Aujourd’hui, l’islam suscite le rejet d’une part importante de la population. Si la présence de cette religion en Europe est très ancienne, elle est plus visible que jamais. C’est la conséquence de deux mouvements différents : d’un côté, une immigration qui provient principalement de pays musulmans, en raison de notre histoire et de notre géographie ; de l’autre, un vieillissement démographique qui fait de notre continent le plus âgé du monde. Le résultat est un multiculturalisme de fait pour lequel rien ni personne n’a été préparé. Conséquemment, des tensions sont apparues. Il serait absurde de ne pas voir les difficultés qui surgissent, par exemple à propos de la laïcité, de l’égalité entre hommes et femmes, de la liberté d’opinion…
À ces causes, il faut bien sûr ajouter l’utilisation assourdissante et quotidienne de références à l’islam par des organisations terroristes dont la violence inouïe, sciemment choquante, parfaitement conçue pour envahir l’espace médiatique à coups d’images atroces, finit par imposer dans l’esprit public une équivalence entre islam et barbarie. Les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 et ceux du 13 novembre 2015 qui ont frappé notre pays ont fait prospérer cet amalgame. Une polarisation s’installe peu à peu : d’un côté, des « islamistes » ; de l’autre, des « antimusulmans », tels deux obscurantismes complices, chacun s’appuyant sur l’autre pour démontrer que l’on ne peut pas vivre ensemble, à grand renfort d’idées simples, définitives et donc brutales. Pour les uns, les chrétiens ne doivent plus être tolérés dans les pays musulmans ; pour les autres, les musulmans ne doivent plus l’être dans les pays chrétiens. Nos « djihadistes » et Anders Behring Breivik représentent les deux figures ultimes de cette polarisation.
Pourtant, nous savons que nous allons vivre ensemble et nous savons aussi que ni la République ni l’Europe ne peuvent abandonner les hautes valeurs qui les fondent. De même que quiconque n’a à renoncer à ses convictions spirituelles. Il nous faut donc expliquer, mieux et davantage, que c’est précisément la reconnaissance et le respect des valeurs de la République qui conditionnent la reconnaissance et le respect des convictions spirituelles. Il faut engager ce travail et cette discussion entre nous tous. Cela suppose notamment de donner à voir une autre réalité de l’islam, qui n’est pas moins tangible, même si elle est devenue presque invisible, écrasée par l’image géante d’un islam détestable. Cette autre réalité n’est ni vraiment reconnue, ni toujours connue, y compris des musulmans eux-mêmes. Il ne faut jamais cesser de combattre l’ignorance.
Avec la série « Valeurs d’islam », la Fondation pour l’innovation politique souhaite contribuer à dissoudre des préjugés afin de laisser voir des vérités. Il ne s’agit pas de dire qu’il existe une expression humaniste et progressiste de l’islam, car c’est une évidence que l’on ne peut ignorer au seul motif que l’on ne la voit pas puisque, précisément, c’est l’islam des musulmans qui vivent leur religion sans bruit ni fracas. L’ambition de cette série est donc aussi de rappeler les raisons pour lesquelles il faut regarder cet islam généreux comme authentique, en accord avec le message initial, inscrit dans une humanité fragile mais inspirée, au destin unique, et dont le propos fondamental ne peut se déployer sincèrement que si la dignité de chacun est reconnue, consacrée et protégée par tous.
Les textes de la série ont été publiés sous la direction scientifique d’Éric Geoffroy, islamologue à l’université de Strasbourg, salué pour ses nombreux travaux. Les auteurs, Ahmed Bouyerdene, Mustapha Cherif, Mohamed Beddy Ebnou, Éric Geoffroy, Bariza Khiari, Saad Khiari, Asma Lamrabet, Philippe Moulinet, Tareq Oubrou, Ahmad Al-Raysuni et Mathieu Terrier, dont la compétence est solidement établie, ont accepté de partager leurs réflexions et leur savoir, contribuant à rendre possible, par leur geste, la préservation de notre monde commun.
Enfin, le lecteur doit savoir que cette série d’études n’aurait pas vu le jour sans l’appui et les encouragements du cheik Khaled Bentounès. Celles et ceux qui l’ont rencontré savent qu’il n’est pas exagéré de dire son exceptionnelle qualité d’âme ni de souligner le rôle précieux qui est le sien aujourd’hui.
Retrouvez toutes les notes de la série « Valeurs d’islam » : Le pluralisme religieux en islam, ou la conscience de l’altérité de Éric Geoffroy ; Coran, clés de lecture de Tareq Oubrou ; L’humanisme et l’humanité en islam de Ahmed Bouyerdene ; Le soufisme : spiritualité et citoyenneté de Bariza Khiari ; Islam et contrat social de Philippe Moulinet ; L’islam et les valeurs de la République de Saad Khiari ; Éducation et islam de Mustapha Cherif, Les femmes et l’islam : une vision réformiste de Asma Lamrabet, Islam et démocratie : les fondements de Ahmad Al-Raysuni, Islam et démocratie : face à la modernité de Mohamed Beddy Ebnou et Chiites et sunnites : paix impossible ? de Mathieu Terrier.
Si vous souhaitez commander les 10 premières notes de la série « Valeurs d’islam » (celle « Chiites et sunnites : paix impossible ? » de Mathieu Terrier est disponible uniquement en version électronique), merci de vous adresser à Anne Flambert, anne.flambert@fondapol.org. Prix : 40€ frais de port compris.
L’ouvrage Valeurs d’islam, sous la direction de Dominique Reynié, comprenant les 11 notes de la série « Valeurs d’islam » est disponible en librairie depuis le 27 janvier 2016 au prix de 22 €.
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Commentaires
On entend tellement de choses stupides et délirantes… Les réactions obtuses contre l’islam ne m’étonnent nullement. Pourquoi l’islam serait-il pire que d’autres religions ou courants de pensée, tels que les autres formes extrêmes qui font des grecs des victimes de l’obscurantisme politique.
Bonjur,
Je ne suis juste pas d’accord sur le commentaire initial. D’une part parce que j’étais personnellement préparé intellectuellement et idéologiquement à une société multi-culturelle : alors quand on dit que personne n’y était préparé, c’est faux, j’y étais et l’état actuel d’une société multiculturelle de fait était prévisible
L’Islam correspond à un rejet particulier, notamment aussi parce que, comme toutes les pratiques religieuses actuelles, il y a une contraction et un retour aux fondamentaux. Un exemple : mes amis musulmans buvaient de l’eau en journée pendant le ramadan, y compris en hiver, et de l’alcool le restant de l’année. Il priaient, mais les cinq prières/jour n’étaient absolument pas respectées, ou bien par très peu de gens. Ainsi, ce n’est pas l’Islam que les gens craignent, mais un Islam visible ainsi. Même si comme beaucoup de religions, ces pratiques tiennent autant du social que de la foi pure. Et même si toutes les religions en France vivent cela (je suis en Alsace, et je vois cela depuis longtemps).
Comment ai-je été préparé à ce multi-culturalisme ? C’est une bonne question et je ne saurais y répondre facilement, un faisceau d’expériences, de réflexions, de choix idéologiques libertaires, et compréhension de ce qu’est la laïcité, et surtout une absence de jugement moral (enfin, je l’espère). Mais qu’est-ce que la laicité ? Pour moi, un outil technique qui permet aux religions d’avoir un territoire d’égalité et de négociations permettant à chacune de vivre dans l’espace public. Pendant très longtemps, la religion catholique n’a jamais voulu discuter avec l’Islam. Maintenant, il est un peu tard. Il est donc plus important pour moi de définir la laicité dans chacune des religions, cet espace de négociation égalitaire inter-religieux, que de définir des valeurs religieuses inhérentes à chacune. Ce travail est fait pour les juifs et les protestants, il est partiellement fait par les catholiques et les musulmans.
Une dernière chose : ce travail sur la laicité est extrèmement minoritaire (et là, ce l’est pas l’Islam que je critique, ce sont toutes les religions). Chacun préfère s’intéresser aux valeurs. sans pour le moment de résultat …
L’Islam est une grande religion. L’ultime Message du Créateur aux êtres humains. Il faut donc le connaitre et le reconnaître. Je soutiens l’idée de » ne jamais cesser de combattre l’ignorance ». Bonne chance
Excellente initiative et passionnante conférence mais on a un peu tourné autour du pot. Il faut creuser davantage et plus incisivement le problème de la biologie de la croyance que les orateurs/trices n’ont fait qu’effleurer.
Mon expérience personnelle qui est très ancienne et très fructueuse me conduit à penser que le choc des valeurs qui affectent l’islam aux Occidentaux monothéistes ou athées se résume à l’opposition binaire des réponses à deux questions simples mais structurante pour la personnalité et son insertion sociale: pour ou contre 1) Mektoub+Inch’Allah? 2) loi du Talion?
L’étude sociologique de l’impact d’une crise de valeurs antagonistes selon qu’elle se pose dans un laps de temps Egire+t à une échelle variant entre le pico et le myria nombre d’individus révélera à mon sens le rôle crucial de ces deux questions qui heurtent les croyances fondamentales des antagonistes.
Très justement il a été mis en valeur l’importance du « contrat » religieux qui oppose l’islam (individu d’abord) et la chrétienté (les autres avant l’individu). Mon expérience et mes études sur l’histoire de la médecine et de l’hôpital me confortent dans l’idée que l’islam est d’abord une « hérésie » du judaïsme plutôt que du catholicisme universel. A ce titre, j’ai été frappé par l’importance donnée par les intervenants à un œcuménisme pluriculturel pour faire face au réchauffement de la planète qui affecte d’abord les zones intertropicales de la planète.
Quel était le climat de l’Arabie au VIIe siècle de l’ère chrétienne quand le prophète et ses émules écrivirent et diffusèrent le Coran? Faut-il que l’islam évolue par la création de ses propres hérésies comme l’ont fait les Mormons, les Amish et les Témoins de Jéhovah par exemple pour la chrétienté pour s’adapter au modernisme? Comment l’islam réagit-il comme tout ou partie aux extrêmes que sont le créationnisme et le transhumanisme.
Ce dimanche 14 juin, ils et elles, intervenants très positifs, ont porté le bouchon bien plus loin que le béotien aurait pu le croire possible. Il faut aller encore plus loin en surface et surtout en profondeur pour démêler les racines de ce qui ressemble plus à un baobab qu’à une mangrove. Qu’en auraient pensé, à l’heure de la génétique morganienne et de la biologie moléculaire, Maimonide, Averroes, Avicenne face à la controverse Descartes-Spinoza illuminée par les neurosciences et ses technologies? Je crois que les Ba’aistes méritent d’être sollicités et entendus.
Sachons mettre la Conférence de Paris sur le climat devant cette réalité qu’impose la rédaction à court terme de la charte de la conquête spatiale: instituer l’hôtel-Dieu de Paris comme Temple Universel de la Santé et de la Culture!
Jean-François Moreau
http://www.jfma.fr/
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