Loi immigration : la majorité introuvable

Sophie Coignard | 01 février 2023

CHRONIQUE. Présenté aujourd’hui en conseil des ministres, ce projet risque de cristalliser les oppositions. Et pourtant, ailleurs, le consensus existe.

Un dossier brûlant peut en cacher un autre. Tous les regards sont tournés vers la réforme des retraites, au lendemain d’une journée de mobilisation importante dans toute la France. Mais ce mercredi, le projet de loi visant à « contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » arrive devant le conseil des ministres. Il se présente comme la quintessence du « en même temps ». Il est en effet porté par deux ministres, Gérald Darmanin (Intérieur) et Olivier Dussopt (Travail), issus l’un de LR, l’autre du PS. Il contient des mesures propres à séduire la droite, telle l’accélération des expulsions pour les étrangers en situation irrégulière, et à apaiser les critiques de la gauche, comme la régularisation d’immigrés illégaux exerçant des « métiers en tension ».

Pourtant, il risque de cristalliser les oppositions de principe ou d’opportunité, y compris au sein de la majorité, dont l’aile gauche suspecte une « droitisation progressive » du texte, et ce pour au moins deux raisons. D’une part, le Sénat, où la droite est majoritaire, aura la primeur de son examen. Il va en modifier le savant dosage réalisé par les deux ministres qui l’ont concocté. Bruno Retailleau, le président du groupe LR, a dit et répété que « le “en même temps” sur l’immigration, ce n’est plus possible ».

D’autre part, l’exécutif, flanqué de sa majorité relative à l’Assemblée nationale, ne peut compter que sur l’aide des députés LR pour faire passer son projet de loi sans recourir à l’article 49.3. Un renfort très improbable, pour ne pas dire impossible. Le président de LR, Éric Ciotti, a déjà fait savoir qu’il voterait la réforme des retraites, mais en aucun cas la loi sur l’immigration. Et sur ce second point, il n’aura aucun mal à convaincre les collègues de son groupe : pas question d’apparaître comme les supplétifs du gouvernement. Les éventuelles concessions faites à la droite risquent donc de se révéler illusoires et inutiles…

Le surprenant exemple danois

Il existe pourtant un pays qui a réussi à maîtriser et à réduire l’immigration dans un climat consensuel. Comme le rapporte une récente étude de la Fondapol, le Danemark conduit depuis vingt ans la même politique en matière d’immigration, fondée sur trois piliers : « Une réduction drastique des flux migratoires, un programme d’intégration exigeant, un accès à la nationalité rendu difficile. » Initiée au début des années 2000 par la droite sous la pression des partis populistes, cette orientation a perduré au fil des alternances.

Les sociaux-démocrates revenus au pouvoir en 2019 l’ont maintenue et ont été reconduits aux élections législatives de novembre 2022, en améliorant leur score. Une politique migratoire restrictive est en effet, aux yeux des Danois, l’une des conditions de survie de l’État-providence auquel ils sont puissamment attachés : « Plus une société voudra être ordonnée autour du principe de la solidarité et de la justice sociale, plus son bon fonctionnement dépendra d’un haut niveau de cohésion sociale et donc de son homogénéité culturelle », résument les auteurs de l’étude. La France, de ce point de vue, a encore un long chemin à parcourir…

 

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