La théorie de la séparation des pouvoirs, développée par Locke et Montesquieu, justifie la division des différentes fonctions de l’État par l’objectif de limitation de l’arbitraire et la nécessité d’empêcher les excès dans l’exercice des prérogatives publiques.
Ce principe classique distingue trois fonctions majeures : la fonction législative, la fonction exécutive, et la fonction juridictionnelle, qui sont exercées par des organes autonomes. À cette séparation sera ajoutée par la suite la doctrine des « poids et contrepoids » (checks and balances), c’est-à-dire l’idée qu’il est nécessaire de mettre en place des moyens de contrôle réciproques entre ces trois champs d’action. Ces théories ont fortement influencé les rédacteurs de la Constitution américaine, et se sont matérialisées aux États-Unis par un partage précis des compétences entre organes fédéraux (politique extérieure, Défense…) et Etats fédérés (Education, transports, gestion des infrastructures…).
La répartition des compétences entre État fédéral et États fédérés : un débat récurrent aux USA
Ce sujet a toujours fait l’objet d’une intense polémique et de rivalités entre les échelons de l’Administration américaine. Par exemple, dans un arrêt du 25 Juin 2012, la Cour suprême des Etats-Unis a suspendu plusieurs dispositions d’un texte sur l’immigration irrégulière adopté par l’Arizona, car elles ne respectaient pas la séparation des compétences entre État central et pouvoirs locaux. La décentralisation américaine permet notamment aux États fédérés d’élaborer librement leurs programmes scolaires, ce qui suscite des critiques en raison des disparités générées par ce système (les aides financières fédérales étant fonction de la richesse des États, c’est-à-dire que plus un Etat est riche, moins il reçoit de fonds).
« Empowering States »* or « centralizing » ?
Le but affiché de M.Romney est de mettre en place un État fédéral plus simple, moins interventionniste, qui utiliserait ses ressources à meilleur escient. Le moyen envisagé pour atteindre l’objectif de la devise simpler, smaller, smarter est, d’après le candidat républicain, une forte décentralisation.
À titre d’exemple, cette décentralisation serait appliquée dans le domaine de la santé (le programme existant, Medicaid, verrait son budget renforcé chaque année à raison d’1 % pour suivre l’inflation, au détriment de Medicare, géré par l’État fédéral). Cette politique de décentralisation concernerait aussi le domaine de la formation et de la reconversion professionnelles. D’après Romney, Washington devrait ainsi laisser plus de libertés aux États pour développer des « approches innovantes de qualité supérieure à moindre coût»*.
À l’inverse, Barack Obama milite en faveur d’un État fédéral fort (rappelons que sa réforme de la santé, dite Obamacare, avait fait l’objet de nombreux recours par les conservateurs, notamment en vertu du non-respect des prérogatives des États fédérés prévues par le 10e amendement** à la Constitution).
De forts enjeux financiers
Deux arguments principaux sont avancés par le camp fédéral pour justifier une augmentation des pouvoirs des États fédérés et un désengagement partiel du pouvoir central: une meilleure efficacité de l’action publique (il est difficile de proposer au niveau national une politique adaptée à près de 315 millions d’habitants), et des économies budgétaires. Les Républicains abordent d’ailleurs le sujet de la répartition des pouvoirs entre Etat fédéral et Etat fédérés par le biais de la question de la dette fédérale : il s’agit in fine de démontrer que la vision démocrate de l’Etat fédéral aboutit à un accroissement de la bureaucratie, des taxes pesant sur les citoyens, et des contrôles.
* Expression utilisée par Romney sur le site officiel de sa campagne
** “The powers not delegated to the United States by the Constitution, nor prohibited by it to the States, are reserved to the States respectively, or to the people.”
Credits photo_Flickr_WEBNT-TV & Justin Sloan, Flickr_ Art History Images (Holly Hayes), openDemocracy
Ce papier s’inscrit dans une série de textes de la Fondapol sur l’économie dans la campagne électorale américaine. Retrouvez les autres sujets :
1. Les dépenses sociales dans la ligne de mire du candidat Romney (1/4)
2. Deux programmes, deux visions de la fiscalité du secteur privé (2/4)
3. L’emploi, à quand une vision post-crise ? (3/4)
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