Makers : la nouvelle révolution industrielle
07 janvier 2019
« Imprimantes 3d, découpeuses laser, logiciels et matériels open source sont désormais à la portée de tous et fabriquer des objets, chez soi, comme à son bureau, va rapidement devenir aussi courant que de retoucher des photos. La démocratisation des outils de production va-t-elle déclencher une nouvelle révolution industrielle, portée par les Makers ? ». Chris Anderson, rédacteur en chef du magazine Wired depuis 2001, nous offre une analyse pragmatique, riche de nombreux exemples, allant des imprimantes Makerbot, aux cartes informatiques en open source sur Arduino ou encore les boutiques d’auto-fabrication Techlab. Une nouvelle révolution industrielle est en marche : elle se nourrit des Makers qui utilisent les outils numériques pour réaliser des prototypes, l’open source pour la mise en commun de leurs idées, et la professionnalisation de leurs initiatives en entreprises, qui disruptent notre modèle économique. « Les Makers sont en effet en train d’industrialiser la bidouille et l’esprit DIY ( Do It Yourself ), en un mouvement tout à la fois artisanal et innovant, high-tech et low cost. Et aujourd’hui, plus que jamais, chaque inventeur est désormais aussi un potentiel entrepreneur ».
La nouvelle révolution industrielle.
Lors des deux dernières décennies d’innovation, on a cherché de nouvelles manières de créer, d’inventer et de travailler ensemble sur le web. Mais pour Chris Anderson, c’est dans les 10 prochaines années que l’on appliquera ces leçons au monde réel. Pour l’heure, la révolution numérique se limite aux écrans, car nous vivons dans des maisons, conduisons des automobiles, travaillons dans des bureaux, autant de biens matériels qui sont les produits de notre économie industrielle, transformée à bien des égards sauf un : « à la différence du web, elle (l’économie industrielle), ne s’est pas ouverte à tous. Etant donné les compétences, le matériel et l’argent nécessaire pour produire en grande quantité, l’industrie manufacturière appartient surtout aux grandes entreprises et aux spécialistes bien formés »,précise Chris Anderson. Mais voilà, cela est en passe de changer : la fabrication des choses n’est plus l’apanage des industriels, les dessins circulent en ligne sous forme de fichiers. La nature profonde de cette transformation résidera moins dans la manière de faire les choses que dans l’identité de ceux qui les feront. « Aujourd’hui, quiconque détient une invention ou un bon modèle peut télécharger un fichier vers un service qui fabriquera son produit, en petite ou grande quantité, ou le fabriquer lui-même avec des outils de fabrication numérique peu encombrants et toujours plus puissants comme les imprimantes 3D », précise l’auteur.
L’Histoire du futur.
« Qu’est ce au juste qu’une « révolution industrielle », les historiens en débattent depuis la fin du 18esiècle, c’est-à-dire depuis la première fois où ils ont constaté une évolution stupéfiante des taux de croissance ». Les grands bouleversements de l’industrialisation ont rarement rencontré un accueil bienveillant. Dans la Grande-Bretagne du début du 18esiècle, l’innovation avait mauvaise réputation et à l’instar de l’auteur William Blake, on parlait encore des « sombres usines sataniques, empoisonneuses des ouvriers et de la terre ».C’était sans compter l’amélioration de la qualité de vie, l’accès aux soins et le confort des habitats citadins, véritables découvertes pour les exilés ruraux de l’époque. L’expression « deuxième révolution industrielle »serait apparu pour la première fois dans la lettre d’un diplomate français, Louis-Guillaume Otto, qui décrivait un phénomène alors en cours en France. Mais c’est avec l’essor de l’industrie chimique, du raffinage pétrolier, du moteur à combustion interne, que l’on peut parler de nouvelle phase de la révolution industrielle. Et c’est dans l’ère de l’information et de la communication que va naître la troisième révolution industrielle, multiplicateur de forces pour la fourniture de services mais aussi pour l’automatisation de la production. La mise en réseau des ordinateurs et enfin l’avènement d’Internet, va véritablement transformer notre culture. Pour Chris Anderson, l’économie immatérielle est « celle où s’échangent les informations, services et propriétés intellectuelles incorporelles plutôt que des biens physiques. L’économie immatérielle comprend tout ce qui ne vous fait pas mal en vous tombant sur le pied ». Cependant, l’économie des « bits »ne représente qu’une tout petite fraction de l’économie manufacturière. Cette révolution est enfin celle des circuits, car au lieu de vendre à des usines qui contrôlent l’accès au marché, les nouvelles industries artisanales façon « maker » vendent directement aux consommateurs du monde entier, sur Etsy ou eBay, tout en créant un nouvel modèle économique « elles inventent leurs propres modèles et peuvent demander plus cher à des consommateurs exigeants qui évitent délibérément les biens produits en masse ».
Nous sommes tous des créateurs à présent.
Les imprimantes 3D en sont aujourd’hui là où le Macintosh et la LaserWriter de Jobs en entaient il y a 25 ans ; nous ne pouvons pas prédire son utilisation future, mais nous pouvons anticiper le fait qu’elle deviendra meilleure et moins chère que les premières imprimantes laser ou les précédentes technologies électroniques de base. « Bientôt ces premiers outils seront aussi omniprésents et aussi faciles à utiliser que les imprimantes à jets d’encre. Et s’il faut en juger d’après le passé, ils changeront le monde encore plus vite que le microprocesseur ne l’a fait il y a une génération ».
Réinventer les plus grandes de toutes les usines.
« En fin de compte, le mouvement Maker sera jugé non seulement sur sa capacité à transformer les catégories de produits et les fortunes des créateurs d’entreprise mais aussi sur la manière dont il fera avancer l’économie tout entière »,rappelle Chris Anderson. En l’intervalle de quelques générations, les moyens de production fondamentaux se transforment : vapeur, électricité, standardisation, chaîne de montage, fabrication Lean et aujourd’hui, la robotique. Mais les changements les plus importants et les mutations les plus profondes viennent toujours des outils. « Or, il n’est pas d’outil plus puissant que l’ordinateur lui-même : il ne se contente plus de piloter l’usine moderne : il en devient le modèle même ».La véritable révolution ne réside pas seulement dans l’essor d’une technologie avancée, mais aussi dans sa démocratisation. Et si le mouvement des Makers annonçait l’avènement d’un nouveau mouvement ? Un avenir dans lequel les pays occidentaux retrouveraient leur puissance industrielle perdue, mais en lieu et place d’un petit nombre de géants de l’industrie, ils verraient éclore une multitude de petites entreprises, investissant autant de niches. Un modèle qu’évoque le chercheur et journaliste canadien Cory Doctorow « l’époque des entreprises appelées «GE », « General Mills » ou « General Motors » est terminée. Les occasions à saisir sont comme le krill : un milliard de petites opportunités d’entreprendre, que des gens intelligents et créatifs pourront découvrir et exploiter ».
Farid GUEHAM
Pour aller plus loin :
– « Makers : La nouvelle révolution industrielle », lenouveleconomiste.fr
– « L’impression 3D va-t-elle réinventer l’industrie ? », cegid.com
– « Un futur sans humains : Le travail à l’épreuve des automates »,franceculture.fr
– « L’impression 3D sera-t-elle la 4e révolution industrielle ? », journaldunet.com
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