Un 15 vaut-il vraiment un 20 dans les collèges parisiens?
Marie-Amélie Lombard-Latune | 23 octobre 2023
Une économiste torpille la réforme de l’affectation en lycée mise en place en 2021.
Les faits – Maître de conférence à l’université Paris-Dauphine, Marion Oury signe une note pour la Fondapol (Fondation pour l’innovation politique) intitulée « La réforme Affelnet à Paris : un voyage au pays où 15 = 20 » (octobre 2023). De quoi faire sensation. L’étude de l’économiste, bien que souvent confuse dans sa rédaction, apportera de l’eau au moulin des adversaires de la réforme sans convaincre ses partisans.
La réforme Affelnet à Paris, qui date de 2021, est toujours controversée. Son objectif, assumé par le rectorat ? Introduire davantage de mixité sociale et scolaire dans la capitale où la pression des familles est forte pour que 12 000 collégiens intègrent les « meilleurs » lycées. Une compétition qui n’a pas son pareil en province, sauf dans quelques secteurs de grandes métropoles. Depuis près de trois ans, la bataille des chiffres et ouverte à Paris où la densité des lycées est exceptionnelle : plus d’un établissement au kilomètre carré. Etat des lieux des points les plus polémiques.
Les résultats scolaires d’un élève comptent peu pour son affectation dans un lycée
C’est vrai sur le papier. Sur un total de 43 400 points, les notes stricto censu ne pèsent que 4 800 points (et même seulement 3 300, selon les calculs de Marion Oury). 4 800 autres points dépendent des résultats du collégien au « socle commun », qui évalue huit « compétences » aux intitulés souvent abscons, telles sa capacité à « comprendre, s’exprimer en utilisant les langages des arts et du corps » ou celles sur « les représentations du monde et l’activité humaine ». En revanche, choisir un futur lycée dans un secteur géographique proche (le « secteur 1 », à moins de 25 minutes de transport) rapporte à l’élève 32 600 points.
Autre « singularité » dénoncée par l’économiste, le fait que les notes soient classées par tranches. « Autrement dit, écrit-elle, un 15 vaut un 20, un 10 vaut un 14,9 », etc. Ce que ne conteste pas le ministère de l’Education nationale qui justifie cette méthode par le fait que certains collèges n’évaluent pas leurs élèves par des notes.
L’opacité du système est réelle. Combien de familles ont-elles compris que les notes du bulletin ne comptent que pour 11 % du total ? Un poids relatif beaucoup plus important, avance cependant le rectorat, puisqu’il permet de départager des collégiens qui, à une très forte majorité, choisissent un lycée dans le secteur 1 et partent donc, à cet égard, sur un pied d’égalité.
La réforme Affelnet a permis de « réduire de 39 % la ségrégation sociale à Paris »
Deux nombres sont mis en avant par le rectorat. La réforme de 2021 a permis de réduire de 39 % « la ségrégation sociale » dans la capitale et de 30 % la ségrégation scolaire ». Et donc de mieux mélanger les élèves, que ce soit en fonction du niveau social de leurs familles ou de leurs performances scolaires individuelles. « Sans jouer aux apprentis sorciers, cela revient à rendre les établissements plus hétérogènes. Nous ne voulons plus de lycées d’élite ou de relégation », confirme Jean-François Barle, directeur académique adjoint, en charge des lycées. C’est ainsi qu’a été introduit en 2021 le fameux « IPS », un indice de position sociale calculé pour chaque collège en fonction du niveau socio-culturel des familles des élèves qui y sont scolarisés. Plus le collège a un IPS élevé (contexte social favorable), moins l’IPS donne de points pour Affelnet.
Contestant les calculs du rectorat, Marion Oury affirme que la mixité sociale « n’a été que très faible et ne concerne qu’un très petit nombre de lycées ». La statistique peut faire dire beaucoup. Globalement, avec la réforme, le public est plus mélangé qu’auparavant dans plusieurs lycées parisiens. C’est le cas, par exemple, à Condorcet, Chaptal ou Fénelon, dans les favorisés IXe et VIe arrondissements, où le rectorat voit avec satisfaction arriver des collégiens du XIXe arrondissement.
Cette mixité entraîne-t-elle une baisse du niveau ? Des enseignants et des familles s’en plaignent. Le rectorat constate, lui, que le pourcentage d’élèves passant en Première et Terminale générales et technologiques reste stable. En 2024, les premiers résultats du bac post-réforme seront regardés de près.
Le barême IPS introduit en outre, pour Marion Oury, une véritable « discrimination ». A l’entendre, même avec un excellent bulletin scolaire, un élève issu d’un collège sans bonus IPS « ne peut avoir accès » à Condorcet ou Hélène-Boucher. Autre exemple, avoir une moyenne en sport inférieure à 15 pour deux trimestres ou avoir 14,9 de moyenne (et non 15 ou plus) de moyenne générale empêcherait les élèves sans bonus IPS de quatre collèges de la capitale (dont Charlemagne) d’être admis dans l’un de ses 18 meilleurs lycées.
La « fuite » vers le privé
En deux ans, le nombre d’élèves issus d’un collège public entrant en seconde dans un lycée privé sous contrat a augmenté de « plus de 30 % », assure l’auteure de l’étude. C’est factuellement exact. Mais cela porte sur une proportion d’élèves faible. En effet, ce passage du public vers le privé a concerné 525 élèves en 2022 (contre 401 en 2021), sur un total de 12 000 collégiens. En sens inverse, 700 élèves du privé ont intégré un lycée public. La preuve qu’on fait dire beaucoup, et parfois son contraire, aux chiffres.
Retrouvez l’article sur lopinion.fr
Retrouvez ici la réponse de Marion Oury aux éléments développés dans l’article.
1/9 Ce matin, une recension particulièrement inexacte de mon étude @Fondapol dans un article de @lopinion_fr @malombard… Plusieurs 🧵donc, afin de corriger les multiples erreurs du texte.
🧵numéro 1: son commencement qui porte sur l’introduction de ma note: cf ci-dessous. pic.twitter.com/pBO1vmbm1w— Marion Oury (@MarionOURY3) October 23, 2023
1/12 Ce matin, une recension particulièrement inexacte de mon étude @Fondapol dans un article de@lopinion_fr @malombard… Plusieurs 🧵donc, afin de corriger les multiples erreurs du texte…
🧵numéro 2: ce qui porte sur la section I de ma note pic.twitter.com/uLzUgyLWTC— Marion Oury (@MarionOURY3) October 23, 2023
1/13 Ce matin, une recension particulièrement inexacte de mon étude @Fondapol dans un article de @lopinion_fr @malombard… Plusieurs 🧵donc, afin de corriger les multiples erreurs du texte…
🧵numéro 3: ce qui porte sur les sections II et III de ma note— Marion Oury (@MarionOURY3) October 23, 2023
Marion Oury, La réforme Affelnet à Paris: un voyage au pays où 15=20, Fondation pour l’innovation politique, octobre 2023.
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