#EtAprès. Covid-19 et accroissement des inégalités
Robin Rivaton | 03 juin 2020
Coronavirus : et après ? Franceinfo ouvre le débat. Un échange à grande échelle pour stimuler et partager des questions, des idées, des témoignages et ouvrir le débat le plus largement possible sur les solutions de demain : #EtAprès, qu’est-ce qui doit changer ? Cette contribution est signée par Robin Rivaton, gérant d’un fonds d’investissement Smart City, fondateur de Real Estech et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique. Robin Rivaton est également l’auteur de plusieurs études pour la Fondapol, notamment « Taxer mieux, gagner plus » (avril 2014), « Le Kapital pour rebâtir l’industrie » (avec Christian Saint-Étienne, avril 2013) et « Libérez le financement de l’économie » (avril 2012).
#EtAprès. Il y a un paradoxe terrible dans cette crise sanitaire. D’un côté, elle représente un choc exogène égalitaire par nature, puisque si le virus menace certes davantage les personnes âgées et celles présentant des facteurs de comorbidité, il affaiblit aussi des personnes bien portantes, et c’est pour cela que nous sommes tous confinés. D’un autre côté, pourtant, chaque jour de confinement supplémentaire a un peu plus accru les inégalités, qu’elles soient médicales, éducatives, géographiques, de revenus ou encore de patrimoine.
Il n’y aura pas de monde d’après. Des tendances latentes vont s’exacerber et s’accélérer.
La défiance envers les institutions pourrait s’accroître, nourrie par le sentiment que la crise n’est pas la même pour tous. Sur le plan économique, les politiques monétaires expansionnistes ont permis de parer au pire. Mais, à moyen terme, elles iront nourrir l’inflation des actifs, marchés immobiliers et entreprises non cotées par les taux directeurs, marchés boursiers par les rachats d’actifs. Elles renforceront le clivage patrimonial entre les propriétaires, les actionnaires et les autres.
Le « hasard moral », que les populistes transformeront en « nationaliser les pertes, privatiser les gains », est déjà sur toutes les lèvres. Aux États-Unis, les milliards de titres « pourris » d’entreprises endettées à l’extrême acquis par la Réserve fédérale (FED) via des véhicules spéciaux, contrastent avec les millions de ménages qui n’ont toujours pas reçu le moindre dollar d’aide. En Chine, les premières études sur la suite de l’épidémie montrent le tribut disproportionné payé par les ménages modestes. Selon le dernier baromètre de la confiance politique du Cevipof, en partenariat avec la Fondation pour l’innovation politique, 80% des Français et des Allemands sont déjà convaincus que certains ont profité de la crise pour s’enrichir (1).
D’autres oppositions stériles surgiront. Les petits contre les gros, par exemple. Cette crise touche aussi fortement les services que l’industrie manufacturière. Il faut s’attendre à ce que de nombreux petits acteurs de l’habillement, de la restauration et des loisirs mettent la clé sous la porte et que la concentration dans ces secteurs se fasse au profit des plus grandes enseignes.
L’opposition entre les soldats du front et les planqués. Les belles déclarations sur l’utilité sociale des métiers, entre ceux postés qui font tourner les services essentiels et ceux qui peuvent être réalisés à distance, ne se paieront plus très longtemps en simples applaudissements.
Parce que l’après-crise sera propice à la recherche de boucs émissaires, il ne sera pas facile de lutter contre les caricatures. Éviter que les institutions se fissurent nécessitera, au-delà des mesures d’exemplarité, de mettre les bouchées doubles sur le rattrapage des inégalités les plus déterminantes, notamment en matière d’éducation. Le confinement nous a en effet déjà appris que 5 à 8% des membres d’une classe d’âge ont décroché de l’enseignement (2).
(1) Sciences Po-Cevipof, « Baromètre de la confiance politique. Vague 11bis – Vague spéciale Coronavirus », avec le soutien de la Fondation pour l’innovation politique, de la Fondation Jean-Jaurès, de l’Institut Montaigne et de Terra Nova, avril 2020, p. 124-125.
(2) Décrochage scolaire : « Nous avons perdu entre 5 et 8% des élèves » affirme Blanquer, Le Figaro, 31 mars 2020.
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