« Glyphosate, une affaire basée sur des mensonges »

Blandine Cailliez, Marcel Kuntz | 22 janvier 2021

Pour Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS et enseignant à l’université Grenoble-Alpes, le dossier du glyphosate est emblématique d’un emballement médiatique et politique, basé sur des mensonges. Il est l’auteur d’une note récente sur le sujet (1).

« L’interdiction du glyphosate vient s’ajouter à la liste des nombreux dossiers industriels ou technologiques sacrifiés pour des raisons électorales. Il a longtemps été considéré comme un herbicide sans risque “inacceptable” pour la santé humaine. En 2015, son classement “probablement cancérogène” par le CIRC, Centre international de recherche sur le cancer, a changé la donne. Ce qui a conduit l’Union européenne, en 2017, à ne renouveler son autorisation que pour cinq ans, et la France à vouloir “sortir du glyphosate” en trois ans.

MANQUE D’OBJECTIVITÉ DU CIRC

Or, à l’époque, toutes les autres agences officielles d’évaluation des risques avaient contredit l’avis du CIRC. Au lieu d’ouvrir la discussion avec les autres scientifiques, ce dernier est allé directement à l’affrontement, avec un avis tranché et définitif. Je n’avais jamais vu cela de la part d’un organisme scientifique. Le CIRC bénéficie aussi d’un “service après-vente”, en termes de lobbying et communication, de la part de militants qui n’ont rien à voir avec des scientifiques. C’est consternant ! En étudiant de près le dossier, on se rend compte d’un manque de neutralité idéologique du groupe de travail du CIRC. On a également constaté que certains de ses membres ont touché de l’argent, plus de 300 000 dollars pour l’un d’eux, d’un cabinet américain d’avocats, ceux-là même qui veulent soutirer des milliards de dollars à Bayer. C’est hallucinant !

DES ANALYSES D’URINES FAUSSES

En Europe, la remise en cause de l’herbicide a été suivie par toute une série d’analyses d’urine de volontaires, tous positifs au glyphosate. Il est fréquent que les tests Elisa donnent de faux positifs, car une molécule qui n’est pas celle que l’on cherche se fixe sur l’antigène du test. On a parfois des doutes, mais lorsque 100 % des échantillons sont positifs, il est évident qu’une molécule présente dans le corps humain est reconnue à la place du glyphosate, et que les résultats ne sont pas exploitables. Or, ces analyses, réalisées par un seul laboratoire allemand, ont été validées par une scientifique, Monika Krüger, qui ne pouvait pas ignorer ce biais. Des journalistes qui manquent ouvertement de neutralité ont joué un rôle majeur dans la médiatisation du dossier. L’affaire est encore plus grave lorsqu’ils travaillent pour le service public. Est-ce que France 2 doit être la voix de l’écologie politique ? On a beau prouver que le reportage est une manipulation, le mal est fait.

À l’époque, Nicolas Hulot était ministre de l’Environnement. Tout le monde a compris qu’il fallait de temps en temps lui céder sur un dossier. On lui a donné le glyphosate, sans se rendre compte qu’on ne disposait pas d’alternative. On est arrivé à un engagement inconsidéré de la France, sans voir que l’avis du CIRC ne tenait pas la route, sans distinguer le vrai du faux, le bon grain de l’ivraie. Ces décisions, complètement irréfléchies pour l’agriculture, ont, en plus, contribué à saper la crédibilité des politiques et des agences scientifiques. »

Propos recueillis par Blandine Cailliez

(1 ) Note « Glyphosate, le bon grain et l’ivraie » (Fondation pour l’innovation politique), disponible gratuitement sur le site de la Fondation.

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