un ou plusieurs enfants souhaitent en avoir un autre ou plusieurs autres.
2. Chez les moins de 35 ans, en France, le facteur religieux influence le désir d’enfants. Parmi ceux qui n’ont pas d’enfants, 80% des jeunes catholiques et 78% des jeunes musulmans souhaitent en avoir alors que parmi ceux qui sont déjà parents, 89% des jeunes musulmans et 77% des jeunes catholiques souhaitent en avoir.
3. L’idée selon laquelle « avoir un enfant, c’est mettre en péril l’avenir de la planète » n’est partagée que par une minorité de répondants (20%). Si les moins de 35 ans adhèrent davantage à cette opinion, elle reste minoritaire (31%).
4. La plupart (59%) des Français interrogés se disent préoccupés par la baisse de la natalité. Les plus de 50 ans sont plus préoccupés (63%) que les moins de 35 ans (57%).
5. 40% des Français de moins de 35 ans estiment que le gouvernement ne se préoccupe « pas assez » de la baisse de la natalité. Ce jugement est partagé chez les moins de 35 ans par les catholiques (43%) et les musulmans (41%).
6. Les deux tiers (64%) des Français de moins de 35 ans et 60% des 35-49 ans sont favorables à une réduction de l’impôt sur le revenu pour les couples avec enfants afin de soutenir leur désir d’enfants.
7. Pour encourager les naissances, la mesure jugée la plus efficace au niveau des entreprises est l’organisation d’« horaires de travail flexibles » (60%).
8. Le recours à l’immigration pour « contrer la baisse de la natalité » est une option admise par 29% de l’ensemble des Français. Le chiffre est plus élevé chez les moins de 35 ans (44%). Au sein de cette même classe d’âge, le chiffre atteint 42% chez les catholiques et 77% chez les musulmans.
9. Les sympathisants de gauche estiment qu’il faut encourager l’immigration pour contrer la baisse de la natalité (56%) contrairement aux sympathisants du centre (29%) et de la droite (22%).
10. Lorsque l’on soumet aux moins de 35 ans une liste de mesures de nature à promouvoir les naissances, « l’ouverture de crèches » (35%), l’« augmentation du financement des écoles et de l’aide aux études » (35%) arrivent devant l’« augmentation des allocations familiales » (31%), « davantage de financements pour l’achat d’un logement » (24%) et « l’allégement fiscal pour les baby-sitters » (18%).
11. Parmi ceux qui n’ont pas d’enfant et qui ne souhaitent pas en avoir, seuls 14% le justifient par des difficultés économiques.
12. 75% des Français se disent satisfaits de la manière dont ils concilient leur vie professionnelle et leur vie familiale. Cette satisfaction s’exprime davantage chez les moins de 35 ans (78%) et chez ceux qui ont des enfants (78%).
Les enseignements pour l’Italie
1. 75% des Italiens de moins de 35 ans qui n’ont pas d’enfant disent souhaiter en avoir. De plus, 79% de ceux qui ont déjà un ou plusieurs enfants souhaitent en avoir un autre ou plusieurs autres.
2. Alors qu’en moyenne 41% des répondants athées ou sans religion souhaitent avoir des enfants, le chiffre est de 43% chez les catholiques. En Italie, le facteur religieux semble donc avoir moins d’influence sur le désir d’enfants. Il faut cependant rappeler qu’environ 80% des Italiens s’identifient comme catholiques. En France, 60% des habitants sont baptisés ou se reconnaissent dans une identité culturelle catholique sans toujours être pratiquants ou se dire croyants.
3. L’idée selon laquelle « avoir un enfant, c’est mettre en péril l’avenir de la planète » n’est partagée que par une minorité des Italiens (15%). Si les moins de 35 ans adhèrent davantage à cette opinion, elle reste minoritaire (21%).
4. La très grande majorité (79%) des Italiens interrogés se disent préoccupés par la baisse de la natalité. Les plus de 50 ans sont plus préoccupés (81%) que les moins de 35 ans (74%).
5. 37% des Italiens de moins de 35 ans estiment que le gouvernement ne se préoccupe « pas assez » de la baisse de la natalité contre 54% parmi les 50 ans et plus.
6. Près des trois quarts (73%) des Italiens de moins de 35 ans et 72% des 35-49 ans sont favorables à une réduction de l’impôt sur le revenu pour les couples avec enfants afin de soutenir le désir d’enfants.
7. Pour encourager les naissances, la mesure jugée la plus efficace au niveau des entreprises est l’organisation d’« horaires de travail flexibles » (63%).
8. Le recours à l’immigration pour « contrer la baisse de la natalité » est une option admise par 43% des Italiens. Le chiffre est plus élevé chez les moins de 35 ans (59%).
9. En Italie, les sympathisants de gauche estiment davantage qu’il faut encourager l’immigration pour contrer la baisse de la natalité (57%) que les sympathisants du centre (40%) et de la droite (30%).
10. Lorsqu’on soumet aux Italiens de moins de 35 ans une liste de mesures les plus utiles pour promouvoir les naissances, c’est « davantage de financements pour l’achat d’un logement » qui arrive en premier (56%), devant l’« augmentation des allocations familiales » (53%), l’« augmentation du financement des écoles et de l’aide aux études » (30%), l’« ouverture de crèches » (24%) et l’« allégement fiscal pour les babysitters » (9%).
11. Parmi les Italiens qui n’ont pas d’enfant et qui ne souhaitent pas en avoir, 24% le justifient par des difficultés économiques.
12. 79% des Italiens se disent satisfaits de la manière dont ils concilient leur vie professionnelle et leur vie familiale. Cette satisfaction s’exprime davantage chez les moins de 35 ans (82%) et chez ceux qui ont des enfants (84%).
Introduction
En 2010, le taux de fécondité (nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer) était de 2,03 en France contre 1,44 en Italie. Aujourd’hui ces taux sont tombés respectivement à 1,62 et 1,181. La baisse de la natalité et le vieillissement progressif de la population occupent aujourd’hui une place centrale dans le débat public, économique et politique. Les implications de ce phénomène sont profondes et transversales : elles concernent aussi bien la soutenabilité du système de retraite et de protection sociale que l’organisation des services essentiels — en particulier dans les domaines de la santé et de l’aide à la personne —, ainsi que la structure du marché du travail et l’équilibre global des finances publiques.
En 2025, la Fondazione Magna Carta en Italie et la Fondapol en France ont amorcé une réflexion conjointe sur la question de la natalité, en choisissant de partir de l’opinion des citoyens des deux pays. Les deux enquêtes, menées respectivement par les instituts de sondage Noto Sondaggi pour l’Italie et CSA pour la France, s’articulent autour de quatre axes principaux : le désir de maternité et de paternité, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, la conscience du problème démographique et les initiatives pour promouvoir la natalité. Ces axes orientent ainsi l’analyse comparative qui se veut aussi bien quantitative que qualitative.
L’enquête française, réalisée en ligne entre le 15 et le 23 janvier 2025 sur un échantillon représentatif de 3 023 personnes, a été effectuée selon la méthode des quotas, en tenant compte du sexe, de l’âge, de la catégorie socioprofessionnelle et de la zone de résidence. L’enquête italienne, pour sa part, a été menée entre le 20 janvier et le 3 février 2025 sur un échantillon représentatif de 3.008 citoyens. Les critères choisis étaient le sexe, l’âge, la zone géographique et la taille de la commune de résidence, ces critères étant associés à des entretiens téléphoniques et des réponses en ligne. Dans les deux cas, la rigueur scientifique et la précision de la collecte de données garantissent la fiabilité des analyses proposées et leur validité comparative.
L’objectif de l’enquête est double : d’une part, mesurer le niveau de conscience concernant la crise démographique et ses conséquences ; d’autre part, explorer le désir de parentalité et les conditions — matérielles, culturelles, symboliques — qui peuvent l’entraver ou au contraire le stimuler.
La première partie de cette recherche analyse le cas français où la baisse des naissances, bien que réelle, ne semble pas avoir entamé la propension à devenir parent, notamment chez les plus jeunes, et ce en partie grâce à des politiques de protection sociale de longue date et à une culture publique plus favorable. La deuxième partie se concentre sur la situation italienne, où la dénatalité est plus aiguë et les contraintes — économiques, professionnelles et culturelles — pèsent davantage sur les choix de reproduction, générant incertitude et renoncement. Pourtant, en Italie aussi, le désir de parentalité est principalement porté par les jeunes de moins de 35 ans. La troisième partie propose une analyse comparative, mettant en lumière les convergences et divergences entre les deux pays dans leurs expériences, leurs attentes et leurs priorités exprimées, tout en offrant des pistes pour l’élaboration de politiques publiques plus efficaces et ciblées.
Dans les deux contextes, la natalité ne se présente pas seulement comme un défi statistique ou programmatique, mais bien comme une véritable question sociale et culturelle. Remettre la parentalité au centre du débat, c’est aujourd’hui remettre au cœur même du débat un projet collectif fondé sur la continuité entre les générations, l’équité entre les territoires et la confiance dans l’avenir.
La baisse de la natalité inquiète les Français mais le désir d’enfants demeure massif chez les jeunes (moins de 35 ans)
La très grande majorité (70%) des jeunes Français (moins de 35 ans) qui n’ont pas d’enfant souhaitent en avoir, et 75% des jeunes qui en ont déjà souhaitent en avoir un ou plusieurs autres
Alors que le nombre de naissances en France a atteint un nouveau record négatif en 2023 (baisse de 6,6% de naissances par rapport à 2022), le désir d’enfants reste très présent chez les Français de moins de 35 ans.
Parmi les jeunes de moins de 35 ans qui n’ont pas d’enfants (soit 62% des répondants de cette catégorie d’âge), 70% souhaitent en avoir. Ce sont davantage les jeunes catholiques (80%) que les jeunes musulmans (78%) ou les jeunes sans religion (64%). Parmi les jeunes qui sont déjà parents, 75% souhaitent en avoir d’autres. Cependant, ce sont davantage les jeunes musulmans (89%), que les jeunes catholiques (77%) ou les jeunes sans religion (65%).
Le désir d’enfants en fonction de l’âge et de l’affiliation religieuse (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Ce désir faiblit sensiblement avec l’âge. Ainsi, seulement 42% des 35-49 ans sans enfant souhaitent en avoir. Et seuls 25% des parents entre 35 et 49 ans souhaitent avoir d’autres enfants.
Les parents français de moins de 35 ans qui ne souhaitent pas avoir d’autres enfants invoquent majoritairement la satisfaction liée au nombre d’enfants qu’ils ont déjà (40%), un taux qui atteint 57% chez les 35-49 ans, ainsi que leur volonté de ne pas en avoir davantage (33% chez les moins de 35 ans et 43% chez les 35-49 ans).
En parallèle, les Français interrogés de moins de 35 ans qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir invoquent souvent une décision liée à des convictions personnelles (21%), devant le désir de ne pas devenir parents (19% ne souhaitent pas devenir mères et 15% ne souhaitent pas devenir pères). Notons que les difficultés économiques sont citées dans 14% des cas par les jeunes qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir. C’est presque le même chiffre observé (16%) chez les jeunes parents qui ne veulent plus d’enfant, signe que les difficultés économiques figurent parmi les raisons de ne pas / plus vouloir d’enfant, mais que c’est loin d’être la principale raison. Élément notable dans cette tranche d’âge, 14% des moins de 35 ans sans enfant et sans la volonté de devenir parents le justifient par le désir de maintenir un équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle.
Les raisons invoquées par les 35-49 ans sans enfant diffèrent légèrement. 31% mentionnent des convictions personnelles, 25% ne pas souhaiter devenir mères, 22% ne pas souhaiter devenir pères, 18% la peur de ne pas être en mesure d’élever correctement un enfant et 14% les difficultés économiques.2
Les Français qui sont sans enfant et qui ne souhaitent pas en avoir : quelles sont les principales raisons ? (en %)
2 réponses possibles2

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Le répondant avait le choix entre 14 réponses possibles pour cette question : Difficultés économiques ; Je n’ai pas d’emploi ; Problèmes liés au logement (par exemple, je ne possède pas de maison) ; Le désir de maintenir un équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle ; L’absence de membres de la famille à proximité qui peuvent aider à la gestion de l’enfant ; La peur de ne pas être en mesure d’élever correctement un enfant; La peur de problèmes dans ma relation; Mon/Ma partenaire ne veut pas d’enfants; Je ne souhaite pas tomber enceinte; La peur de l’accouchement et du post-partum; L’absence ou la pénurie de services d’appui publics ou privés (crèches, écoles, transports, santé); Convictions personnelles; Je ne souhaite pas avoir des enfants/Je ne souhaite pas devenir mère; Je ne souhaite pas avoir des enfants/Je ne souhaite pas devenir père.
Il existe également des facteurs exogènes qui peuvent expliquer, en partie, le fait de ne pas ou plus vouloir d’enfants. En effet, la dangerosité perçue du monde actuel semble être un réel frein à la parentalité : 52% des Français estiment que le monde d’aujourd’hui est trop dangereux pour avoir des enfants. Cette dangerosité est davantage mise en avant chez les CSP- pour 60% d’entre eux, les moins de 35 ans (60%), ainsi que ceux qui ne souhaitent pas devenir parents (61%).
En revanche, près de la moitié (46%) des Français estiment que la baisse de la natalité peut entraîner des conséquences néfastes pour l’avenir du pays. Ce point de vue est largement partagé au sein des 65 ans et plus (62%), des musulmans de moins de 35 ans (56%) ainsi que par les parents, qu’ils souhaitent (58%) ou non (51%) avoir d’autres enfants. Les Français n’ayant pas d’enfant et ne souhaitant pas en avoir ne sont que 25% à penser que « ne pas avoir d’enfants, c’est risquer l’avenir du pays ».
« Avoir un enfant c’est mettre en péril l’avenir de la planète » (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
No kids désigne ceux qui, motivés par des préoccupations environnementales, par des commodités personnelles, ou par leur pessimisme sur l’avenir choisissent de ne pas avoir d’enfant.
Enfin, les Français adhèrent relativement peu au discours liant éco-anxiété et parentalité, qui suggère de limiter les naissances pour préserver la planète: seuls 20% déclarent considérer qu’« avoir un enfant c’est mettre en péril l’avenir de la planète ». Ce chiffre grimpe toute fois à 31% auprès des personnes âgées de moins de 35ans, à 27% auprès des cadres, à 24% parmi les sympathisants de gauche et à 21% parmi les sympathisants de droite. Enfin, il est également partagé par 31% des personnes qui n’ont pas d’enfants et ne souhaitent pas en avoir, soit 11 points de plus que la moyenne des Français, signe d’une certaine pénétration de ces idées parmi les No kids3.
Pour les parents, ou ceux qui souhaitent le devenir, avoir des enfants constitue avant tout un « projet de vie » pour 65% d’entre eux notamment pour les femmes (73%). Cette raison arrive bien loin devant la volonté de transmettre sa culture et ses valeurs, 49% dans l’ensemble, davantage mise en avant par les 65 ans et plus (58%) que par les moins de 35 ans (46%). D’autres raisons sont également invoquées expliquant le fait d’avoir ou de vouloir un ou plusieurs enfants mais dans une bien moindre mesure telles que la possibilité de transmettre son héritage (24%), davantage mise en avant par les CSP- (30%). De même, la possibilité de transmettre son nom de famille est soutenue par 19% des répondants, davantage par les moins de 35 ans (23%) et les CSP- (25%) que les 35-49 ans (18%). En outre, l’opportunité de développement personnel est pointée par 17% chez les moins de 35 ans et les 35–49 ans, la possibilité de recevoir une aide pour ses vieux jours par 7%, plus particulièrement chez les jeunes de moins de 35 ans (13%) que les 35-49 ans (6%). Ce point est particulièrement soulevé par les moins de 35 ans, 21% chez les musulmans contre 12% chez les catholiques.
Êtes-vous satisfait de la manière dont vous parvenez à concilier votre vie professionnelle et votre vie familiale ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
De manière plus globale, les Français sont satisfaits de leur équilibre vie professionnelle-vie familiale, à 75%, ce score grimpe auprès des parents (78% pour ceux qui ne souhaitent plus d’enfant et 82% auprès de ceux qui désirent encore en avoir) mais décroche légèrement auprès de ceux qui n’ont pas d’enfant (73% pour ceux qui souhaitent en avoir; 67% pour ceux qui ne le souhaitent pas). Finalement, contrairement aux idées reçues selon lesquelles l’arrivée d’un enfant perturbe l’équilibre, cet événement est plutôt perçu positivement et participe entre autres au bien-être personnel des Français. Notons enfin que les CSP+ sont 82% à être satisfaits de leur équilibre vie professionnelle et vie personnelle.
En revanche, les Français attendent davantage de la part de la société. En effet, ils ont le sentiment que la société n’est pas particulièrement favorable à la parentalité : 42% d’entre eux estiment que la société n’encourage pas assez les gens à avoir des enfants, surtout ceux qui ont des enfants et souhaitent en avoir d’autres (53%), les catholiques (53%) et musulmans de moins de 35 ans (47%). Ceux qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir se montrent plus hésitants sur la position de la société par rapport à la parentalité : 27% estiment qu’elle n’encourage pas assez, 23% suffisamment et 21% trop, vraisemblablement parce que moins concernés par le sujet.
La baisse de la natalité préoccupe la majorité des Français (59%), y compris les jeunes (57%). Dans l’ensemble de la population interrogée, 47% des Français jugent que le gouvernement ne s’occupe pas assez de ce sujet (30% qu’il s’en occupe suffisamment)
La baisse du nombre de naissances inquiète une majorité de Français (59%), notamment les CSP+ (64%), les 65 ans et plus (67%) ainsi que les musulmans (74%) et catholiques (65%). En revanche, ceux qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir se détachent par leur point de vue : la moitié des répondants ne sont pas inquiets de ce phénomène (49%), ce qui concorde assez avec ce qui a été évoqué précédemment, à savoir qu’ils sont également peu nombreux à penser que « ne pas avoir d’enfants, c’est risquer l’avenir du pays ».
Ce phénomène de recul de la natalité inquiète et les Français ont le sentiment que le gouvernement ne prend pas suffisamment à cœur ce sujet. En effet, 47% d’entre eux estiment que le taux de natalité en baisse est un sujet dont le gouvernement ne se préoccupe pas assez, davantage pointé par les 50 ans et plus (53%), les catholiques et les musulmans (53% chacun). Ils ne sont que 30% à estimer que l’action gouvernementale est suffisante, notamment les jeunes de moins de 35 ans (35%), et 9% qu’elle est trop importante. Ce sentiment de manque de prise en main est un point de vue particulièrement avancé par les parents ne désirant plus avoir d’enfant (54%). À l’inverse, les Français n’ayant pas d’enfant et ne souhaitant pas en avoir, partagent davantage l’opinion selon laquelle le gouvernement en fait trop au sujet de la baisse de la natalité (18% contre 9% sur l’ensemble des Français).
« La baisse de la natalité est un sujet qui ne préoccupe pas assez le gouvernement » (en %)

Lorsque les Français sont interrogés sur les éventuelles conséquences de la baisse de la natalité, ils avancent surtout les conséquences sur le financement du système social français : mise en difficulté du système de retraite (53%), un sentiment davantage partagé par les Français âgés de 50 ans et plus (58%), ainsi que mise en difficulté du financement du système de santé et de protection sociale (49%), davantage mise en avant par les Français âgés de 65 ans et plus (56%) et les sympathisants de gauche (58%). Ces deux aspects sont partagés par tous les Français, qu’ils soient parents ou non. D’autres effets négatifs sont également invoqués mais ils apparaissent assez loin dans la hiérarchie : problèmes de transmission de la culture (24%), particulièrement avancés par les moins de 35 ans musulmans (32%) et catholiques (30%), dépeuplement des zones rurales (24%), davantage cités par les Français habitant dans les communes de moins de 2.000 habitants (27%), et pénurie de main-d’œuvre (19%). Les parents qui souhaitent encore avoir des enfants ont une vision des conséquences de la baisse de la natalité beaucoup plus globale et sont bien plus nombreux à citer les problèmes de transmission de la culture (34%), le dépeuplement des zones rurales (31%) et les pénuries de main-d’œuvre (28%) contre respectivement pour l’ensemble des Français de 18 ans et plus: 24%, 24% et 19%.
Les mesures attendues pour soutenir le désir d’enfants : baisse des impôts, crèches et flexibilité des horaires de travail
Pour contrer la baisse de la natalité en France et ses conséquences (vieillissement de la population, pénurie de main-d’œuvre, mise en péril du système de retraite, etc.), plusieurs propositions ont été testées auprès des Français.
Tout d’abord, l’encouragement à l’immigration a rencontré une ferme opposition dans la population française. En effet, seulement 29% des Français y sont favorables alors que 60% montrent leur opposition. Les musulmans de moins de 35 ans (77%), les sympathisants de gauche (56%), les Français âgés de moins de 35 ans (44%), les diplômés Bac+5 (39%), les habitants en agglomération parisienne (36%) et les cadres (36%) sont les plus favorables au recours à l’immigration ainsi que les parents qui souhaitent encore avoir des enfants (52%).
À l’inverse, ceux qui sont opposés à cette solution (60%) sont surtout les sympathisants de droite (75%), les habitants des communes de moins de 2.000 habitants (70%), les Français âgés de plus de 50 ans (69%) ainsi que les parents ne souhaitant plus avoir d’enfants (69%).
Faut-il encourager l’immigration pour contrer la baisse de la natalité ? (en %)4

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
La question originale était : « Seriez-vous favorable à l’encouragement de l’immigration pour contrer la baisse de la natalité ? »
Ensuite, la réduction d’impôts sur le revenu pour les couples ayant un ou plusieurs enfants suscite davantage l’adhésion des Français, avec environ deux tiers d’entre eux (62%) qui y sont favorables, notamment ceux qui ont déjà des enfants (73% parmi ceux qui souhaitent encore en avoir et 66% parmi ceux qui ne le souhaitent plus) ainsi que les moins de 35 ans musulmans (85%) et catholiques (70%), les sympathisants de droite (68%) et ceux qui habitent en agglomération parisienne (67%).
Faut-il réduire les impôts pour les couples avec enfants pour promouvoir les naissances ? (en %)5

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
La question originale était : « Pour encourager les naissances, l’impôt sur le revenu devrait être réduit/recalibré pour les couples qui ont un ou plusieurs enfants ? »
Par ailleurs, de nombreuses actions dépendant des pouvoirs publics sont également perçues comme utiles afin de promouvoir les naissances en France, avec en tête l’ouverture des structures d’accueil des jeunes enfants telles que les crèches, ainsi que l’augmentation du financement de la scolarité, citées respectivement par 45% et 36% des Français, y compris par ceux qui n’ont pas (encore) d’enfants. Les moins de 35 ans sont moins nombreux à souligner « l’ouverture des crèches » (35%) mais cette mesure demeure la plus choisie par cette tranche d’âge. Les 35-49 ans sont la tranche d’âge qui cite le plus l’« augmentation du financement des écoles et de l’aide aux études » (39%). Les sympathisants de gauche ont également davantage cité ces modalités, avec respectivement 50% et 42% de citations.
Quelles mesures pour promouvoir les naissances en France ? (en %)
2 réponses possibles sur 6 réponses au choix6

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
La question originale était : « Laquelle ou lesquelles de ces initiatives vous semblent les plus utiles pour promouvoir les naissances en France ? ». Le répondant avait le choix entre 6 réponses possibles pour cette question : Davantage de financements pour l’achat d’un logement ; Ouverture de crèches ; Augmentation des allocations familiales ; Augmentation du financement des écoles et de l’aide aux études ; Allégement fiscal pour les baby-sitters ; Aides fiscales pour les entreprises proposant des services adaptés aux naissances.
D’autres mesures fiscales semblent cependant être moins prioritaires aux yeux des Français. Ils sont 24% à citer comme mesures prioritaires « l’augmentation des allocations familiales », cette mesure est davantage citée par les moins de 35 ans (31%). Ils sont également 24% à invoquer les « financements pour l’achat d’un logement » (21% chez les 35-49 ans), 23% les « aides fiscales pour les entreprises proposant des services adaptés aux naissances », les moins de 35 ans sont plus nombreux (26%) que les 35-49 ans (21%) à promouvoir cette mesure. Enfin, 18% mettent en avant l’allégement fiscal pour l’emploi de baby-sitters, notamment chez ceux qui ont l’intention d’avoir (encore) des enfants (23%).
Enfin, les entreprises ont également leur rôle à jouer afin d’encourager la population à avoir des enfants. Parmi les mesures proposées, les Français (60%) privilégient la flexibilité dans l’organisation du travail pour les encourager à avoir des enfants. Les sympathisants de gauche ont davantage relevé ce point (68%). L’allongement de la durée du congé maternité rémunéré n’intervient qu’en 2e position avec 36% de citations, également davantage cité par les sympathisants de gauche (45%). Le télétravail ferme le podium, avec 32% de citations. À noter que le soutien économique, mis en avant par les Français de moins de 35 ans (29% contre 24%), ainsi que l’allongement de la durée du congé paternité rémunéré, plus cité par les sympathisants de gauche (31% contre 25%) et les actifs (26%) semblent être des leviers incitatifs auprès des futurs parents.
Conclusion
Pour de nombreux Français, avoir des enfants constitue un projet de vie et participe à leur bien- être personnel. Pour que le taux de natalité cesse de reculer, plusieurs mesures suscitent l’intérêt des Français et elles ne sont pas toutes d’ordre financier : flexibilité des horaires et de l’organisation du travail ou accession facilitée à des structures de garde pour les jeunes enfants.
La crise démographique en Italie : entre désirs brisés et avenir à construire
Sauf mention contraire, à propos du désir d’enfant, la partie italienne de l’étude interroge l’ensemble de la population (18 ans et plus).
L’« hiver démographique » est défini par les chercheurs comme une « fatalité » ou une « inertie » dont les effets ne sont pas susceptibles de changer en l’espace de quelques années.
La question de la baisse des taux de natalité et du vieillissement de la population qui en découle est aujourd’hui au cœur du débat public, économique et politique. Les implications de ce phénomène sont multiples et remettent en cause la viabilité des systèmes de retraite et de protection sociale, l’organisation des services essentiels – dans les domaines de la santé et de la protection sociale – ainsi que la structure du marché du travail et la stabilité des comptes publics.
Le choix de la Fondazione Magna Carta et de la Fondapol de mener une enquête miroir en Italie et en France vise essentiellement à mesurer le niveau de conscience concernant la crise démographique et ses conséquences, à offrir des pistes de réflexion pour analyser comment les Italiens et les Français perçoivent réellement la gravité du problème démographique ainsi que leur degré de prise de conscience7. En conclusion, cette enquête permet d’imaginer des perspectives d’interventions possibles, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
L’analyse proposée ci-dessous concerne les résultats de l’enquête menée auprès de l’échantillon italien. Elle ne suit pas l’ordre des questions posées dans l’enquête mais est construite autour d’un fil argumentatif. L’objectif est de faire ressortir les points les plus pertinents qui peuvent, dans l’immédiat et à long terme, contribuer à inverser le déclin démographique.
Après un bref aperçu de la situation démographique en Italie, cette analyse s’intéresse au degré de sensibilisation des Italiens à la question démographique puis évalue la pertinence et l’efficacité des actions concrètes pour stimuler les naissances.
Dans la deuxième partie, l’analyse s’attarde sur les réponses personnelles liées au choix d’avoir des enfants, en accordant une attention particulière à un aspect très intime : le désir de devenir parents, un élément central dans toute réflexion sur les politiques démographiques.
La troisième partie est consacrée à la conciliation du travail et de la famille. Sur ce point, l’enquête apporte des réponses riches et, dans certains cas, surprenantes, notamment en ce qui concerne le rôle que les entreprises peuvent et doivent jouer dans le soutien à la parentalité.
Dans la quatrième et dernière partie, est mené un examen de la partie de l’échantillon qui a déjà des enfants ou qui souhaite en avoir. Les motivations fournies par les personnes interrogées peuvent ensuite représenter un point de départ favorable pour construire des politiques publiques plus efficaces et capables de contrer l’« hiver démographique »8.
Résumé de la situation démographique en Italie
Ibid.
Ministère de la Santé (Italie), « Piano Nazionale della Cronicità », 15 septembre 2016 [en ligne].
OCDE et Union européenne, “Health at a Glance: Europe 2022 State of Health in the EU Cycle”, OECD Publishing, 5 décembre 2022 [en ligne].
OCDE et Commission européenne, “Health at a Glance: Europe 2024: State of Health in the EU Cycle”, OECD Publishing, 18 novembre 2024 [en ligne].
370.000, c’est le nombre de nouvelles naissances en Italie en 2024, soit environ 10.000 de moins qu’en 2023 (-2,6%)9. Entre 2008 et 2024, les naissances ont diminué d’environ 200.000, ce qui fait de l’Italie le seul des vingt-sept pays de l’Union européenne où l’on observe une baisse constante des naissances chaque année depuis 2008.
Le déclin démographique de ces dernières années, qui a conduit en 2024 à un taux de fécondité historiquement bas de 1,18 enfant par femme – en dessous de la valeur enregistrée en 1995 (1,19) –, est attribuable à la fois à la diminution du nombre de femmes en âge de procréer (15-49 ans) et à un âge d’accouchement plus tardif (32,6 ans), induisant une baisse progressive du taux de fécondité. Dans le même temps, grâce aux progrès de la science et de la médecine, l’espérance de vie augmente régulièrement : selon les données de l’ISTAT 2024, les hommes en Italie vivent en moyenne 81,4 ans, et les femmes 85,5 ans10. Si ce chiffre représente une étape importante en termes de santé publique, il s’accompagne d’une augmentation de l’incidence des maladies chroniques : environ 40% de la population italienne souffre d’au moins une maladie chronique, un pourcentage qui atteint 70% chez les plus de 65 ans11.
À cela s’ajoute la demande croissante de services de soins et d’assistance : seuls 10% des plus de 75 ans bénéficient actuellement d’un soutien à domicile adéquat, alors que les dépenses liées aux « soins de longue durée » devraient doubler d’ici à 207012.
Le vieillissement de la population, reflet de la crise démographique, est un phénomène particulièrement marqué en Italie, où l’âge moyen a atteint 46,4 ans et où les plus de 65 ans représentent désormais 24% de la population13. Cette dynamique soulève de sérieuses questions quant à la soutenabilité du système de protection sociale, en particulier dans les secteurs des retraites, de la santé, de l’école et de l’enseignement supérieur, et génère aussi des difficultés en termes de politiques de l’emploi et de transmission générationnelle de valeurs, d’expérience et de compétences.
Ce n’est pas un hasard si l’Italie enregistre l’une des dépenses publiques les plus élevées d’Europe en matière de retraites, soit 16% du PIB14. Ce fardeau économique risque de s’alourdir encore s’il n’est pas accompagné de réformes structurelles et de mesures de rééquilibrage démographique.
À la lumière de ce scénario, il semble difficile d’envisager un renversement de la tendance à court terme. Selon la recherche Per una primavera demografica (Pour un printemps démographique), menée en 2024 par la Fondazione Magna Carta, les décisions prises aujourd’hui en matière de démographie auront inévitablement une conséquence décisive dans les décennies à venir.
a. La « question démographique » : les Italiens entre conscience et doute
Dans quelle mesure les Italiens sont-ils conscients de l’importance de la question démographique ? Une première réponse semble assez claire. Il ressort de l’enquête que 79% des répondants trouvent que la baisse de la natalité est « préoccupante ». Un chiffre significatif, qui est encore plus prononcé chez les sympathisants de droite (84%) et parmi les citoyens se déclarant catholiques (83%).
En 2023, le nombre de naissances en Italie a atteint un nouveau record négatif. Pensez-vous que la baisse du nombre de naissances en Italie est préoccupante ? (en %)

Dans le questionnaire en italien, le terme de centre-droit était utilisé. En Italie, ce terme désigne les partis de la coalition au pouvoir : Forza Italia, Fratelli d’Italia et La Ligue du nord. Nous avons fait le choix en français d’écrire « droite » à la place de « centre-droit ». De même, le terme de centre-gauche était utilisé. En Italie, ce terme désigne exclusivement le Parti démocratique. Nous avons fait le choix en français d’écrire « gauche » à la place de « centre-gauche » pour décrire ces électeurs.
Cependant, si l’on approfondit ce que la crise démographique représente dans l’imaginaire collectif, on obtient l’image d’un pays divisé en deux. En effet, 54% de l’échantillon estime que le choix de « ne pas avoir d’enfants, c’est risquer l’avenir du pays », en particulier pour les hommes. L’autre moitié, en revanche, exprime la conviction que « le monde d’aujourd’hui est trop dangereux pour avoir des enfants » (53%). Il est plausible, voire presque certain, que cette peur généralisée de l’avenir soit influencée par un ensemble de facteurs : le sentiment d’incertitude hérité de la pandémie de COVID-19, l’instabilité géopolitique, la crise énergétique, la crainte d’une escalade des conflits armés, les préoccupations croissantes concernant la situation économique et le dysfonctionnement du marché de l’emploi.
Vous personnellement, êtes-vous d’accord ou non avec les affirmations suivantes ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Au sujet de la chute du taux de natalité, il apparaît clairement qu’une grande partie de l’échantillon identifie ses conséquences les plus graves dans la difficulté à maintenir le système de retraite (52%), ainsi que dans les risques pour la soutenabilité du système de santé et de protection sociale (51%). Ces préoccupations sont plus prononcées parmi les électeurs de gauche aux élections européennes de 2024 (58% pour le système de retraite et 57% pour le système de santé), qui ont toujours été plus sensibles aux questions de protection sociale.
Parmi les conséquences de la baisse de la natalité, laquelle ou lesquelles vous semblent les plus importantes ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
L’écrasante majorité de l’échantillon (68%) – avec des pics encore plus élevés chez les sympathisants de droite (70%) et chez ceux qui se déclarent catholiques (71%) – estiment que l’organisation actuelle de la société n’incite pas à avoir des enfants. Cette donnée devrait constituer un signal d’alarme non seulement pour les institutions à tous les niveaux, mais aussi pour le monde du travail, le système éducatif et le tissu industriel.
Avec laquelle des affirmations suivantes êtes-vous le plus d’accord ? (en %)

Dans ce contexte, près de la moitié de l’échantillon (48%) souhaiterait voir un engagement plus fort de la part du gouvernement sur la question du taux de natalité, avec des pourcentages plus élevés parmi ceux qui ont plus de deux enfants (56%), parmi les électeurs de gauche (53%) et parmi les citoyens n’ayant pas voté aux élections européennes de 2024 (57%). Ce dernier aspect est particulièrement intéressant, car il suggère qu’une plus grande attention institutionnelle à ces questions pourrait également avoir un impact significatif sur la participation et les futures dynamiques électorales.
En tout état de cause, en agrégeant les réponses de ceux qui estiment que le gouvernement se préoccupe « suffisamment » (37%) et « trop » (15%) de la baisse de la natalité, le seuil de 50% de l’échantillon est dépassé (52%). En particulier, l’électorat de droite présente le chiffre agrégé le plus élevé (62%), ce qui démontre non seulement une proximité et une satisfaction générale à l’égard de la politique de l’exécutif, mais aussi une sensibilité généralisée à l’égard des mesures en faveur de la natalité.
Toutefois, il convient de souligner que même au sein de ce même électorat, une part non négligeable – 38% – estiment que l’engagement du gouvernement devrait être encore plus important, ce qui indique que les attentes sur cette question transversale sont élevées et généralisées.
b. De la prise de conscience aux solutions possibles
Alors que pour une majorité d’entre eux, les Italiens sont conscients du problème démographique et de ses effets sur le système social lorsqu’il s’agit des solutions à adopter pour inverser la tendance démographique, les réponses sont plus divergentes.
Un premier thème à examiner à cet égard, et qui ressort fortement de l’enquête, concerne la profonde division de l’opinion publique italienne sur l’immigration et son rôle possible pour contrer les effets de la baisse du taux de natalité. Les personnes interrogées sont fortement divisées, les sympathisants de gauche étant plus favorables à l’entrée de citoyens étrangers comme réponse possible à l’hiver démographique (57%), et les sympathisants de droite étant majoritairement opposés à cette option (59%). Les électeurs du centre de l’échiquier politique, quant à eux, sont presque également divisés entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.
Seriez-vous favorable à l’encouragement de l’immigration pour contrer la baisse de la natalité ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Fondazione Magna Carta, Per una Primavera demografica, 2024, p. 120.
Au-delà des différences liées à l’orientation politique, il est important de souligner que l’immigration a eu et continue d’avoir une répercussion significative sur les dynamiques démographiques, surtout dans les pays qui ont adopté des politiques d’accueil plus structurées. Cet aspect a également été mis en évidence dans la recherche Per una primavera demografica (Pour un printemps démographique), dans laquelle a été analysée la situation en Allemagne, en France et en Suède, où l’immigration a partiellement compensé la baisse des naissances au sein de la population locale16.
Cependant, même dans les contextes les plus vertueux, on observe que le taux de fécondité des femmes immigrées tend à diminuer au fil du temps, à mesure qu’elles s’intègrent dans le tissu social du pays d’accueil. Ce phénomène est également présent en Italie et appelle une réflexion plus large sur l’efficacité et les limites des politiques migratoires comme réponse structurelle au déclin démographique.
La population italienne soutient plus massivement les mesures fiscales et sociales que celles qui sont en faveur de l’immigration. En particulier, la réduction ou l’échelonnement de l’impôt sur le revenu en fonction du nombre d’enfants est presque unanimement (77%) considéré comme une proposition efficace pour encourager la natalité, avec un pic à 82% pour ceux qui ont déjà des enfants et pour ceux dont le revenu mensuel est supérieur à 2201€ (83%).
En outre, parmi les initiatives considérées comme les plus utiles pour promouvoir la natalité, les citoyens italiens indiquent en premier lieu l’augmentation des allocations familiales (51%) et les facilités pour l’achat du premier logement (39%), suivies par l’élargissement de l’offre de crèches (33%), reconnues comme des outils fondamentaux pour soutenir les familles. Parmi ces options, la question du logement nécessite une réflexion supplémentaire. L’enquête révèle que la majorité des personnes interrogées est déjà propriétaire d’un logement. Cependant, les jeunes de moins de 35 ans expriment fortement le besoin d’être soutenus pour l’achat d’un premier logement, considéré comme une condition fondamentale pour pouvoir imaginer un projet de vie familiale. En effet, 56% des jeunes considèrent que l’accès au logement fait partie des solutions les plus efficaces pour favoriser la procréation.
En examinant les réponses en fonction du lieu d’habitation des répondants, une nette différence territoriale apparaît entre le nord et le sud. Dans le sud, la population montre une préférence pour les aides sociales, comme l’augmentation des allocations familiales (57% contre une moyenne nationale de 51%) ; au contraire, dans les régions du nord-ouest, c’est la demande de services qui prévaut, en particulier de crèches et de structures d’accueil pour les enfants (38% contre une moyenne nationale de 33%). Dans ce contexte, le Mouvement 5 étoiles répond plus efficacement aux demandes provenant du sud, où la demande d’aide économique directe est plus forte.
La maternité et la paternité : entre désir et peur
L’analyse porte à la fois sur l’échantillon total et sur le sous-groupe en âge de procréer (18-49 ans), dans le but d’offrir une vue d’ensemble qui intègre les dimensions socioculturelles plus larges et les dimensions opérationnelles liées aux choix parentaux qui peuvent effectivement être faits.
Après avoir analysé la prise de conscience de la crise démographique et les solutions possibles à adopter, nous pouvons désormais nous intéresser à une dimension plus intime et subjective : celle des choix personnels. C’est ici que les données prennent une tonalité différente mais tout aussi significative, révélant en filigrane les phénomènes déjà décrits dans les sections précédentes17.
Le premier fait marquant est que la majorité des répondants – 56% – déclarent ne pas vouloir d’enfants. Il s’agit là d’un résultat qu’il convient d’analyser plus en détail.
Le souhait d’avoir des enfants (ensemble de la population)
Question : Parmi les affirmations suivantes, laquelle décrit le mieux votre situation personnelle ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Les îles désignent dans le questionnaire la Sardaigne et la Sicile.
Il est important de préciser que ce chiffre de 56% concerne l’ensemble des répondants; il inclut donc aussi bien ceux qui n’ont pas d’enfant que ceux qui en ont déjà. En analysant les sous-catégories, on constate en effet que le pourcentage atteint 67% chez ceux qui ont déjà des enfants et n’ont pas l’intention d’en avoir d’autres, alors qu’il tombe à 44% chez ceux qui n’ont pas d’enfant. Ce dernier pourcentage est néanmoins significatif, mais moins « choquant » si l’on considère que, parmi ceux qui n’ont pas d’enfant, 34% répondent qu’ils ont l’intention d’en avoir dans le futur et que 11% expriment le désir de devenir parents mais disent ne pas pouvoir le faire pour une ou plusieurs raisons autres que des problèmes de santé ou d’âge.
En agrégeant ces deux dernières réponses, le pourcentage de ceux qui veulent ou voudraient des enfants (45%) dépasse d’un point celui de ceux qui n’en veulent pas (44%). Un signe, donc, que le désir n’est pas totalement endormi. Parmi ceux qui n’ont pas d’enfant, ceux qui veulent un enfant sont principalement les jeunes de moins de 35 ans (près de 60%) et ceux qui vivent en Italie centrale (48%) et dans les îles18 (43%). Le sud, en revanche, dépasse légèrement la moyenne nationale (36% contre 34% au niveau national). Le pourcentage augmente dans la tranche des revenus moyens inférieurs (1.501-2.200 euros), atteignant 43%, et, même si ce n’est que légèrement, parmi ceux qui se déclarent catholiques (36%).
Le souhait d’avoir des enfants chez les personnes sans enfant
Question : Parmi les affirmations suivantes, laquelle décrit le mieux votre situation personnelle ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Le souhait d’avoir d’autres enfants chez les personnes avec enfants
Question : Parmi les affirmations suivantes, laquelle décrit le mieux votre situation personnelle ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
En réduisant encore le champ et en ne prenant en compte que la population en âge de procréer (18-49 ans), les données sur le désir d’enfants sont plus nettes. Parmi ceux qui n’ont pas d’enfant, 50% déclarent en avoir le désir ou le projet, contre 31% qui affirment ne pas avoir l’intention de mettre un enfant au monde. À cet égard, les répondants de l’Italie centrale (62%) et les catholiques (56%) sont plus nombreux que l’ensemble de la population à souhaiter avoir un enfant (50%) tandis que c’est le cas d’une minorité de répondants du nord-est (40%). Toujours pour le groupe des 18-49 ans, parmi ceux qui ont déjà des enfants, la situation est plus équilibrée : 36% disent qu’ils aimeraient avoir un autre enfant ou plus, alors que 37% sont satisfaits de leur nombre actuel. Dans ce groupe, une proportion importante (22%) de personnes aimeraient avoir des enfants mais disent ne pas pouvoir pour des raisons qui ne sont pas liées à la santé ou à l’âge. Cette proportion touche surtout le sud (34%) et les personnes qui ont de faibles revenus (48%).
Toutefois, les personnes qui n’ont pas d’enfant et qui n’en veulent pas sont principalement originaires du nord-ouest (50%), du centre (33%) ou du sud (39%). En outre, le pourcentage augmente chez les personnes aux revenus modestes (49%) et chez les non-croyants (56%). Aussi, les personnes interrogées au sud citent plus fréquemment qu’au nord les difficultés économiques comme raison principale du renoncement à la parentalité.
La différence entre les sexes est aussi essentielle : parmi ceux qui n’ont pas d’enfant, les femmes (48%) déclarent plus fréquemment que les hommes (39%) qu’elles n’en veulent pas. Cette tendance se confirme également pour ceux qui ont déjà des enfants et envisagent d’en avoir encore (33% pour les femmes contre 34% pour les hommes). Ce résultat est particulièrement surprenant si l’on considère que, dans le passé, de nombreuses enquêtes avaient révélé une stabilité importante du désir de maternité, en dépit d’obstacles concrets à sa réalisation. Bien qu’il ne soit pas possible de comparer directement différentes études, cette enquête indique sans équivoque une tendance qui nécessite une réflexion approfondie : le désir de maternité des femmes semble aujourd’hui moins évident et davantage conditionné par des facteurs externes.
L’un de ces facteurs est certainement la peur de perdre son emploi. Selon le dernier rapport de l’INPS, dans l’année qui suit la naissance de leur premier enfant, les mères ont environ 18% plus de chances de quitter leur emploi dans le secteur privé que dans les années précédant la maternité. En pratique, cela se traduit par environ 11% de femmes qui perdent effectivement leur emploi dans l’année suivant l’accouchement19. Tout se passe comme si, au fil des générations, la peur de voir sa vie bouleversée par l’arrivée d’un enfant s’était progressivement installée – même inconsciemment –, et ce en dépit des progrès réglementaires, sociaux et économiques réalisés au cours des dernières décennies. Cette peur se traduit dans de nombreux cas par un refus d’avoir des enfants.
Cependant, si l’on entre dans le détail des motivations individuelles de ceux n’ayant pas d’enfant, la plus répandue reste celle de « ne pas vouloir d’enfants » (33%), suivie par les difficultés économiques (24%), les convictions personnelles (21%), la peur de ne pas pouvoir élever correctement un enfant (18%), le manque de travail (14%), la difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle (12%), et enfin la peur de l’accouchement et du post-partum (2%). Cette alternance entre motivations « objectives » (économiques, sociales, professionnelles) et motivations « subjectives » (liées à la perception par l’individu de son rôle dans le monde) est révélatrice d’une société dans laquelle, pour beaucoup, une vie sans enfant apparaît plus facile ou moins risquée.
Vous avez décidé de ne pas avoir d’enfant.
Quelle est ou quelles sont les principales raisons de ce choix ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
53% des personnes interrogées pensent que « le monde d’aujourd’hui est trop dangereux pour avoir des enfants ». 15%, en revanche, répondent qu’« avoir un enfant, c’est mettre en danger l’avenir de la planète », un pourcentage qui atteint 21% chez les 18-34 ans et 25% chez les 35-49 ans, signe d’une consolidation, bien que minoritaire, de l’idée que l’urgence environnementale est liée à la surpopulation de la planète.
D’une manière générale, un fait positif mérite d’être souligné. Le désir de maternité et de paternité s’avère être « porté » par les moins de 35ans: près de 60% d’entre eux souhaitent avoir des enfants, un chiffre qui tombe à 48% pour ceux qui ont déjà des enfants, chiffre restant toutefois plus élevé que la moyenne. Ces derniers éléments confirment ce qui a été dit précédemment sur l’accès au logement : il renforce le désir généralisé des jeunes de construire un projet de vie, désir qui s’affaiblit progressivement lorsqu’il se heurte à la réalité quotidienne. En effet, parmi ceux qui ont déjà des enfants et renoncent à en avoir d’autres, le manque ou l’insuffisance de services – crèches, congés, soutien à la parentalité – arrive en troisième position des raisons invoquées (18%).
En d’autres termes, avec l’expérience, les parents prennent conscience des difficultés et optent souvent pour un enfant unique.
La peur représente un dénominateur commun parmi les différentes raisons qui conduisent au choix de ne pas avoir d’enfants (ou de ne pas en avoir d’autres). Parmi ceux qui ne souhaitent pas devenir parents, une personne sur quatre exprime des craintes liées à sa propre capacité à élever correctement un enfant, à la possibilité d’effets négatifs sur la stabilité du couple ou, dans le cas des femmes, à la peur de l’accouchement. Ce pourcentage dépasse, bien que légèrement, celui de ceux qui évoquent les difficultés économiques comme principale raison de leur choix (24%).
Une tendance similaire se retrouve chez les personnes ayant déjà des enfants : dans ce groupe également, la peur est mentionnée par plus de 25% des répondants, soit une proportion équivalente à celle de ceux qui évoquent les difficultés économiques. Ces deux motifs viennent après la raison la plus fréquemment citée, à savoir la satisfaction du nombre d’enfants déjà présents (37%). La peur n’est donc pas un facteur secondaire : elle est l’un des fils conducteurs des choix parentaux. On pourrait dire qu’elle représente l’une des interprétations des motivations, celle qui en accompagne et en amplifie le sens profond, à tel point que cette peur se retrouve également dans les données précédemment présentées20.
L’équilibre famille-travail et l’impact du « facteur temps »
L’enquête explore également la question cruciale de l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, une dimension de plus en plus centrale dans la réflexion sur la natalité et la qualité de vie. Sur l’ensemble de l’échantillon de salariés, tant parmi ceux qui ont des enfants que parmi ceux qui n’en ont pas, il ressort un degré élevé de satisfaction générale : 79% des personnes interrogées se déclarent satisfaites de leur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, un pourcentage qui dépasse même 80% chez les parents. Ce chiffre, à première vue, peut surprendre, mais s’explique par le fait que la question portait sur la perception subjective de l’équilibre personnel, et pas nécessairement sur les conditions objectives de travail.
Êtes-vous satisfait de la manière dont vous parvenez à concilier votre vie professionnelle et votre vie familiale ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Toutefois, une analyse plus approfondie de la dynamique de l’emploi révèle des différences significatives entre les diverses catégories socio-professionnelles. De nettes distinctions apparaissent entre ceux qui ont des revenus plus élevés et ceux dont les ressources économiques sont plus limitées, entre les employés du secteur public et ceux du secteur privé, et surtout entre les hommes et les femmes. Ces dernières semblent plus exposées aux difficultés de gestion quotidienne, qui font obstacle à leurs efforts pour concilier vie professionnelle et vie familiale. Ce n’est pas un hasard, comme le montre l’enquête, si les hommes déclarent plus souvent que les femmes que leur partenaire parvient à passer plus de temps avec leurs enfants (37% contre 21%). Ces chiffres reflètent les déséquilibres persistants dans la répartition des charges familiales et accusent une baisse significative dans le groupe des 18-34 ans, où seuls 19%, contre 29% en moyenne, répondent que leur partenaire est en mesure de passer plus de temps avec leurs enfants. C’est un signe clair que les difficultés professionnelles rencontrées par les plus jeunes ont des conséquences plus importantes sur l’équilibre familial.
En général, les personnes qui expriment le plus haut niveau de satisfaction sont celles qui ont des revenus moyens à élevés et qui travaillent principalement dans le secteur public, où il existe souvent des possibilités d’aménagement du temps de travail plus importantes et des garanties contractuelles plus stables.
Parmi les motivations qui sous-tendent la satisfaction à l’égard de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, des différences significatives apparaissent non seulement entre le nord et le sud du pays, mais aussi en fonction de la taille de la commune de résidence. Alors que la majorité des personnes interrogées reconnaissent que la souplesse des horaires de travail est le principal facteur d’un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée (47%), on souligne que dans le sud de l’Italie, les réseaux familiaux et amicaux comptent beaucoup comme soutien fondamental dans la gestion quotidienne, atteignant 52% contre une moyenne nationale de 44%. Ce chiffre augmente encore dans les petites communes de moins de 10.000 habitants, où la présence et l’importance des réseaux de proximité sont encore plus marquées.
En revanche, c’est dans le nord-est que le soutien aux réseaux familiaux est le plus faible (38%), que le pourcentage de partenaires pouvant consacrer du temps à leurs enfants est le plus bas (18%) et que le recours aux services sociaux d’entreprise est le plus élevé (11% contre une moyenne nationale de 5%). Cette tendance est particulièrement marquée dans les communes de taille moyenne (entre 10.001 et 30.000 habitants), où la présence de services organisés joue un rôle plus important que l’aide familiale informelle. Le pourcentage dans ces communes atteint 14%, soit 3 points de plus que la moyenne générale pour le nord-est.
Parmi ceux qui se disent insatisfaits de la manière dont ils concilient leur vie professionnelle et leur vie familiale, ils invoquent souvent comme raison principale le manque de temps à consacrer à leur famille (52%). Ce chiffre augmente encore chez les femmes (54%), chez les habitants du nord-est (64%) et surtout dans les communes de moins de 10.000 habitants, où il atteint 71%. Vient ensuite l’inadéquation des horaires de travail, indiquée par 41% des répondants comme un autre facteur d’insatisfaction. Ce problème est encore plus prononcé chez les femmes (47%), chez les actifs âgés de 35 à 49 ans (49%), en particulier ceux qui travaillent dans le secteur privé (42%), et chez les résidents des petites communes (62%), atteignant un pic de 86% dans les villes de moins de 10.000 habitants en Italie centrale.
Il est évident que, pour ceux qui vivent dans ce contexte, la rigidité organisationnelle est particulièrement pesante en raison du manque de services complémentaires et se traduit directement par une réduction du temps disponible à consacrer à la famille. À cela s’ajoute la nécessité, pour beaucoup, d’effectuer des trajets quotidiens assez longs pour se rendre sur leur lieu de travail, en raison non pas tant de la distance kilométrique que de l’inefficacité des infrastructures et des liaisons routières.
Ce n’est pas un hasard si le stress professionnel, affectant la vie personnelle – troisième cause d’insatisfaction, signalée par 37% de l’échantillon – enregistre des pics significatifs : il atteint 50% chez les fonctionnaires et 46% dans la tranche de revenus de 1.501 à 2.200 euros, et touche respectivement 74% et 50% dans les villes de taille moyenne du centre et du sud de l’Italie.
En cinquième position, on trouve le manque de services sociaux d’entreprise (19%), tels que les crèches ou l’aide à la garde d’enfants, avec un pic dans le nord-est (38%) où la demande, comme on l’a déjà vu, est la plus forte en raison d’une faible incidence des réseaux de proximité.
Employés : les conditions de travail expliquant leur insatisfaction quant
à la conciliation entre l’éducation de leur(s) enfant(s) et leur vie professionnelle

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Ces données montrent clairement que le « facteur temps » – en termes de quantité et de qualité – est au cœur du malaise perçu dans l’équilibre travail-famille, mais avec des différences significatives liées au sexe, à la zone géographique, au revenu, au type de contrat et au contexte territorial.
Dans l’ensemble, les résultats constituent un avertissement clair pour les décideurs politiques : lors de la définition de stratégies visant à stimuler le taux de natalité, il est essentiel de créer les conditions d’une véritable égalité des chances, en surmontant les inégalités territoriales (nord-sud), les disparités entre les différents types de travail, les asymétries entre les sexes et les inégalités dans l’accès aux services. Ce n’est qu’en assurant un équilibre plus juste et plus durable entre la vie professionnelle et la vie familiale qu’il sera possible de dépasser l’un des principaux obstacles à la parentalité.
La protection sociale des entreprises, levier de la croissance démographique
Dans le même temps, l’enquête confirme la corrélation croissante entre les besoins des actifs et les opportunités et initiatives que de nombreuses entreprises adoptent déjà ou sont prêtes à mettre en œuvre. Dans ce domaine, l’Italie peut s’enorgueillir d’une législation avancée en matière de protection sociale des entreprises, celle-ci fournissant un cadre réglementaire favorable à l’élaboration de mesures de conciliation et de soutien à la parentalité.
Les chiffres semblent confirmer cette vision. Le degré de flexibilité de l’employeur à l’égard des employés, en particulier ceux qui ont des enfants, est le troisième critère le plus populaire parmi ceux qui sont satisfaits de la manière dont ils concilient travail et famille (35%). À l’échelle nationale, il existe un consensus entre les différentes zones géographiques pour identifier la flexibilité des horaires de travail (63%) comme la mesure d’entreprise la plus efficace pour encourager la natalité. Ce résultat se confirme dans toutes les tranches d’âge, aussi bien entre les hommes et les femmes qu’entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas. Le pourcentage des villes de moins de 10.000 habitants est significatif à cet égard (66%) car il confirme la nécessité d’adapter les horaires de travail en raison du manque de services essentiels adéquats, principalement pour les déplacements vers le lieu de travail.
En deuxième position vient le soutien économique direct (53%), avec notamment l’allocation de naissance fournie par l’entreprise, d’une grande utilité selon les plus jeunes (69%) et pour les populations dans le sud, où le besoin d’un soutien économique supplémentaire est le plus fortement exprimé. Il ne faut pas sous-estimer le pourcentage plus élevé que la moyenne de ceux qui n’ont pas d’enfants mais qui soutiennent cette mesure (57%). Un élément qui, combiné au pourcentage exprimé par les plus jeunes, confirme que les subventions économiques peuvent être une incitation importante pour pousser ou rassurer dans le choix d’avoir un premier ou un deuxième enfant. Même lorsqu’on analyse les variables telles que l’état civil, la présence d’enfants, le sexe ou l’âge, les données montrent une remarquable homogénéité, signe que certaines mesures – telles que la souplesse dans les horaires de travail et le soutien économique – font l’objet d’un consensus large et transversal, indépendamment de la situation familiale des personnes interrogées.
Viennent ensuite le télétravail (37%) et les services de garde d’enfants organisés par l’entreprise (27%), services étant considérés comme l’une des mesures les plus souhaitables pour aider à concilier les besoins familiaux et professionnels.
Le scénario que nous venons d’esquisser montre comment une adaptation de la politique de l’entreprise aide aussi bien à promouvoir le bien-être au travail qu’à construire un environnement favorable à la parentalité.
Permettre l’avenir : la signification de la parentalité pour les Italiens qui souhaitent avoir des enfants
Pour la majorité de l’échantillon d’Italiens ayant des enfants ou souhaitant en avoir (59%), avoir un enfant représente un véritable projet de vie, et est souvent vécu comme un choix déterminant dans son parcours. Cette valeur est d’ailleurs plus fortement ressentie par les femmes (67%).
48% de l’échantillon associent la naissance d’un enfant à la possibilité de transmettre des valeurs, une culture et des traditions. Pour 24% des Italiens, surtout les hommes (30%), avoir un enfant permet de transmettre son nom de famille, ce qui reflète une conception plus symbolique et identitaire de la parentalité. Par ailleurs, 24% des Italiens interprètent cette même parentalité comme une opportunité de développement et d’épanouissement personnels. Ce chiffre atteint 28% chez les plus jeunes.
Il est également important de souligner que 16% des personnes interrogées considèrent le fait d’avoir un enfant comme une « possibilité de recevoir une aide lorsque je serai plus âgé(e) ». Ce chiffre s’élève à 19% chez les personnes ayant un revenu mensuel inférieur à 1.500 euros et à 18% dans le sud, ce qui montre à quel point les attentes en matière de soutien familial sont encore profondément ancrées dans les régions les plus fragiles du pays, où le manque de services publics est le plus marqué.
Il est également intéressant d’observer au sein de cette enquête les différences entre les sexes : les femmes ont des enfants dans une vision plus large et plus intégrée de leur existence, où la maternité est liée à l’identité personnelle, aux relations, à l’épanouissement affectif et social. Les hommes, quant à eux, montrent une tendance légèrement plus orientée vers la dimension symbolique, telle que la transmission du nom de famille (30%). Dans l’ensemble, les réponses indiquent que la parentalité est encore largement perçue comme un choix chargé de significations profondes, culturelles, affectives et intergénérationnelles, mais aussi comme une forme de réponse fonctionnelle à un contexte social considéré comme fragile où la famille reste le point d’ancrage de référence, même en l’absence d’un soutien public adéquat.
Conclusion
D’une manière générale, on peut dire que l’attitude des répondants sur la question de la parentalité apparaît en partie contradictoire, mais est en même temps riche en indications utiles pour rendre les politiques démographiques plus efficaces et plus conformes à la réalité sociale.
D’une part, les Italiens sont très préoccupés par la baisse de la natalité (79% de l’échantillon se déclarent préoccupés), mais d’autre part, ils sont peu enclins à reconnaître leur responsabilité individuelle dans la résolution du problème, même si l’on souligne que, dans la tranche d’âge fertile, le désir de devenir parents est toujours présent. Tout se passe comme si le message implicite était : « Je reconnais la gravité de la situation, mais ce n’est pas à moi de trouver la solution ».
À cela s’ajoute un contexte marqué par des difficultés multiples et, en même temps, par une transformation profonde des modes de vie, des modèles familiaux et de l’échelle des priorités individuelles et collectives. Le choix de devenir parents est de plus en plus conditionné par des facteurs externes – économiques, professionnels, culturels – et par le fréquent ressenti d’un manque de soutien de la part de la société.
Cependant, l’enquête ouvre également des espaces d’intervention concrète: une sorte d’« empathie sociale latente » émerge entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en ont pas, alimentée par la conscience partagée que la société italienne d’aujourd’hui n’est pas suffisamment accueillante à l’égard de la parentalité (68% de l’échantillon estime que la société n’encourage pas la procréation). Ce terrain d’entente représente une occasion précieuse d’élaborer des politiques transversales.
C’est précisément pour cette raison que les résultats de l’enquête confèrent une responsabilité importante aux institutions, à la société organisée et au monde des affaires. Pour inverser la tendance démographique, il est essentiel de redécouvrir et de renforcer la signification sociale de la maternité et de la paternité, notamment à travers un discours public positif qui restaure la dignité, la reconnaissance et la place centrale de la parentalité dans le débat culturel, politique et économique.
En définitive, il est important de promouvoir une nouvelle alliance entre les secteurs public et privé, alliance capable d’intercepter les désirs, les besoins et les parcours des femmes et des hommes et de les transformer en actions concrètes et structurées visant à soutenir les choix parentaux.
À cette fin, il est de plus en plus nécessaire de construire une sorte de « parcours de la naissance » avec des mesures qui jalonnent les différentes étapes de la vie du parent ou de ceux qui sont sur le point de le devenir : de la décision de procréer à l’attente de la naissance de l’enfant, de la conciliation du travail des mères et des pères avec leur parentalité, de l’accès à des services pour les enfants aux choix éducatifs et de scolarité de leurs enfants.
Le défi de la natalité : une comparaison entre l’Italie et la France sur le désir, la liberté et la responsabilité
Le tableau démographique : comparaison entre l’Italie et la France
Maxime Sbaihi, Les balançoires vides. Le piège de la dénatalité, Éditions de l’Observatoire, 2025.
Toutes les crises n’apparaissent pas de manière soudaine et traumatisante dans le cours de l’histoire. Certaines s’immiscent progressivement dans le tissu social et, presque imperceptiblement, finissent par changer le destin des nations. La dénatalité est aujourd’hui la principale menace qui pèse sur de nombreux pays occidentaux et elle a longtemps été sous-estimée. Elle devrait pourtant davantage préoccuper le débat européen, ne serait-ce que par la force silencieuse des chiffres qui, année après année, marquent son avancée, montrant un continent de plus en plus vieux et de moins en moins capable de se régénérer. Pour comparer l’Italie et la France, il convient donc de considérer en premier lieu la situation démographique actuelle des deux pays.
En Italie, la dénatalité est désormais un phénomène profond et structurel. Avec seulement 370.000 naissances en 2024 (-2,6% par rapport à l’année précédente), un indice conjoncturel de fécondité (ICF) tombé à 1,18 enfant par femme et un âge moyen de la population supérieur à 46 ans, le pays est entré dans une crise démographique qui a des conséquences tangibles sur la résilience du marché du travail, la viabilité de l’aide sociale et du système de sécurité sociale. Ce n’est pas un hasard si près de 80% des Italiens se disent préoccupés par les effets de la natalité sur le système national.
La France enregistre elle aussi un creux historique des naissances en 2024, avec 663.000 nouvelles naissances, soit une baisse de 2,2%, marquant le niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale (en 2023, la baisse était de 6,6%). Son ICF tombe à 1,62 enfant par femme et l’âge moyen de la population à plus de 42 ans. Elle s’inscrit cependant dans une dynamique en partie différente.
En effet, en France, la préoccupation à l’égard de la baisse de la natalité – qui touche 59% des citoyens interrogés – s’accroît de plus en plus. Le taux de fécondité, par exemple, bien qu’en baisse, reste légèrement supérieur à celui de l’Italie. En d’autres termes, les Français perçoivent la dénatalité comme un risque mais pas encore comme une condamnation inexorable21. D’où une première différence : en Italie, c’est l’image récurrente de « l’hiver démographique » qui prévaut, alors qu’en France, du moins pour l’instant, le phénomène semble en gestation – un risque qui se profile désormais clairement et qui inquiète, mais qui n’a pas pour le moment de retombées sociales très fortes.
Les disparités entre les deux pays concernent les raisons du choix de ne pas avoir d’enfant pour les moins de 35 ans. En Italie, ce sont les raisons matérielles qui prédominent : les difficultés économiques (32% contre 31% pour les 35-49 ans), le fait de ne pas avoir d’emploi (21% contre 17%) ou encore la difficulté à concilier vie professionnelle et vie personnelle (21% contre 11%), en particulier le manque de temps à consacrer à la famille. En France, en revanche, autant parmi les moins de 35 ans que les 35-49 ans qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir, seulement 14% l’expliquent par des difficultés économiques. Les parents, quant à eux, expliquent ne pas vouloir d’autres enfants, à cause de difficultés économiques, à 16% chez les moins de 35 ans et 11% chez les 35-49 ans. La part des jeunes de moins de 35 ans sans enfant qui ne souhaitent pas en avoir est de 25% en Italie et 30% en France. Tandis que les 35-49 ans qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir sont 40% en Italie et 58% en France. Si l’on analyse les éléments communs aux deux pays, les Italiens (53%) comme les Français (52%) estiment que « le monde d’aujourd’hui est trop dangereux pour avoir des enfants », ce qui met en lumière une dimension culturelle et axiologique de ce refus.
Pensez-vous que la baisse du nombre de naissances est préoccupante ? (en %)
Base : ensemble

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Dans les deux pays, le refus de devenir parents, entendu comme l’expression d’un choix ou d’un sentiment personnel, joue également un rôle majeur : en Italie, 21% des moins de 35 ans mettent en avant cette raison contre, en France, 19% des femmes de moins de 35 ans et 15% des hommes de moins de 35 ans.
Pour les moins de 35 ans n’ayant pas d’enfant et ne souhaitant pas en avoir, les convictions personnelles sont moins une cause en Italie (10%) qu’en France (21%) ainsi que pour les 35-49 ans qui n’ont pas d’enfant et qui n’en veulent pas : 19% en Italie contre 31% en France. C’est le signe probable d’un contexte culturel dans lequel les choix idéologiques ou axiologiques ont moins de place que les motivations matérielles ou l’absence pure et simple de désir.
Dans les deux pays, le soutien public à la natalité est perçu comme nécessaire et inévitable. Les familles ne se contentent pas de réclamer des politiques plus efficaces, elles indiquent également leurs priorités avec précision. En France, c’est une approche orientée vers les services et les droits sociaux qui prévaut : 62% des personnes interrogées souhaitent des réductions d’impôts pour les familles avec enfants, 45% veulent davantage de structures d’accueil pour les enfants et 60% souhaitent une plus grande flexibilité des horaires de travail. Il ne s’agit pas seulement d’un soutien économique : c’est une vision de la parentalité comme partie intégrante d’un système social qui doit accompagner et rendre possible le choix d’avoir des enfants. En revanche, parmi les priorités indiquées par les Italiens, les aides sociales et les formes de soutien direct l’emportent, surtout dans le sud (62% contre une moyenne nationale de 53%) et parmi les groupes les plus fragiles économiquement : 77% de l’échantillon se déclarent en faveur de réductions fiscales pour les familles, 51% en faveur de l’augmentation des allocations familiales, 39% en faveur de facilités pour l’achat d’un premier logement (56% parmi les jeunes générations). Alors qu’en France, le bien-être familial se traduit par le développement des services et la conciliation avec la vie professionnelle, en Italie, il reste davantage lié à la fonction de redistribution et à la logique de compensation. Les services et la flexibilité entre vie privée et vie professionnelle, bien que présents dans les attentes des Italiens, apparaissent au second plan par rapport à la demande de soutien économique.
Que signifie pour vous le fait d’avoir un ou plusieurs enfants ?

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Dans les deux pays, la parentalité conserve néanmoins une forte valeur existentielle. 65% des Français et 59% des Italiens qui ont des enfants ou qui souhaitent en avoir les considèrent comme un projet de vie et une expérience de réalisation de soi. Ce chiffre augmente chez les femmes italiennes (67%) et françaises (72%), signe que la maternité est vécue comme une partie intégrante de leur identité et de leur épanouissement personnel.
Il existe également des similitudes entre les deux pays en ce qui concerne la signification de la parentalité. En Italie comme en France, devenir parent n’est pas seulement un choix individuel et une aspiration à l’épanouissement personnel : c’est aussi un acte de continuité générationnelle. En témoigne le fait que 48% des Italiens et 49% des Français associent la naissance d’un enfant à la transmission de valeurs et de la culture. Des différences apparaissent sur certaines réponses : 24% des Français y voient la possibilité de transmettre leur héritage contre 14% des Italiens, 16% de l’échantillon en Italie voient dans leur progéniture une garantie future d’assistance pour leurs vieux jours (7% en France), une proportion qui monte à 19% chez les plus bas revenus et à 18% dans le sud, où la famille reste encore un ancrage social essentiel.
Pour un « printemps démographique »
Malgré l’atmosphère morose qui plane sur la démographie européenne et qui domine de plus en plus dans les discours publics, il existe des signaux, peut-être encore faibles et à peine perceptibles, qui nous invitent à ne pas céder à la résignation. Dans la dialectique entre inertie et réveil démographique, choix et contraintes, peur et volonté de projection dans l’avenir, on peut discerner, en Italie comme en France, les racines d’un possible – « printemps démographique ». Ce n’est pas seulement une question de chiffres. C’est la qualité même du désir de devenir parents qui suggère qu’il existe encore une volonté profonde, vitale, à penser notre avenir à travers nos enfants.
70% des Français de moins de 35 ans sans enfant déclarent souhaiter en avoir un ou plus, le chiffre monte à 75% pour les moins de 35 ans qui ont déjà un ou des enfants et qui en souhaitent d’autres. Plus intéressante encore est l’indication que la satisfaction à l’égard de l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale reste élevée parmi les parents français : plus de 75% d’entre eux se déclarent satisfaits de cet équilibre, un pourcentage qui augmente encore chez ceux qui ont des enfants et souhaitent en avoir d’autres (82%). Dans ces groupes sociaux, la parentalité ne semble pas être perçue comme un obstacle à l’épanouissement personnel, mais comme en faisant partie.
Souhaitez-vous avoir des enfants ? (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
Les raisons d’un optimisme prudent apparaissent également en Italie. Tout d’abord, le désir de parentalité reste élevé chez les plus jeunes qui n’ont pas d’enfant : parmi les moins de 35 ans, 75% déclarent vouloir avoir des enfants. Un chiffre qui augmente même chez ceux qui en ont déjà un : 79% souhaitent en avoir d’autres. Ces chiffres attestent que le désir de devenir parents en Italie n’a nullement disparu, mais qu’il est plutôt « gelé » et conditionné par des obstacles contingents tels que la précarité de l’emploi, l’accès au logement ou l’insuffisance des structures de garde d’enfants.
Un autre signe encourageant vient du monde du travail. Bien qu’inégale et encore partielle, la protection sociale des entreprises progresse également en Italie : 80% des parents se déclarent satisfaits des mesures prises pour concilier le temps de travail et le temps familial. Ces données indiquent l’émergence d’une culture organisationnelle du travail plus attentive aux besoins des familles, favorisée par la généralisation des horaires flexibles, par une plus grande écoute des employeurs et par le soutien des réseaux parentaux.
Les tendances que nous venons de décrire dans leur complexité brossent un tableau moins univoque que le seul récit de la glaciation démographique, selon lequel nous serions confrontés à un avenir de disparition et d’anéantissement. Il ne s’agit pas de minimiser les problèmes, ni de se laisser aller à un optimisme facile, mais de reconnaître qu’il existe des fondations sur lesquelles il est possible de construire une relance de la natalité. Après tout, la démographie, c’est aussi la culture, la confiance et la planification. S’il est vrai qu’aucune politique ne peut à elle seule inverser les tendances historiques à long terme, il est tout aussi vrai qu’une alliance entre les institutions, les entreprises et la communauté peut créer les conditions pour que le désir d’enfants, toujours présent, trouve la force de devenir une réalité. C’est dans cet espace étroit entre désir, liberté et possibilité que l’on peut élaborer une politique clairvoyante.
Car chaque printemps, même tardif, commence toujours par de petits signes. Et aujourd’hui, tant en Italie qu’en France, ces signes – au milieu de mille contradictions – commencent à se manifester.
Des sociologies divergentes face au défi démographique
D’autres aspects de la comparaison entre les réponses des Italiens et des Français méritent d’être approfondis car ils enrichissent la compréhension des dynamiques socioculturelles qui distinguent les deux pays face au défi démographique. En France, la dimension religieuse joue un rôle loin d’être marginal dans la propension à la parentalité, en particulier parmi les catholiques (79%) et les musulmans de moins de 35 ans (84%). Cet élan est plus faible chez les personnes sans religion et les No Kids, qui ne considèrent pas la parentalité comme la suite naturelle du cycle de vie.
En Italie, le facteur religieux n’apparaît pas comme une variable décisive, mais il semble en filigrane dans certains indices, en particulier, dans la perception du taux de natalité comme un problème (83% des répondants catholiques se disent préoccupés) et dans la conviction que la société ne favorise pas la parentalité (68% des répondants partagent cette préoccupation), plus prégnante chez les sympathisants de droite (70%) et les catholiques (71%). En Italie, le facteur religieux semble alimenter une sensibilité accrue à la crise et à la responsabilité collective qu’elle implique.
L’« éco-anxiété », c’est-à-dire les craintes liées à la crise environnementale et climatique, a été proposée aux sondés dans la liste des motifs de renoncement à la parentalité. Si 20% des Français estiment qu’« avoir un enfant, c’est mettre en péril l’avenir de la planète », cette proportion reste minoritaire (31%) chez les jeunes et les No Kids. En Italie aussi, la question de l’environnement est présente chez les jeunes (21%) qui sont plus nombreux que le reste de la population (15%) à penser qu’« avoir un enfant, c’est mettre en péril l’avenir de la planète » – sans pour autant être une motivation centrale dans la définition des choix reproductifs.
« Avoir un enfant, c’est mettre en péril l’avenir de la planète » (en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
En Italie, la dénatalité « va de pair » avec les inégalités territoriales, tant dans leur forme historique traditionnelle, à savoir le fossé entre le nord et le sud, que dans leur forme nouvelle entre les centres urbains et les « zones fragiles », l’intérieur et la périphérie. En tout état de cause, cela complique la construction d’une politique démographique unitaire. Les habitants du nord réclament des politiques orientées vers le bien-être et les services, et donc les crèches, la flexibilité, la conciliation famille / travail. Les habitants du sud expriment une préférence plus marquée pour les aides sociales et les aides économiques directes, qui répondent immédiatement à leurs besoins matériels et de protection sociale.
Bien que dans des contextes sociaux et politiques différents, les deux pays partagent une préoccupation croissante et transversale concernant les conséquences systémiques de la dénatalité : la question de la soutenabilité des systèmes de protection sociale et de retraite traverse l’opinion publique française et italienne de manière significative.
En France, 53% de la population craint que la baisse du taux de natalité ne compromette la viabilité du système de retraite et 49 % se disent préoccupés par les conséquences sur le système de santé et de protection sociale. Chez les plus de 50 ans, l’inquiétude monte à 58%, signe d’une perception croissante du risque chez ceux qui sont proches de la retraite.
L’Italie n’est pas moins sensible à cette dimension. Lorsque l’on demande aux Italiens les principales conséquences de la baisse du taux de natalité, ils donnent clairement deux réponses : 52% craignent qu’elle ne mette en péril la viabilité du système de retraite, tandis que 51% d’entre eux craignent des risques pour le système de santé et pour la protection sociale en général. Cette préoccupation est transpartisane, bien qu’elle soit plus prononcée parmi les électeurs de gauche, historiquement plus sensibles aux questions de protection sociale (58% sont préoccupés par la viabilité du système de retraite et 57% pour le système de santé et de protection sociale).
La protection sociale des entreprises est largement acceptée dans les deux pays, bien qu’avec des valeurs différentes. En France, elle est perçue comme un droit établi et une condition préalable inaliénable du monde du travail. Les horaires de travail flexibles, le congé parental et le télétravail ne sont pas seulement des aides occasionnelles, mais sont considérés par les Français comme faisant partie intégrante d’un modèle qui veut reconnaître et protéger la vie familiale. 60% de l’échantillon, en particulier, considèrent les horaires de travail flexibles comme l’arme gagnante pour inverser la tendance du taux de natalité. En Italie, la protection sociale des entreprises est perçue comme une opportunité émergente : disponible à des degrés divers selon les secteurs et les zones géographiques, elle tend à être considérée davantage comme un avantage supplémentaire que comme un droit pleinement acquis. Cette distance reflète deux modèles historiques différents de relations industrielles et de relations syndicales : d’une part, la consolidation de pratiques désormais standardisées et, d’autre part, l’aspiration, encore partiellement inassouvie, à faire de la protection sociale des entreprises un soutien généralisé et structurel aux parents.
Seriez-vous favorable à l’encouragement de l’immigration pour contrer la baisse de la natalité ?
(en %)

Copyright :
Fondapol | Fondazione Magna Carta – juin 2025
L’Italie et la France, enfin, se retrouvent unies par un débat complexe et ambivalent sur l’immigration comme levier possible pour contrer le déclin démographique. Dans les deux pays, l’accueil de nouveaux citoyens n’est pas perçu comme une solution automatique au déclin démographique, mais il n’est pas non plus totalement exclu.
En Italie, la question divise littéralement l’opinion publique en deux. Interrogés sur la nécessité de favoriser l’immigration pour lutter contre la dénatalité et ses conséquences (vieillissement, pénurie de main-d’œuvre, maintien de l’aide sociale), l’échantillon se répartit entre 43% d’opinions favorables, 43% d’opinions défavorables et 14% de sans opinion. Certains groupes soutiennent plus que d’autres l’immigration comme : les hommes (48%), les jeunes (59%) et les habitants du sud (47%). Au niveau politique les sympathisants de gauche sont nettement plus favorables (57%) que ceux de la droite, largement opposés à cette option (59%).
En France, à la question de savoir s’il faut encourager l’immigration pour contrer la baisse de la natalité, 60% de l’échantillon s’opposent au recours à l’immigration tandis que seulement 29% y sont favorables. Tout en reconnaissant l’apport de l’immigration, beaucoup de Français sont conscients qu’elle n’est pas une solution structurelle et définitive. En effet, avec le temps, même chez les immigrés, le taux de fécondité a tendance à baisser au fur et à mesure qu’ils s’intègrent dans la société et s’imprègnent de ses modèles culturels et sociaux.
Conclusion
La comparaison entre l’Italie et la France brosse un tableau qui n’est pas dépourvu d’éléments de confiance. Dans les deux pays européens, le désir d’enfants des jeunes résiste et, dans certains cas, surprend par sa vitalité. Ce constat, commun aux deux enquêtes, indique que la parentalité, bien que soumise à des tensions culturelles, matérielles et axiologiques, n’a pas été expulsée de l’horizon des aspirations individuelles et collectives. La jeunesse continue de représenter un potentiel démographique. Les deux pays diffèrent cependant profondément dans les modalités d’expression de ce désir, et plus encore par les conditions qui en facilitent ou en freinent la réalisation.
La France affiche un désir plus solide et plus répandu, signe d’un contexte plus favorable et d’une culture publique qui a historiquement fait de la natalité une question d’intérêt national. La tradition des politiques familiales, basées sur les services, les transferts et une idée inclusive du bien-être, a contribué à rendre le choix des Français d’avoir des enfants moins pesant et moins exposé à la dimension du sacrifice.
En Italie, le retard historique des politiques publiques de soutien à la parentalité se reflète dans la perception répandue des charges que les mères et les pères doivent supporter pour avoir et pour élever un enfant, malgré les efforts plus récents déployés par les décideurs politiques, y compris les incitations économiques, les primes et les tentatives de renforcement des services.
Pour preuve, près de 68 % des Italiens estiment que la société n’encourage pas les naissances, signe d’une culture trop longtemps hostile à la famille. Ainsi, le choix de devenir parent en Italie reste profondément conditionné par des facteurs économiques et par l’insécurité existentielle. La peur de ne pas pouvoir faire face, de ne pas pouvoir garantir aux enfants un avenir décent, pèse lourdement et conditionne la décision effective de mettre au monde une nouvelle vie.
Cet élément distingue l’Italie de la France, où le désir est moins entravé par des considérations matérielles. En définitive, s’il est vrai que dans les deux pays, le désir d’enfants n’a pas disparu – et qu’il conserve, surtout chez les jeunes, une force résistante et symbolique –, il est tout aussi vrai que le contexte social et culturel fait la différence. Là où les politiques ont accompagné la famille, le désir de devenir parent a trouvé un terrain plus fertile. Là où, comme en Italie, les familles se sont souvent senties seules face à la responsabilité, l’hésitation, la peur et le renoncement l’emportent. Le défi n’est donc pas seulement démographique. C’est un défi qui concerne l’ensemble du tissu social et culturel de nos sociétés.
Deux crises, donc, mais un destin européen. L’Europe est appelée à trouver un équilibre entre liberté et responsabilité, projets de vie et protection sociale, services aux parents et valeurs partagées. Ce n’est qu’ainsi que le choix de mettre au monde des enfants – qui n’est ni un acte d’héroïsme ni un privilège réservé à quelques-uns – redeviendra la forme la plus naturelle de la confiance en l’avenir.
Aucun commentaire.